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Discours de Raúl Godoy, ouvrier à Zanon, lors du meeting à 15 ans de la rébellion qui a fait tomber le gouvernement en Argentine

Zanon, l’usine sans patron. « Reconstruire l’unité de la classe pour que les travailleurs prennent le pouvoir »

Le 20 décembre dernier, une importante manifestation a eu lieu à Buenos Aires, appelée par les organisations d’extrême gauche et du syndicalisme combatif, pour commémorer les 15 ans des journées révolutionnaires qui ont ébranlée l’Argentine les 19 et 20 décembre 2011, connues à l’échelle internationale par leur mot d’ordre « qu’ils s’en aillent tous ». Alexandra Dubois

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Lors du meeting de commémoration et de lutte pour l’anniversaire des mobilisations qui ont fait tomber 4 présidents en dix jours en 2001 en Argentine, Raúl Godoy, ouvrier de Zanon et député de la province de Neuquèn, en Patagonie, pour le PTS – FIT , a évoqué les éléments clés de l’expérience de gestion ouvrière de Zanon, qui continue à écrire les pages de l’histoire de la classe ouvrière internationale. Mais à l’heure actuelle, Zanon traverse une passe difficile en raison du retard technologique des machines de l’usine. Nous appelons nos lecteurs et lectrices à collaborer financièrement pour que ce bastion d’autogestion ouvrière continue à vivre et à montrer que les ouvriers n’ont pas besoin de patrons.
Voicides extraits de l’intervention de Raúl Godoy à l’occasion de ce meeting : « L’année 2001 nous a marqué à feu. A Neuquén, grâce à l’unité des travailleurs en CDI et des intérimaires - une question clé tout au long de cette lutte-, on venait de reprendre le syndicat des mains de la bureaucratie syndicale. Dans la recherche permanente de l’unité avec les chômeurs, on a proposé que les premiers 100 postes créés grâce à la gestion ouvrière de l’usine soient pour le mouvementde chômeurs en lutte (les « piqueteros ») de Neuquén ».

L’unité des travailleurs, la clé de leur force

« Cette unité s’est consolidée dans la formation de la coordination régionale de l’Alto Valle, qui rassemblait des organisations syndicales, des chômeurs et des organisations politiques, qui menaient des combats contre le gouvernement. Cette coordination a été mise à l’épreuve lors de la plus importante tentative de déloger l’usine Zanon, qui a eu lieu en 2003. A ce moment-là, on a répondu en faisant usage de notre légitime droit à l’autodéfense, mais aussi avec une grève au niveau de la province de Neuquén, appelée par la CTA (une des deux confédérations syndicales d’Argentine) et la mobilisation de milliers de travailleurs et de jeunes qui sont venus manifester devant pour défendre l’usine sous gestion ouvrière. L’unité est fondamentale, parce qu’il n’y a pas de division entre les travailleurs. Il n’y a pas de travailleurs de première et de deuxième catégorie, on est une seule classe, c’est ce qui nous donne une grande force. »

Les usines occupées, symbole international d’une classe qui n’a pas besoin de patrons

« Les usines occupées à l’époque en Argentine sont devenues un symbole aussi au niveau international. Marx disait, à propos de ces expériences de la classe ouvrière : « La valeur de ces grandes expériences sociales ne saurait être sous-estimée. Elles ont montré par des faits, non plus par de simples arguments, que la production sur une grande échelle et au niveau des exigences de la science moderne pouvait se passer d’une classe de patrons employant une classe de salariés ; elles ont montré qu’il n’était pas nécessaire pour le succès de la production que l’instrument de travail fût monopolisé et servît d’instrument de domination et d’extorsion contre le travailleur lui-même ; elles ont montré que comme le travail esclave, comme le travail serf, le travail salarié n’était qu’une forme transitoire et inférieure, destinée à disparaître devant le travail associé exécuté avec entrain, dans la joie et le bon vouloir… En même temps, le travail coopératif ne pourra jamais arrêter le développement, en proportion géométrique, du monopole, ni affranchir les masses, ni même alléger un tant soit peu le fardeau de leurs misères... Pour affranchir les masses travailleuses, la coopération doit atteindre un développement national et, par conséquent, être soutenue et propagée par des moyens nationaux. Mais les seigneurs de la terre et les seigneurs du capital se serviront toujours de leurs privilèges politiques pour défendre et perpétuer leurs privilèges économiques. La conquête du pouvoir politique est donc devenue le premier devoir de la classe ouvrière. »

Ces mots du manifeste de la première organisation internationale des travailleurs gardent toute leur actualité, et c’est celui-là notre horizon. Notre drapeau n’a jamais été de faire une coopérative isolée. On a lutté pour la nationalisation de l’usine dans le cadre d’un programme et d’une lutte de l’ensemble de la classe ouvrière, au sens large. Face aux syndicats bureaucratisés, nous avons refait les statuts du syndicat céramiste, en assurant la pleine représentation et droits pour les minorités ; la rotation de mandats, c’est-à-dire que tous les dirigeants retournent au travail après une période déterminée, pour assurer la rotation et éviter la bureaucratisation. Nous avons inscrit ces mesures dans les statuts et nous les avons appliquées dans la réalité. »

La nécessité d’une perspective politique

« En ce qui concerne les principaux dirigeants du syndicat céramiste, nous sommes à la tête, aussi, des listes électorales du FIT, et nous avons réussi à avoir le premier siège ouvrier et socialiste du FIT à la Province de Neuquén. Mais le gouvernement Kirchner, depuis qu’il est arrivé au pouvoir en 2003, a essayé de recomposer les institutions capitalistes qui avaient été fragilisées après la crise sociale, institutionnelle et politique de 2001. Et pour cela, il s’est servi de la bureaucratie syndicale, a coopté la plupart des organisations dumouvement de chômeurs (les « piqueteros ») et a coopté aussi des nombreux syndicalistes. A Zanon aussi, en tirant profit de la situation économique, le kirchnérisme a mis la pression et beaucoup de camarades ont choisi de croire aux promesses du gouvernement, qui se sont avérées complètement fausses. Mais aujourd’hui, les ouvriers de Zanon reprennent le chemin de la lutte, aux côtés des camarades de Madygraf qui, au cœur de la concentration ouvrière la plus importante du pays - la banlieue nord de Buenos Aires-, sont en train d’imposer la gestion ouvrière de leur usine. »


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