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Misogynie et manque de moyens

Violences gynécologiques et misogynie : un médecin mis en examen à l’hôpital Tenon

Le chef du centre endométriose de l’hôpital Tenon est visé par une enquête interne après plusieurs signalements d’anciennes patientes qui dénoncent des violences physiques et verbales de la part du praticien. Les faits sont particulièrement graves et sont un exemple extrême des violences gynécologiques auxquelles les femmes sont exposées du fait de la misogynie dans le corps médical, mais aussi du manque de moyens dans les établissements médicaux.

Matthias Lecourbe

23 septembre 2021

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THOMAS COEX / AFP

D’après France Info, le Pr. Darai chef du centre endométriose de l’hôpital Tenon fait l’objet d’une enquête interne à la suite de signalements glaçants d’anciennes patientes. Les faits relèvent manifestement de mauvais traitements, de violences physiques et verbales et de viols. Le praticien aurait selon plusieurs de ces signalements l’habitude d’insérer des spéculums sans lubrifiant et sans prévenir la patiente. Une des anciennes patientes témoigne que le médecin lui a causé une déchirure vaginale et fait sauter des sutures dans la zone anale par ses examens inhumains. Une étudiante dit l’avoir vu violer une femme sous anesthésie générale avec une bougie pour s’amuser. Toutes sont absolument révoltées par la violence du praticien, à un degré auquel elles n’avaient jamais été confrontées auparavant en tant que patientes de gynécologues.

Le Pr. Darai était pourtant réputé être le meilleur spécialiste de l’endométriose en région parisienne. L’endométriose est une maladie évolutive, qui concernerait une femme ou personne née avec un utérus sur dix. Elle est caractérisée par un développement anormal de l’endomètre (la muqueuse utérine) en dehors de l’utérus et peut être extrêmement invalidante par les douleurs qu’elle provoque principalement au moment des règles ou selon les organes sur lesquels l’endomètre vient à se développer, avec des complications possibles très variées et mal connues. Cette maladie reste de plus très mal diagnostiquée faute de formation des médecins et de prise en compte de la douleur dont se plaignent les femmes en raison notamment de préjugés misogynes.

L’accès aux soins reste un enjeu majeur pour les personnes souffrant d’endométriose. Le peu de praticiens formés à effectuer ce diagnostic n’exercent pas forcément en secteur 1, et les femmes – particulièrement les femmes précaires – peuvent être contraintes financièrement de s’adresser aux médecins des structures hospitalières où elles devront attendre plusieurs mois avant d’avoir un rendez-vous, ce qui ne fait que donner un nouvel aspect révoltant aux actes du professeur Darai.

Les faits de violences reprochés au chef du centre endométriose de l’hôpital Tenon sont extrêmement graves et constituent des fautes professionnelles impardonnables. Toutefois les femmes demeurent très exposées aux violences médicales et particulièrement dans le domaine gynécologique. C’est dû aussi à l’idéologie patriarcale et misogyne qui est véhiculée dans l’enseignement supérieur et est particulièrement présente dans le cadre des études de médecine, comme en témoigne par exemple ledit « syndrome méditerranéen » utilisé pour justifier une moindre prise en compte de la douleur de personnes racisées, ou encore les accusations de somatisation ou de surexpression de la douleur qui visent particulièrement les femmes et les personnes souffrant de troubles mentaux.

Mais les maltraitances gynécologiques sont encore renforcées par le manque de moyens critique du système de santé. Il est observé que les maternités saturées ont par exemple davantage recours aux épisiotomies ou aux césariennes - des opérations invasives, irréversibles et souvent mal vécues par les femmes par rapport aux maternités mieux dotées, ce qui montre que le bien-être des femmes est également de façon systématique très compromis par le manque de moyens dans les hôpitaux et dans le système de santé en général.

Les faits reprochés au chef du centre endométriose de l’hôpital Tenon sont d’une gravité extrême et il doit être suspendu au plus vite. Aucun médecin faisant l’objet de telles accusations ne devrait garder le droit d’exercer. Plus largement les médecins et tous les soignants et soignantes devraient être mieux sensibilisé.e.s au respect des patients, en particulier des femmes et des personnes appartenant à des groupes opprimés au cours de leur formation, à l’opposé des pratiques et discours réactionnaires qui sont encore inculqués au cours des études de médecine. Mais un véritable respect et une véritable qualité de soins pour les usagers et usagères du système de santé ne sont possibles que par une augmentation très importante des effectifs des soignant.e.s et davantage de moyens mis dans leur formation. Ce sont des politiques qui nécessitent de rompre avec les logiques de profit qui guident les politiques de coupes budgétaires qui sont responsables du renforcement des violences médicales et particulièrement des violences gynécologiques et obstétricales.


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