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Casse de l'hôpital

Violences à l’hôpital : « Nous avons besoin de soignants, pas d’agents de sécu »

L’agression mortelle d’une infirmière au CHU de Reims a relancé les discours sécuritaires à propos des lieux de santé, en particulier en psychiatrie. Mais face à la réponse sécuritaire du gouvernement, plusieurs soignants dénoncent le manque de moyens et la casse de la psychiatrie.

Jyhane Kedaz

25 mai 2023

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Violences à l'hôpital : « Nous avons besoin de soignants, pas d'agents de sécu »

Fresque en hommage aux soignants à Montreuil. 2021

Le drame est venu rappeler les violences quotidiennes auxquelles font face les soignants dans l’exercice de leur métier. Partout en France ces derniers jours, les hospitaliers ont rendu hommage à leur collègue Carène Mézino, infirmière de 38 ans et mère de famille décédée des suites d’une agression au couteau lundi après-midi par un patient au CHU de Reims, qui a également blessé une secrétaire médicale.

Le profil de l’auteur de l’agression, atteint de schizophrénie, déjà passé à l’acte sur des soignants, a ouvert un débat sur la sécurité en milieu hospitalier, en particulier dans les services de psychiatrie. Sur le plateau de BFMTV mercredi, le ministre de la Santé François Braun a ainsi annoncé la tenue d’un audit « dès la semaine prochaine » sur l’état des services de sécurité dans tous les établissements de santé, rappelant que 25 millions d’euros sont destinés annuellement à ce budget.

« Le suivi des patients est essentiel »

Mais pour Gilles, infirmier à l’Hôpital Sainte-Anne à Paris, en service de liaison addictologie, la réponse ne peut être répressive : « Ce n’est pas d’agents de sécurité dont nous avons besoin, mais de soignants », explique l’hospitalier, qui témoigne de tensions quotidiennes dans l’exercice de son métier. « Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas d’une violence dirigée à l’encontre des soignants, mais qui est dûe à la maladie mentale des patients ».

Problème, ceux-ci sont de moins en moins pris en charge en raison du manque d’investissement dans les services de soins : « Les rendez-vous sont toujours plus espacés et les soignants ont moins de temps à accorder à chaque patient dans les services d’hospitalisations, car nos effectifs sont insuffisants », déplore l’infirmier.

Un constat partagé par Léa*, aide-soignante en unité d’admission fermée pour adultes dans un établissement de santé en Gironde : « nous avons moins de personnels soignants par patient et moins de temps de présence des soignants dans les unités. Beaucoup viennent de l’extérieur, en remplacement, n’ont pas le temps de connaître les patients. Or, c’est le suivi régulier qui permet d’anticiper les crises », remarque l’aide-soignante, dont le service est composé d’environ trois soignants pour une vingtaine de patients, « beaucoup trop » juge-t-elle.

« L’autoritarisme ne résoudra rien »

Les dysfonctionnements existent à tous les niveaux : « Les malades se retrouvent dans des unités non adaptées à leurs besoins par manque de places. Des patients se retrouvent hospitalisés des mois plutôt que d’être en structures sociales. Cela augmente les tensions envers les soignants et entre les patients eux-mêmes car ce sont des populations difficiles », ajoute Léa. Pour preuve, au fil des années, les lits d’hospitalisation en psychiatrie ont été réduits au rythme des coupures budgétaires. « Entre 1997 et 2021, le nombre de lits d’hospitalisation en psychiatrie a diminué d’environ un cinquième, de presque 100 000 à un peu plus de 80 000 », note ainsi La Voix du Nord.

Aide-soignante depuis sept ans, elle remarque une nette dégradation de ses conditions de travail ces derniers mois. « Le covid a marqué un tournant : il y a beaucoup de collègues ressortis démotivés. Beaucoup sont partis en raison du manque de considération, d’où les problèmes de recrutements ».

« Du personnel et un salaire correct »

Depuis le drame de Reims, les exemples de renforcement des dispositifs de sécurité dans les CHU fleurissent : à l’hôpital de Belfort-Montbéliard, « des caméras vidéo et des badges ont été installés dans tous les services pour limiter les zones d’accès libre », explique par exemple Eric Garcia, un cadre supérieur de l’hôpital, à l’AFP. Au CHU de Nantes, ce sont des équipes de sécurité composées d’anciens policiers qui ont été déployées au sein du pôle psychiatrie et santé mentale, explique l’Agence France Presse.

« Le problème ne pourra pas être résolu par plus d’autoritarisme. Des chambres d’apaisement, avoir la possibilité de détacher un soignant qui puisse rester avec un patient en cas de crise pour l’apaiser… C’est de cela dont nous avons besoin. Nous devons garder notre blouse de soignants, on ne répond pas à la violence par plus de violences », argumente l’aide-soignante. Une préoccupation partagée par l’infirmier de l’hôpital Sainte-Anne : « Les hôpitaux ne doivent pas devenir des prisons. Ce qu’il faut c’est des lieux d’accueil et de soin pour toutes et tous, des moyens et des personnels rémunérés correctement », revendique Gilles.

*Le prénom a été modifié


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