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La Izquierda Diario
18 de décembre de 2017 Twitter Faceboock

Convergence des luttes
Vidéos. Émotion et fierté de classe à la fête de victoire des grévistes d’H.Reinier-Onet
Flora Carpentier

Après 45 jours de grève, la fête de soutien à la grève des salariés d’H.Reinier-ONET, qui avait lieu ce samedi 16 décembre au théâtre de La Belle Etoile à Saint-Denis, s’est convertie en fête de victoire. Une victoire amplement méritée, fêtée comme un triomphe de la classe ouvrière dans son ensemble, par les grévistes et leurs nombreux soutiens rassemblés cette après-midi-là au QG de la compagnie Jolie Môme.

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Crédit photo : O Phil des Contrastes

La fête était à l’image de l’immense élan de solidarité ayant entouré la grève des salariés du nettoyage des gares franciliennes ces dernières semaines : environ 150 personnes sont venues apporter leur soutien aux grévistes victorieux, partageant leur fierté d’avoir remporté la manche contre des géants comme ONET et la SNCF.

Anasse Kazib, cheminot et délégué SUD Rail ayant accompagné la grève de très près et participé aux négociations entre les grévistes et leur employeur, résumait ainsi l’exploit auquel les grévistes sont parvenus : « Vous avez démontré à tout le monde que la force des travailleurs, c’est la grève. Alors rien que pour ça, un grand bravo à vous. (…) Au-delà d’ONET et de la SNCF, vous avez couché le patronat dans son ensemble. (…) Ils ont essayé de vous réprimer, de vous attaquer dans vos droits, et non seulement vous vous êtes défendus mais vous les avez attaqués. Quand je vous dis que vous avez fait peur au patronat, c’est que tout le patronat aujourd’hui a peur que demain il y ait un H.Reinier du nord parisien qui se transforme dans toutes les régions de France, qu’il y ait des précaires comme vous qui relèvent la tête en se disant que dans tout le nord parisien ils ont réussi à le faire, ils ont tenu bon, ils étaient ensemble main dans la main. Et rien que pour ça vous pouvez vous féliciter de ce que vous avez fait parce que c’est une bataille exemplaire. Vous nous avez démontré que lorsqu’on est unis – quand je vois qu’il y avait des camarades de la CFDT, de SUD, de FO, et je pense aussi aux camarades de la CGT-HPE – quand on leur montre que quand les militants de la base luttent ensemble, sont capables de s’unir et de converger, ils sont capables de gagner… ce message-là vaut tous les messages du monde ».

Plusieurs grévistes ont ensuite pris la parole, avec beaucoup d’émotion et de fierté, malgré la fatigue de ses 45 jours de combat sans relâche. Oumou Gueye, gréviste de la première heure et déléguée SUD Rail, a tenu à remercier l’ensemble des soutiens de la grève, notamment les personnalités ayant permis de donner de la visibilité au mouvement. « Grâce au courage et au soutien que vous nous avez donné, on n’a pas senti qu’on n’avait pas de salaire. A Saint-Denis, on a eu de tout : du soutien moral, du soutien financier... les étudiants de Paris 8... tous les jours on a eu du soutien (…). Ca fait plus de 30 ans que je suis en France et je n’avais jamais pris un micro. Mais avec le courage que vous nous avez donné, j’ai senti que je pouvais aller au-delà de moi-même. Avec les collègues, on ne se connaissait pas, et on est devenus une deuxième famille ».

Fernande Bagou, gréviste et déléguée CFDT, a pris le relais sous les applaudissements, revenant sur tout ce que la grève lui avait apportée et racontant des anecdotes faisant rire l’auditoire : « Quand j’ai appris qu’on était convoqués par la justice, franchement j’étais pas bien. Moi je ne connais même pas la police, et on me convoque à la justice ! (…) Quand on nous a donné le verdict et qu’on nous a dit qu’on avait gagné, vraiment je ne m’attendais pas à ça. (...) Aujourd’hui nous savons que nous serons respectés. Nous nous sommes battus pour notre dignité et pour notre respect. Et s’il fallait recommencer on le ferait ».

La troisième gréviste à prendre la parole, Amy Keita, a provoqué l’hilarité générale en racontant l’inquiétude qui avait été la sienne au début du mouvement quand elle n’avait vu qu’une seule personne venir les soutenir, puis deux, puis trois, avant de retrouver de l’espoir en voyant le soutien s’élargir. Elle a conclu sur des paroles très profondes sur l’apport de cette grève pour la dignité : « Moi je ne suis pas allée à l’école. C’est ici que j’apprends à lire, à parler. Mais je me débrouille. Jusqu’à présent, vous m’aidez beaucoup alors si je peux avancer à lire… c’est ça qui est mon but, pour arrêter de frotter frotter ! ».

Le micro a ensuite été passé aux hommes de la grève, à commencer par Baradji, le responsable de la caisse de grève pendant ces 45 jours : « Du 2 novembre jusqu’à maintenant, on a compris ce que ça veut dire l’être humain. Si tu es en galère, il n’y a que l’être humain qui peut t’en sortir. On a vécu quelque chose d’extraordinaire avec vous. On était isolés, mal compris. On a essayé tous les moyens du monde pour nous faire comprendre, que ça soit la direction d’SNCF ou d’ONET, personne ne nous écoutait. Mais grâce à vous on a pu redresser la barre ».

De nombreux soutiens au rendez-vous de la victoire

Venus pour beaucoup d’entre eux en famille, les grévistes étaient également entourés des soutiens les ayant suivi pendant toutes ces semaines, et notamment les salariés de l’hôtel Holiday Inn de la porte de Clichy, eux-mêmes en grève depuis 59 jours, et avec qui plusieurs actions de convergence ont été menées. Damba a pris la parole en leur nom : « Je félicite nos camarades d’ONET. On a mené des actions ensemble et aujourd’hui ça a porté ses fruits. Quand on dit que le pauvre a toujours tort, je vous dis que c’est faux. Ou que le pauvre n’a pas le droit au plaisir, je vous dis que c’est faux. Quand le pauvre se bat tout seul pour défendre ses droits, soit on le traite de délinquant, de voyou, de voleur... mais si nous allons unis ensemble pour combattre les patrons... parce que les patrons, ce sont eux qui ont les plus grands avocats. Nos avocats c’est qui ? C’est les syndicats. Il faut que les syndicats soient unis, solidaires, pour pouvoir nous défendre nous les ouvriers, qui n’avons pas le droit à la parole. Ils peuvent nous encourager et nous donner la force, pour être déterminés (…) Aujourd’hui nous sommes là pour fêter notre victoire à tous sur les patrons. Nous avons besoin de votre soutien pour gagner ce combat, et je suis sûr que nous allons le gagner ensemble ».

Leur intervention a été appuyée par celle de Diako, de la CFDT et soutien de la grève d’H.Reinier-ONET : « Je tiens à féliciter les collègues d’ONET, personne n’avait pensé qu’on irait jusque là. Je remercie SUD Rail qui a donné beaucoup : physiquement, financièrement... (…) C’est une belle victoire, c’est incroyable. (…) Je voulais dire aux collègues d’Holiday Inn qu’on ne va pas vous oublier. On a commencé ensemble et on a gagné. Il faut vous soutenir jusqu’à votre victoire. Si on n’a pas gagné avec vous, pour moi on n’a pas encore gagné ! », s’est-il exclamé sous un tonnerre d’applaudissements :

Ghislaine Tormos, ouvrière à PSA Poissy et ancienne gréviste de PSA Aulnay, a également tenu à fêter cette victoire auprès des grévistes d’ONET, soulignant l’exemplarité de leur grève pour l’ensemble du monde du travail : « Vous avez décidé de relever la tête, vous avez compris qu’il y a des exploiteurs et des exploités, et vous avez refusé d’être exploité. Et je peux vous dire qu’aujourd’hui vous allez refuser tout en bloc, vous allez devenir chiants avec les patrons ! Votre combat il va nous servir à nous dans les usines. (…) Je vais mettre des photos de vous partout, je vais parler de vous et je vais dire que vous avez relevé la tête, et qu’on peut la relever aussi. Donc je vous remercie du fond du cœur ».

Marquant une convergence avec la lutte des quartiers populaires, déjà présente aux dernières actions de la grève, Youcef Brak est venu porter le soutien du comité Vérité pour Adama : « La maman d’Assa Traoré était gréviste et impliquée dans le mouvement mais elle a été hospitalisée et aujourd’hui Assa est auprès d’elle. Pour nous c’est important d’être là en soutien parce que c’est la même lutte, c’est la lutte des quartiers populaires, c’est la lutte de nos parents. Ma mère aussi travaille dans le nettoyage et je sais ce qu’on doit au sacrifice de nos parents. J’ai vu ma mère se lever très tôt le matin, partir au travail pour nous, ses enfants, pour qu’on puisse faire des études et que je puisse m’exprimer devant vous aujourd’hui. Je sais ce qu’on doit à leur sacrifice, en quittant leur pays, en venant être exploités ici, en vivant le racisme, le mépris... ils nous ont transmis cette dignité qui fait qu’aujourd’hui on est debout et on se bat (…). Depuis toujours dans les usines, il y a toujours eu des luttes des travailleurs immigrés. Nos aînés ont lutté dans les usines et c’était toujours lié à la question du racisme. Je pense notamment à la grande grève à Marseille où 30000 ouvriers immigrés ont cessé le travail pendant 24h contre le racisme, contre les ratonnades ». Il a rappelé l’acharnement inédit qui s’abat contre la famille Traoré : « Youssouf Traoré vient d’être incarcéré. Yacouba Traoré qui a 20 ans, a été emprisonné à la maison d’arrêt de Meaux. Bagui Traoré qui est le témoin principal de la mort de son frère, le système fait tout pour le démolir. C’est en ça qu’on dit qu’ils sont des prisonniers politiques, et on doit exiger leur libération ». Il a ensuite rappelé le rendez-vous donné ce mardi à 14h30 devant le tribunal de Pontoise, pour exiger la libération de Youssouf, Bagui et Yacouba.

Enfin, Cécile, étudiante et militante au NPA Jeunes, est revenue sur l’importance des solidarités étudiants-travailleurs : « Vous nous avez beaucoup apporté. (…) Aujourd’hui il y a beaucoup de jeunes qui sont au chômage, qui sont en galère, qui ont peur du lendemain, et aujourd’hui vous nous montrez que c’est possible de s’organiser et de gagner. Vous nous donnez beaucoup d’espoir, sur le fait qu’on va pouvoir faire reculer le gouvernement Macron dans les batailles à venir, étudiants et travailleurs. C’est une lutte qui nous a permis d’abattre les frontières entre nous. On devrait être à vos côtés dans les batailles à venir, parce que c’est vous qui nous apprenez comment on fait une grève, comme on tient tête aux patrons, donc on vous invite aussi à venir dans nos facs ».

En plus de la bande-dessinée réalisée par Emma qui ornait les murs de La Belle Etoile, la fête a été ponctuée par la projection de vidéos de soutien parvenues des 4 coins de la France et du monde, à l’appel du comité de soutien, tout au long de la grève. La vidéo de la comédienne Audrey Vernon notamment, interpellant le PDG d’ONET Denis Gasquet, avec une bonne dose d’ironie, a rencontré un grand succès :

Pour compléter cette ambiance de solidarité et de fierté ouvrière, le groupe de percussions africaines Babacar Faye and Drum’s Band était venu jouer en soutien, réchauffant une atmosphère déjà empreinte d’une forte émotion :

L’après-midi s’est conclue par un spectacle de l’atelier chanson-fanfare de la Compagnie Jolie Môme, qui avait mis à disposition son théâtre pour la fête de la victoire et a convié les grévistes à venir voir son spectacle « 14-19. La mémoire nous joue des tours ».

 
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