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La Izquierda Diario
24 de novembre de 2017 Twitter Faceboock

« On vient nous recruter dans l’usine, alors qu’on a un emploi »
PSA St Ouen vouée à la fermeture ? La direction balade les ouvriers, ils répondent par la grève
Flora Carpentier

L’usine PSA de Saint-Ouen (93) était bien calme ce jeudi après-midi. Pendant une heure, des dizaines d’ouvriers ont cessé le travail, rompant la chaîne de production et mettant les presses à l’arrêt. Les raisons de leur colère ? Malgré les symptômes chaque fois plus évidents de la fermeture programmée du site, la direction refuse de répondre à leurs interrogations.

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Forte de son expérience à Melun et Aulnay, la direction de PSA sait y faire pour fermer les usines dont elle n’a plus besoin pour engranger ses profits faramineux. Réduire progressivement les effectifs en CDI par le non-renouvellement des départs, pousser les ouvriers vers la sortie par les plans de départs volontaires et les pressions multiples, sanctionner à la pelle et licencier des ouvriers pour des motifs scandaleux… autant de recettes bien connues pour se débarrasser des salariés. Mais à l’usine de Saint-Ouen, dédiée à la production de pièces, PSA a franchi un cap dans le mépris qu’elle a pour les ouvriers. Tout en refusant de communiquer sur l’avenir du site, la direction a mandaté une société de recrutement pour débaucher les ouvriers directement dans l’usine. Pour ceux qui travaillent là depuis parfois plusieurs dizaines d’années, c’est l’incompréhension la plus totale. Ou plutôt la certitude que PSA se moque bien d’eux… Un ouvrier militant CGT nous raconte la situation dans l’usine.

« Le directeur nous a dit que l’usine allait passer en ‘décroissance pilotée’ »

« A la mi-octobre, le directeur a reçu chaque syndicat et nous a dit que l’usine allait passer en ‘décroissance pilotée’, qu’il n’y aurait plus aucun investissement sur Saint-Ouen. La décroissance pilotée ça veut tout dire. Ça veut dire qu’il y a une fin, mais quand, on ne sait pas. Zéro investissement, ça veut dire que le jour où une machine tombe en panne, c’est fini. D’ailleurs il y a déjà des presses en panne, qui ne sont pas réparées et ne tournent plus. D’autres sont déjà parties. Et c’est pareil du côté des salariés : toute personne qui part n’est pas remplacée. A côté de ça, on produit toujours le même volume de pièces, en travaillant les samedis de façon obligatoire. »

« C’est comme si l’usine était devenue une agence Pôle Emploi »

« Tout va très vite depuis l’annonce de la direction. Altedia, une boîte de recrutement qui travaille avec PSA, vient tenir une permanence toutes les semaines dans l’usine. En plus de ça, il y a des annonces dans l’usine pour des offres d’emploi à la SNCF, à la RATP. C’est comme si l’usine était devenue une agence Pôle Emploi. Mais quand on se renseigne pour quelqu’un de notre entourage qui cherche du travail, on nous dit que ce n’est pas possible, que ce n’est que pour nous. Mais les salariés ont un travail, donc peu d’entre eux vont les voir. Du coup, la semaine dernière les recruteurs sont carrément venus dans la salle de briefing, là où on travaille, et c’est eux même qui ont fait le briefing en nous demandant si on avait un CV à leur donner. Le directeur fait la même chose : il passe lui-même dans les ateliers pour voir les gens un par un, il leur sert la main et leur demande s’ils ont un CV. Depuis toutes les années que je travaille ici, je n’ai jamais vu ça ! Donc au bout d’un moment on se dit qu’il y a un problème. Les gens se posent beaucoup de questions, y compris les salariés non syndiqués. Ils discutent entre eux ».

« On nous pousse à partir mais on n’a aucune garantie derrière ! »

« Des salariés ont posé des questions, en demandant pourquoi on devrait chercher un autre emploi puisqu’on avait une fiche de paye à la fin du mois. Et d’ailleurs ils ne nous proposent rien de concret. On nous pousse à partir mais on n’a aucune garantie derrière ! Il y a même des ouvriers qui sont partis et qui sont finalement revenus dans l’usine. Parce qu’ils nous laissent une sécurité de 6 mois, avec la possibilité de revenir si ce qu’ils nous proposent ne convient pas. En plus il y a des pièges, on part pour une offre et quand ça se concrétise en fait ce n’est pas ce qui était proposé. »

De l’inquiétude à la colère…

« Mercredi prochain, le directeur est invité au CE pour présenter son plan de production pour les 3 années à venir : combien de pièces devront être produites, ce qui va entrer, sortir, etc. Du coup les salariés nous ont demandé, à la CGT, de faire une pétition. On a fait ça avec des non syndiqués, une pétition qui demande à la direction quand est prévue la fermeture du site et pourquoi Altedia se présente toutes les semaines dans l’usine. Les responsables des autres syndicats n’ont pas voulu être associés à la pétition. Par contre des syndiqués FO, CFDT et SIA l’ont signée. On a obtenu environ 160 signatures au total, d’ouvriers mais aussi de cadres. Sur un peu moins de 400 salariés c’est beaucoup.

Et ce jeudi on a débrayé à 60 au total sur les 2 équipes, pendant 1 heure à chaque fois, et il y a eu encore quelques grévistes dans l’équipe de nuit. Dans l’après-midi, les grévistes ont voté d’aller rencontrer le directeur. On est partis mais les responsables RH nous ont bloqué la route. L’un d’eux nous a dit que le directeur n’était pas là ce jour-là. Personne ne l’a cru. Ensuite on nous a dit qu’il était occupé et qu’il ne pouvait pas nous recevoir. Du coup on a voté qu’on gardait la pétition, mais qu’on donnait nos revendications, à savoir qu’on veut savoir la vérité sur l’avenir du site. Les responsables ont dit qu’ils allaient transmettre au directeur. Mais les grévistes ont voté de se donner rendez-vous pour débrayer à nouveau mercredi prochain, le jour du CE, s’ils n’ont pas de réponse de la direction d’ici là. C’est probable qu’il y ait encore plus de grévistes mercredi prochain, parce qu’il y a encore beaucoup de travailleurs avec qui on n’a pas eu le temps de discuter. »

« Des ouvriers ont débrayé pour la première fois de leur vie ! »

« Aujourd’hui, le directeur a beau nous dire de ne pas nous inquiéter, plus personne ne le croit. En plus il y a beaucoup d’ouvriers qui viennent d’Aulnay et Melun, des usines qui ont fermé. Donc ils savent à quoi s’attendre. Des ouvriers ont débrayé aujourd’hui pour la première fois de leur vie ! Des non-syndiqués, qui d’habitude ne parlent pas, c’était les premiers à débrayer ! A chaque vote, les grévistes se sont exprimés en tant que salariés et pas au nom d’étiquettes syndicales. Ce qui compte c’est qu’on soit unis pour nous battre pour notre avenir. Il y a beaucoup d’inquiétude et de colère. Du matin au soir, du lundi au vendredi, les salariés se posent des questions sur leur sort. »

« On va débrayer à nouveau mercredi prochain, et je pense qu’on sera plus nombreux »

« Quand on est des dizaines d’ouvriers à arrêter de travailler comme ça pendant une heure, toute l’usine est à l’arrêt, il n’y a plus rien qui tourne. Du coup il y a eu beaucoup de discussions entre les travailleurs. Les salariés sont au courant aussi de ce qui se passe dans les autres usines du groupe, avec la répression à Poissy et ailleurs. C’est pour ça aussi que quand le directeur a refusé de nous recevoir, on est restés calmes, on a gardé notre pétition et on a continué à discuter entre nous, à aller voir des salariés qui n’avaient pas débrayé. On sait que la direction est inquiète. L’usine à l’arrêt pendant une heure, ça provoque un gros retard. Après qu’on ait repris le boulot, ils ont fait une réunion où ils ont convoqué tous les chefs, et au lieu de quitter l’usine vers 16h comme ils font d’habitude, ils étaient encore là en fin de journée. On ne sait pas ce qu’ils se disent mais c’est clair que notre grève les a inquiétés. On va débrayer à nouveau mercredi prochain, et je pense qu’on sera plus nombreux, et le directeur va bien devoir nous recevoir à un moment donné. »

 
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