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La fuite en avant ultra-sécuritaire

Loi « anti-casseurs » : le dispositif pour en finir avec la contestation

Annoncée par Edouard Philippe la nouvelle loi anti-casseurs, directement issue d’une proposition de la droite, est examinée en ce moment à l’Assemblée nationale. Un nouvel arsenal de mesures répressives, du fichage des manifestants au périmètre de sécurité en passant par les interdictions administratives de manifester, vise à empêcher toute forme de contestation sociale par un dispositif ultra sécuritaire.

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Crédit photo : Gianni Giardinelli

Une longue liste de mesures liberticides

Présenté devant la commission des lois hier, le texte dispose de plusieurs articles. Le premier cherche à délimiter un périmètre de sécurité généralisant la pratique des fouilles et des contrôles et justifiant, en cas de refus de se soumettre à l’exercice, l’interdiction d’accès à la manifestation. L’article 3 vise quant à lui à la mise en place d’un « fichier de casseurs » permettant le « traitement automatisé de données à caractère personnel, afin d’assurer le suivi, au niveau national, des personnes faisant l’objet d’une interdiction de participer à une manifestation sur la voie publique ». Si ces deux propositions ont été retoquées par la commission des lois, l’exécutif reste libre de les reformuler ou de les faire passer sous une autre forme.

Les articles maintenus tels quels concernent notamment l’extension du dispositif appliqué aux hooligans à … en réalité à peu près tout le monde. Il s’agit d’étendre les pouvoirs de police administrative en permettant d’interdire préventivement des individus de se rendre à une manifestation. Questionné mardi, Castaner s’est défendu en assurant que ces interdictions ne concerneraient que 100 à 200 personnes « au maximum ». En réalité, cet article retient une définition très large des personnes visées : il s’agit de tout individu qui appartient à un groupe ou entre en relation de manière régulière avec des individus incitant, facilitant ou participant » à des violences ou des dégradations. Si certains pensaient le croire sur parole, force est de constater que rien ne détermine le champ d’application de cette mesure qui comprend, si l’on croit la lettre du texte, celui qui aura « facilité » une violence. En réalité voilà inscrite dans la loi la menace proférée par Castaner quelques semaines plus tôt : « Ceux qui viennent manifester dans des villes où il y a de la casse qui est annoncée savent qu’ils seront complices de ces manifestations-là ».

Par ailleurs, de nouvelles sanctions sont formulées, comme celle de dissimuler son visage. Un manifestant cachant « volontairement, totalement ou partiellement son visage afin de ne pas être identifié dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l’ordre public », risque un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Porter une arme ou « tout objet susceptible de constituer une arme » peut être puni de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Idem pour tout jet de projectile « présentant un danger pour la sécurité des personnes dans une manifestation sur la voie publique ». Alors qu’on est obligé de dissimuler son visage pour se protéger des gaz ou qu’un simple masque peut être considéré comme une arme, il est une fois de plus évident qu’il s’agit là de permettre l’incarcération à large échelle des manifestants.

Face aux gilets jaunes Castaner se radicalise et divise la majorité

Face à une telle offensive, même la majorité LREM rechigne à signer. Le texte est directement issu d’une proposition de Bruno Retailleau (LR) et fait tiquer les députés de la majorité. Si Castaner affirme que ça ne lui « pose aucun problème qu’elle ait été portée par le groupe LR », il semble qu’il soit allé un peu loin pour ce qu’il lui reste de soutien. En effet, la députée LREM de Maine-et-Loire Stella Dupont s’interroge sur « l’atteinte à la liberté de manifester possiblement induite par ce texte ». Autre exemple : le député de la Vienne Sacha Houlié est à l’origine d’un amendement soutenu par une cinquantaine de députés pour obliger le gouvernement à rendre compte chaque année devant le Parlement de l’usage de ces dispositions. Un texte qui inquiète jusque dans les rangs des macronistes. En revanche, Castaner aura trouvé un allié en la personne Marine Le Pen qui affirme soutenir et voter le texte de l’exécutif.

Ces dissensions ne sont pas anodines. Si même la majorité parlementaire ne veut pas suivre Castaner et assumer un tel tournant liberticide c’est que le gouvernement joue à un jeu dangereux : face à son isolement prononcé, faire le pari d’une répression féroce pour endiguer un mouvement d’ampleur. Seulement, le prix à payer est lourd et implique la rupture de larges franges de la population avec l’idée selon laquelle la police nous protège.

Un gouvernement esseulé ne dispose plus que de la matraque

La première loi « anticasseurs », alors portée par le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, date de 1970 et vise à mettre un terme aux manifestations qui persistent malgré les accords de Grenelle, après la grande grève de 1968. Celui-ci expliquait alors qu’« il s’agit bien de la défense des libertés, collectives et individuelles, de la défense des personnes et des biens contre les tenants de la violence et les ennemis de la République ». Cette rhétorique rappelle en réalité celle qu’emploie le gouvernement aujourd’hui : ceux qui manifestent veulent le chaos. C’est le credo qu’il reste lorsque les mécanismes à produire du consentement s’effondrent peu à peu : convaincre est impossible, il faut diviser et frapper fort ceux que l’on a isolés.

A l’heure où les Gilets jaunes contestent massivement le régime qui a mené Macron au pouvoir, refusent le Grand Débat et où les médias dominants se retrouvent obligés de parler des mutilations au flash-ball, les ressources du gouvernement fondent comme neige au soleil. Reste son bras armé, la police et la méthode de la terreur. Ainsi, si cette loi annonce des heures bien sombres pour la liberté de manifester, elle est aussi le reflet d’un gouvernement de plus en plus faible, et prêt à sombrer.


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