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Yémen

Ventes d’armes au Yémen : le gouvernement français à la défensive

Mi-avril, le média d’investigation “Disclose” publiait une enquête confirmant, à partir de documents classés “confidentiel défense”, l’utilisation d’armes françaises contre des civils au Yémen. Le gouvernement français continue de nier mais est de plus en plus en difficulté.

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Crédit photo : Des canons Caesar en Arabie saoudite. DR

La Ministre des Armées, Mme Parly, malgré de nombreux éléments venant soutenir le contraire, continue d’affirmer qu’à “la connaissance du gouvernement français, nous n’avons pas d’éléments de preuve selon lesquels des victimes au Yémen sont le résultat de l’utilisation d’armes françaises”. Devant ces déclarations, Le Monde rapporte la réaction de Bénédicte Jeannerod, à la tête de Human Rights Watch (France), qui souligne “de nouveau l’obstination de la France à poursuivre ses transferts d’armes à ce pays malgré le risque indéniable et parfaitement connu des autorités françaises qu’elles soient utilisées contre des civils”.

Dans le rapport de la Direction du renseignement militaire que s’est procuré Disclose, il est marqué noir sur blanc que les Caesar (canon automoteur, fleuron de l’industrie de l’armement français) « appuient les troupes loyalistes et les forces armées saoudiennes dans leur progression en territoire yéménite ». La corvette lance-missiles des Émirats de classe Baynunah, vendue par l’État français contribue aussi « à l’appui des opérations terrestres menées sur le territoire yéménite ».

L’ “obstination de la France” se confond donc parfois avec le mensonge. Notamment quand le chef de l’État déclarait en octobre 2018 qu’il “est faux de dire que l’Arabie saoudite est un grand client aujourd’hui de la France dans quelque domaine que ce soit”. Dernièrement, dans l’émission Arrêt sur images de Daniel Schneidermann, Jean-Dominique Merchet revenait sur les propos du Président : “C’est une affirmation ridicule, mensongère. Dire que l’Arabie saoudite n’est pas un client important pour l’industrie de l’armement français c’est un mensonge, c’est une fake news - qui tomberait sous le coup de la loi que souhaite instaurer Macron...”.

Ainsi, dans un article pour l’Opinion sur l’affaire des ventes d’armes au Yémen, il pointe un angle mort démocratique et s’interroge sur “la difficulté des pouvoirs publics et des industriels à parler d’un dossier soumis à la fois au secret-défense et au secret des affaires”. Si les opérations de ventes d’armes françaises ne semblaient pas souffrir jusqu’alors de problèmes de légitimité, “le ciel est en train de s’obscurcir” précise-t-il. Le 10 mai dernier, un cargo saoudien devait embarquer au Havre des “canons Caesar de 155 mm” mais finalement il a dû repartir sans son chargement, sous la pression publique.

Comme le stipule le Traité sur le Commerce des Armes (TCA), aucun “État Partie ne doit autoriser aucun transfert d’armes [...] s’il a connaissance, lors de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie”. Néanmoins, la France, pays signataire, semble subordonner ces accords internationaux à ses intérêts commerciaux, s’élevant, concernant la vente d’armes, à 9 milliards d’euros en 2018.
Ce n’est pas inhabituelle pour l’impérialisme français de contourner les embargos sur les ventes d’armes. Des pays sous embargos de l’UE mais également de l’ONU, bénéficient allégrement du "pragmatisme" de nos dirigeants. Ainsi la vente d’armes en Irak a rapporté 24,9 millions d’euros à la France entre 2012 et 2016, en Libye la France a livré pour 9,6 millions d’armes dans la même période.

Cependant, le gouvernement français se heurte désormais à “un changement d’ambiance, lié aux conséquences humanitaires de la guerre au Yémen, menée par deux proches alliés et clients de la France, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis”, insiste Jean-Dominique Merchet dans l’Opinion. Troisième vendeur d’armes dans le monde, ce "changement d’ambiance" à de quoi compliquer la position française de maintenir des liens commerciaux avec l’’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Pour autant, les gouvernements impérialistes ne peuvent se passer des revenues de ventes d’armes et le gouvernement français ne peut pas se fâcher durablement avec ses alliés du Golf. Dès qu’ils le pourront, ils livreront d’autres armes. C’est pourquoi il faut maintenir une pression constante sur le gouvernement et lutter contre notre propre impérialisme surtout en cette période de crise profonde des Gilets Jaunes, afin que tous les cargos des saoudiens repartent les cales vides.


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