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La Izquierda Diario
8 de décembre de 2017 Twitter Faceboock

70 ans de manœuvres impérialistes jetés à la poubelle ?
Trump joue contre ses propres alliés au Moyen Orient
Philippe Alcoy

La reconnaissance de Jérusalem comme la capitale de l’État israélien est peut-être en train de mettre fin à un long chapitre de l’histoire de la diplomatie nord-américaine au Moyen Orient. De plus, Trump est en train d’affaiblir en même temps les principaux alliés régionaux de l’impérialisme.

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Crédits photo : Sipa Press

Pendant des décennies les États-Unis ont joué le rôle de « médiateur » du conflit israélo-palestinien. Bien que le soutien inconditionnel de l’impérialisme nord-américain envers l’État sioniste apparaissait comme évident pour tout le monde, les options défendues par Washington pour « résoudre » le conflit apparaissaient comme les plus crédibles, les seules envisageables même.

Or, cela impliquait en même temps garder et défendre son allié sioniste mais jusqu’à une certaine limite. Autrement, l’image et la position de « médiateur » serait trop décrédibilisée. Ainsi, sur un plan symbolique, bien que depuis 1995 le projet de déménager l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem ait été voté par le congrès nord-américain, les différents présidents (démocrates comme républicains) ont toujours repoussé la décision, et ce, tous les six mois. Trump lui-même l’a fait en juin dernier.

La reconnaissance de Jérusalem comme la capitale de l’État sioniste est une rupture avec cette tradition. Il s’agit d’une prise de position trop explicite en faveur d’Israël et des ailes les plus radicalisées du sionisme. Ainsi, comme c’est affirmé dans Foreign Policy : « à long terme, la décision de Trump pourrait signifier la fin d’un processus de paix dirigé par les États-Unis. Évidemment, il n’y aura pas de déclaration officielle de la Maison-Blanche ou du siège des Nations Unies à New York annonçant un tel dénouement. Mais à toutes fins pratiques, le rôle de Washington en tant que principal garant et unique médiateur des négociations israélo-palestiniennes est probablement arrivé à une fin. Avant même que Trump n’arrive au pouvoir, près de 25 années d’efforts de paix ratés avaient entamé la crédibilité de Washington en tant qu’intermédiaire pour la paix, notamment parmi les Arabes et les Palestiniens ».

La déclaration de Trump est en train d’être interprétée comme un soutien des États-Unis à l’option de la « solution à un État » en Palestine, celui d’Israël. Autrement dit, l’approfondissement de la colonisation des terres palestiniennes par le sionisme. Mais bien que ce tournant de l’impérialisme nord-américain ait comme conséquence conjoncturelle de renforcer la position d’Israël, elle implique des dangers plus à long terme. C’est ce que pointe l’analyse de Stratfor sur la prise de position de Trump : « la solution à un État a ses inconvénients pour Israël : ajouter des millions de Palestiniens aux listes électorales condamnera la majorité juive du pays, mais leur refuser le suffrage signifierait la fin d’Israël en tant que démocratie. Ainsi, même si la situation actuelle peut sembler une victoire politique pour Israël, cela mènera à des décisions difficiles ».

Cependant, c’est surtout pour les alliés arabes de l’impérialisme que la politique de Trump est en train poser les bases pour leur faillite. En effet, la politique ouvertement pro-sioniste du gouvernement nord-américain représente un revers pour tous les dirigeants arabes qui depuis des décennies prêchent pour une politique de négociations et de compromis avec l’impérialisme et le sionisme pour trouver une « solution » à la question palestinienne.

Le premier concerné évidemment est Mahmoud Abbas et son parti le Fatah. Face à cette agression Abbas a le choix entre s’opposer à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale sioniste et rompre avec les États-Unis, et donc perdre le soutien indispensable de Washington face à la lutte avec le Hamas et autres forces palestiniennes ; ou de capituler et perdre toute crédibilité au sein de la population palestinienne.

L’Arabie Saoudite est elle aussi dans une situation fort inconfortable. En effet, depuis plusieurs mois, on constate un rapprochement explicite entre les Saoud et l’État sioniste. Là aussi, il s’agit d’un tournant important car même si les deux États ont toujours eu une collaboration étroite, notamment en termes de défense et sécurité, cela se faisait habituellement secrètement ou semi-secrètement. Or, l’Arabie Saoudite étant le pays qui a en son sein les deux principaux lieux saints pour la religion musulmane, elle est dans l’obligation de s’opposer à la reconnaissance de la souveraineté sioniste sur Jérusalem, qui abrite le troisième lieu saint pour les musulmans. Et cela sans parler de l’avancée que cela représente dans la colonisation de la Palestine.

D’ailleurs, selon la télévision israélienne, News 10, la décision de Trump aurait eu le feu vert des gouvernements saoudiens et égyptiens. En même temps, les autorités saoudiennes ont ordonné aux médias de leur pays de ne pas donner beaucoup temps d’antenne aux informations traitant de la question de Jérusalem et de la décision de Trump. A cela, il faut ajouter que l’ambassade saoudienne en Jordanie conseillait à ses ressortissants de ne pas prendre part aux manifestations pro-palestiniennes pour des « questions de sécurité ».

La Jordanie et l’Égypte sont aussi des pays alliés à l’impérialisme et qui ont passé des accords de paix avec l’État israélien. La situation actuelle les met en difficulté face à la grande contestation qui s’exprime au sein de leur population. Dans le cas de l’Égypte, où le gouvernement reçoit des milliards de dollars de la part des États-Unis chaque année et participe activement à la répression de la résistance palestinienne à Gaza, la pression pourrait être très forte pour abandonner cette politique collaborationniste.

Il n’y a aucun doute que ceux qui vont sortir renforcés de cette crise sont les régimes qui depuis plusieurs années ont un discours hostile aux États-Unis et à l’État israélien, notamment l’Iran. Mais ce sera également le cas de forces politiques comme le Hezbollah au Liban et d’autres forces de l’islam politique comme al Qaeda et les restes de Daesh lui-même, voire des forces islamistes nouvelles qui surgiront sous les décombres de l’État Islamique. On peut également s’attendre à un renforcement du régime turc, même si celui-ci a toujours entretenu de bonnes relations avec Israël, même avec parfois quelques frictions. Autrement dit, dans l’immédiat, on peut s’attendre au renforcement des forces « anti sionistes » réactionnaires.

Cependant, bien que cela paraisse difficile aujourd’hui, on ne peut pas exclure l’apparition de tendances progressistes au cours d’un mouvement d’opposition à l’avancée de la colonisation et de l’oppression du peuple palestinien. En effet, bien qu’on ne puisse pas prédire une troisième « intifada » imminente, il est clair que la décision de Trump a eu comme effet de faire descendre dans la rue des milliers de personnes. Et c’est précisément cela que les gouvernements pro-impérialistes craignent.

En Égypte le général al-Sissi sait très bien que sa légitimité n’est pas très solide et que des manifestations anti-sionistes et anti-américaines pourraient prendre très rapidement un ton antigouvernemental. En Jordanie et en Palestine même il existe le même risque. Bien que l’Arabie Saoudite semble avoir une maîtrise plus grande des mouvements populaires, la lutte actuelle au sommet de l’État peut avoir ouvert des brèches dans lesquelles un mouvement de solidarité avec la Palestine pourrait s’engouffrer.

 
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