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Violences policières. Un homme est mort suite à un plaquage ventral au commissariat de Sélestat

Merter Keskin avait 35 ans quand il est décédé dans la nuit du 12 au 13 janvier 2021 après sa garde à vue au commissariat de Sélestat dans le Bas-Rhin. Des vidéos révélées par Libération contredisent la première expertise médicale et montrent qu’il a subi un plaquage ventral de plus de trois minutes dans le commissariat.

Lucylle Mage

28 juin 2022

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Crédits photo : Extrait des caméras de vidéosurveillance du commissariat de Sélestat contenu dans la vidéo publiée par Libération

Comme le relate Libération, le soir du 12 janvier 2021, Merter Keskin s’est rendu au logement de son ex-compagne, Elodie H, afin de voir ses deux enfants. Cependant, il n’était pas autorisé à s’y rendre puisque depuis sa peine de prison pour faits de violence conjugale, Keskin faisait l’objet d’une ordonnance d’éloignement. Elodie H contacte donc le 17 pour que son ancien compagnon respecte ladite ordonnance et quitte l’appartement. Keskin s’enfuie par la fenêtre mais finit par se faire interpeller par des policiers qui l’arrêtent pour le ramener au commissariat de Sélestat.

Merter Keskin arrive à 4 heures 25 au commissariat après une interpellation aux conditions troubles. Les images de vidéosurveillance révèlent, en effet, qu’il entre dans le commissariat le visage ensanglanté et qu’il a perdu une dent. Selon les auditions des policiers, il se plaint à répétition de douleurs au coeur. Il est placé en garde à vue et est donc escorté jusqu’à une cellule dans laquelle quatre agents vont le maintenir sur le ventre afin de le démenotter.

Le plaquage ventral a duré pendant trois minutes trente et a été effectué par quatre policiers car les agents ne parvenaient pas à retrouver les clefs permettant de démenotter Merter Keskin. Compte tenu des vidéos de surveillance récupérées , les journalistes de Libération déclarent que « l’interpellé ne s’agite pas, il est même immobile, les mains toujours menottées dans le dos, sur la couchette en béton où les deux fonctionnaires l’ont allongé à plat ventre – ce qui constitue un plaquage ventral. » Après plus de trois minutes de plaquage ventrale, Merter Keskin ne réagit plus. Son décès est constaté à 5 heures du matin, après l’échec des tentatives de réanimation. « Il s’est passé un petit incident cette nuit » expliquent les policiers le lendemain matin à son ex compagne.
La première expertise médicale attribue cet événement à une « intoxication potentiellement létale à la cocaine » mais Libération a pu obtenir les images de vidéosurveillance du commissariat de Sélestat révélant que les policiers auraient pu jouer un rôle dans le décès de Merter Keskin. En effet, ce dernier se plaignait de douleur cardiaque, était en surpoids et agité. La famille de Keskin demande donc une contre-expertise au juge d’instruction chargé de l’enquête. Elle déclare à Libération qu’elle pense que « les gestes exercés par les policiers ont été balayés des premières conclusions ».

Elodie H se confie sur cette nuit de janvier 2021 et sur sa volonté d’obtenir justice pour son ex-compagnon. L’ex-compagne de Merter Keskin, déclare : « J’aurais jamais dû appeler la police, je m’en voudrai toute ma vie ». Elle poursuit : « Si je n’avais pas appelé, il serait peut-être encore là pour ses enfants ».

Le plaquage ventral mis en cause par l’ex-compagne de Keskin

L’instruction judiciaire est toujours en cours pour déterminer la cause du décès et quel a été le rôle des policiers dans la mort de Merter Keskin. Aucun policier n’a été mis en examen pour le moment. Les agents présents dans la cellule de Keskin en janvier 2021 bénéficient de la présomption d’innocence. Elodie H déclare : « Je voulais que la police intervienne mais pas comme ça. Je voulais qu’il le mette en prison mais ils n’ont pas à faire un meurtre, ils n’ont pas à tuer quelqu’un ». L’ancienne compagne de Keskin revient sur les événements à l’origine de la mort de son ancien compagnon. Cocainé, en surpoids, agité, plaintif de douleur au coeur, menotté et placé sur le ventre, elle considère que la manoeuvre policière du plaquage ventrale était tres dangereuse et risquée car mettre une telle pression sur sa cage thoracique ne pouvait mener qu’à son décès.

Finalement, elle déplore l’impunité des policiers qu’elle tient pour responsable de la mort de Merter Keskin. « S’il s’est passé quelque chose de grave, que la personne soit punie, montrer qu’il y a réellement une justice, parce que pour moi il n’y en a pas, il y aura un non-lieu et ce sera terminé, alors que ses enfants sont là et que pour eux, quand ils vont grandir, ça va être compliqué » déclare-t-elle à Libération.

Cet énième cas de violence policière prouve qu’il ne peut y avoir aucune confiance dans l’institution policière pour répondre aux violences conjugales et plus largement aux violences sexistes et sexuelles. La seule réponse apportée par la police n’est qu’une réponse répressive qui ne traitent en rien les violences faîtes aux femmes. Or c’est bien cette unique réponse policière et répressive qui a été apportée par le gouvernement aux femmes victimes de violences.

Merter Keskin vient s’ajouter à la longue liste des personnes qui sont mortes après avoir croisé la police ces dernières années. Les circonstances qui entourent ces morts sont presque systématiquement occultées par la police et sa hiérarchie pour couvrir les policiers impliqués, et ainsi assurer leur impunité. L’argument de la nécessité du plaquage ventral pour immobiliser l’interpelé est systématiquement invoqué par les policiers mais cela est souvent mis à mal par les faits. En effet, cette technique du plaquage ventrale a déjà mené à la mort notamment d’Adama Traoré, de Cédric Chouviat mais aussi George Floyd aux Etats-Unis.

Il est donc plus que jamais nécessaire d’exiger vérité et justice pour toutes les victimes de violences policières. Mais aussi rappeler que c’est bien aux femmes de s’organiser elles-mêmes contre les violences sexistes et sexuelles, en toute indépendance de l’État et de sa police.


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