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La Izquierda Diario
26 de décembre de 2017 Twitter Faceboock

Critique de film
« The Florida Project » : dans les coulisses du Magic Kingdom
Erica Farges

Après Tangerine, film entièrement tourné avec trois IPhones 5S montrant comment deux amies prostituées transgenres, Sin-Dee et Alexandra, fêtaient Noël dans les rues ensoleillées de Los Angeles et qui a fait connaître Sean Baker en France en 2015, le réalisateur revient avec « The Florida Project » deux ans plus tard. Eléments de lecture par Erica Farges, sur son blog mediapart.

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C’est l’été à Orlando, à Kissimmee, une zone péri-urbaine située à seulement quelques kilomètres de Disney World, plus précisément. Moonee (Brooklynn Prince), six ans, vit avec sa très jeune mère de vingt-deux ans, Halley (Bria Vinaite), dans l’un des nombreux motels bon marché du coin dont la clientèle principale est constituée de familles précaires, sans domicile fixe, qui y louent des chambres à la semaine, le Magic Castle Motel (nom prestigieux emprunté à l’un des points phares du célèbre parc d’attraction, comme l’apprendrons à leurs dépens un jeune couple de brésiliens qui pensaient avoir réservé une chambre pour leur lune de miel dans un hôtel situé au Magic Kingdom). Ce décor sert de terrain de jeux géant à Moonee et sa petite bande, ainsi qu’à leurs jeunes mères. Dans The Florida Project, il est tout d’abord question des joies de l’enfance du point de vue d’enfants qui vivent en marge du parc d’attraction le plus célèbre du monde. Leur imaginaire aux possibilités infinies leur donne une sorte de toute-puissance. Le film pointe également, de manière originale, subtile et pertinente, le problème du hidden homelessness, les mal-logés non répertoriés par le gouvernement étasunien, dont un tiers vivent dans des motels en Floride.

Pour le casting, Baker a choisi d’entourer l’acteur très connu Willem Dafoe, qui interprète le rôle de Bobby, le concierge bienveillant du Magic Castle Motel, d’acteurs débutants ou non-professionnels. Bria Vinaite, avec ses tatouages et son incroyable look, a été repérée par le réalisateur grâce à son compte Instagram. La grande spontanéité tout à fait crédible et entraînante que dégage le film suggère une direction d’acteur impeccable avec une improvisation extrêmement bien maîtrisée, surtout quand il est possible d’imaginer le travail important qui a été fait avec des enfants.

The Florida Project, ainsi que Tangerine, plutôt que de montrer une vision négative et miséreuse de la marginalité, dévoile comment elle stimule grandement l’imagination de ceux qui la vivent avec une image flashy et colorée dans des villes aux rêves artificiels (Los Angeles dans Tangerine, Orlando dans The Florida Project). Bien qu’il y ait une certaine euphorie rythmique et visuelle, The Florida Project est plutôt contemplatif, un magnifique film d’ambiance dans lequel se dessine un univers aussi atypique qu’artificiel. Toutefois, on retrouve dans la séquence finale, assez surprenante et intrigante, les déambulations frénétiques et hyperactives qui rythment Tangerine.

Les films de Sean Baker, surtout The Florida Project, rappellent Small Apartements (2012) de Jonas Akerlund avec des personnages aussi marginaux qu’attachants vivant dans des non-lieux artificiels, des décors qui semblent tout droit sortie des photographies de David LaChapelle ou d’un clip de musique électro. Depuis quelques années, plusieurs films traitent les problèmes sociaux et la précarité économique à coups de visuels fluos et d’ambiances de fêtes éternelles : Spring Breakers (2013), American Honey (2016), ainsi que Logan Lucky (2017), en sont d’autres exemples. C’est une série télévisée qui semble être à l’origine de cette tendance de montrer du Ken Loach ou du Larry Clark sur lequel on aurait déversé des paillettes et des pots de peinture aux couleurs psychédélique, comme si les problématiques sociales s’enrobaient d’une douce guimauve : la série britannique Skins, diffusée entre 2007 et 2013.

Le point de vue insouciant et fantaisiste sur une situation difficile est encore plus accentué dans The Florida Project car il épouse celui d’une enfant dont la nature même de son regard est ainsi, contrairement aux personnages plus âgés, il n’est pas qu’une tentative d’évasion d’un quotidien morne et terne. Avec son dernier film, Sean Baker affirme une empreinte personnelle reconnaissable, tout en prouvant qu’il est capable d’innover film après film.

Cliquez ici pour retrouver le blog d’Erica Farges et l’ensemble de ses critiques de films

 
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