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La Izquierda Diario
6 de décembre de 2017 Twitter Faceboock

Néocolonisation
Macron en Algérie : "Qu’est-ce que vous venez m’embrouiller" avec la colonisation ?
Joël Malo

Emmanuel Macron était en déplacement en Algérie pour la première fois en tant que chef de l’État. Visite attendue, d’autant que le Président français s’était rendu dès le mois de juin au Maroc, voisin et rival de l’Algérie. Au centre de la rencontre avec Macron et le Président Algérien Abdelaziz Bouteflika, les questions mémorielles et économiques. Et une nouvelle petite phrase..

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Dans la lignée de sa tournée africaine où il s’est présenté comme un membre d’une génération pour laquelle le colonialisme fait partie de l’Histoire, « un passé qui doit passer », Macron n’est venu pas en Algérie en « otage du passé » comme il le confie au quotidien algérien El Watan. La question mémorielle concernant la colonisation française de l’Algérie est au cœur des relations entre les deux pays. L’historien Benjamin Stora (qui conseillait déjà François Hollande), spécialiste de la Guerre d’Algérie, accompagnait le Président. Si cette présence est un gage de bonne volonté de la part de Macron vis-à-vis du pouvoir algérien, la délégation française comptait aussi en ses rangs Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. Celui-ci, lorsque Macron-candidat avait affirmé que la colonisation était un crime contre l’humanité, avait qualifié ces propos de « crachats inacceptables sur la tombe des tirailleurs français, supplétifs, harkis morts pour une France qu’ils aimaient » dans un tweet supprimé depuis.

Pour le gouvernement, en revanche, il semblerait bien que ce passé garde une certaine actualité. La France n’a toujours pas accédé à certaines revendications historiques de l’Algérie comme le transfert des archives de guerre, dont une part infime seulement l’a été, l’indemnisation des victimes des essais nucléaires dans la Sahara ou encore la restitution des crânes de résistants à la colonisation au 19ème siècle.

Des questions dont Emmanuel Macron n’a pas grand intérêt apparemment. Interrogé par un jeune homme sur le passé colonial de la France après avoir déposé une gerbe au pied du monument des martyrs de la guerre d’Algérie, il a immédiatement répondu qu’il assumait cette page de l’histoire depuis « longtemps ». Puis, face à l’insistance de son interlocuteur il finit par répliquer : « Qui évite quoi ? J’évite de venir vous voir ? J’évite de dire ce qui s’est passé ? Mais il s’est passé des choses, comme je l’ai dit... Il y a des gens qui ont vécu des histoires d’amour ici. Il y a des gens, Français, qui aiment encore terriblement l’Algérie, qui ont contribué et qui ont fait des belles choses, il y en a qui ont fait des choses atroces. On a cette histoire entre nous, mais moi je n’en suis pas prisonnier. Mais vous, vous avez quel âge ? » Réponse du jeune homme : « 25 ans ». Et Emmanuel Macron de poursuivre ensuite : « Mais vous n’avez jamais connu la colonisation ! Qu’est-ce que vous venez m’embrouiller avec ça ? Vous, votre génération, elle doit regarder l’avenir. »

Or, contrairement à ce que dit Macron, il ne faut pas oublier que la France a longtemps été, sans conteste, le premier partenaire économique de l’Algérie. Aujourd’hui, la Chine nuance cette hégémonie. La visite de Macron répond donc principalement à des impératifs économiques, comme le rappelait Bruno Lemaire, ministre de l’économie lors de sa visite en Algérie le mois dernier, « Les chiffres sont sans appel. [...] Nous devons redresser la barre ». De même que pour les autres pays d’Afrique, considérés historiquement comme « l’arrière-cour » de la France, Macron dénie toute tentative de domination économique française, parlant plus volontiers de partenariat d’égal à égal. À Ouagadougou, le Président français avait rappelé aux entreprises françaises la nécessité d’un comportement éthique. Un avertissement dont tiendra sûrement compte Xavier Niel qui accompagnait le Président à Alger. Ce dernier est l’un des meilleurs représentants du patronat français (11ème fortune de France, patron de Free, actionnaire du Monde, anecdotiquement gendre de Bernard Arnault, 1ère fortune de France). Sa conception toute particulière de la moralité a d’ailleurs été rappelée récemment lors d’une émission de Cash investigation. Différents projets sont en cours de concrétisation comme l’installation d’usines PSA ou de Schneider Electric dans le pays.

En conséquent, la France est un soutien actif au régime de Bouteflika. Ce dernier détient le record de longévité à la tête de la République algérienne puisqu’il gouverne depuis dix-huit ans et est déjà présent depuis l’indépendance dans les coulisses du pouvoir. Quasi absent depuis son AVC en 2013, mais tout de même capable de remporter des élections sans grand suspens, les oppositions au Président Bouteflika ont monté d’un cran (puis été étouffées) alors que celui-ci briguait son quatrième mandat. Légitimé en tant qu’héritier de la Guerre de Libération (il était engagé dans l’Armée de Libération Nationale), Bouteflika reste aussi un symbole de stabilité dans un pays où le gouvernement ne permet pas de faire le deuil de la « décennie noire » (voir notamment à ce propos le dossier du Monde diplomatique, Mémoires interdites en Algérie). Macron, de son côté, sous couvert de s’adresser à la jeunesse qui n’a, comme lui, pas connu la période de la colonisation, s’attache à nier toute forme d’influence à la France sur l’Algérie et sur les anciennes colonies plus largement.

 
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