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La Izquierda Diario
27 de décembre de 2017 Twitter Faceboock

Le discours du roi
Catalogne : malgré la victoire des indépendantistes, Felipe VI exhorte les catalans à se soumettre
Nina Kirmizi
Santiago Lupe

Le roi d’Espagne Felipe VI a adressé ses vœux le 24 décembre dernier. En dépit de la victoire des partis indépendantistes catalans lors des élections anticipées de décembre, il a exhorté les catalans à abandonner leur projet de république catalane indépendante et leur droit démocratique à l’autodétermination. Sous peine d’être remis aux juges et de finir en prison…

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EFE/Ballesteros

« Celui qui n’a jamais été élu nous donne une leçon de démocratie » a ironisé le journal satirique El Jueves dans son article sur le discours de Noël de Felipe VI. Aussi peu sérieux soit-il, c’est pourtant ce journal qui a eu les mots les plus justes pour décrire le message du roi, qui a été le chef du coup d’Etat institutionnel de novembre dernier. Le rôle que joue le roi Felipe VI depuis le début de la crise catalane ne diverge pas de celui que joue la monarchie des Bourbons depuis la restauration de la Couronne d’Espagne : la dernière intervention de sa Majesté date du 3 octobre dernier, soit deux jours après la répression lancée par la Police Nationale et la Garde Civile qui a fait près de 1 000 blessés lors du référendum catalan. En octobre, Felipe VI menaçait de mettre en place un coup d’Etat institutionnel, promesse qui a été mise à exécution 24 jours plus tard par le Sénat et le gouvernement du Parti Populaire ( Partido Popular, PP) de Mariano Rajoy.
Ce 24 décembre aussi, les paroles du monarque étaient lourdes de sens. Il y a déjà plusieurs années que les discours de la veillée de Noël de la Casa Real ne se limitent plus à un acte folklorique et de protocole. L’année dernière déjà, la monarchie profitait de ses traditionnels vœux de Noël pour donner son aval au gouvernement du PP qui devait alors s’engager dans une concertation avec les deux autres partis monarchistes, le PSOE et Ciudadanos.

« L’arbitre » du régime de 1978 a, ce 24 décembre 2017, profité de l’occasion pour envoyer un message à ceux qui en tiennent les rennes, à marquer les limites du terrain de jeu. Comme on pouvait s’y attendre, le roi a défendu l’héritage du régime de 1978 qui a été mis en crise cette année par le mouvement indépendantiste catalan et la proclamation, certes symbolique, de la république Catalane. Et il n’a fait que reprendre, mot pour mot, les arguments putschistes pour légitimer le recours à l’article 155 de la constitution qui a invalidé le résultat du référendum catalan d’octobre et a dissous le gouvernement de la Catalogne. Il a également soutenu le maintien des mesures d’exception pour que, face à la victoire dans les urnes du bloc indépendantiste le 21 décembre dernier, le « Parlament » catalan et le nouveau « Govern » restent pieds et mains liés et qu’ils renoncent au droit à l’autodétermination d’une république catalane.

Son discours n’a fait que reprendre les lieux communs de la propagande officielle : du mythe fondateur du régime de 1978 basé sur le coup d’Etat orchestré par son père, à l’entrée dans l’Union Européenne, heure de “l’opulence économique”, il a, bien entendu, oublié de citer les reconversions industrielles agressives pour des régions entières ou encore les injonctions économiques de la Troika depuis la crise de 2008. Il a également oublié de mentionner la lutte contre l’ETA, qui a ouvert la voie à un véritable terrorisme d’Etat et à des attaques sans précédent aux libertés démocratiques, avec l’interdiction de Partis politiques ou la fermeture de journaux. Bref, un discours qui a décrit l’Etat Espagnol comme un véritable paradis sur terre, fondé sur des valeurs de « concordes » et de « pluralité ». Il est d’ailleurs étonnant que la référence aux valeurs démocratiques ait été faite par Felipe VI, chef de la Couronne d’Espagne et chef d’Etat par la grâce de Franco, et qui n’a jamais été élu par les urnes. Cette étrange conception de la « démocratie » concorde d’ailleurs avec son allusion explicite à la possibilité que chacun a, en Espagne, de défendre librement ses idées….tandis que plusieurs dirigeants du mouvement indépendantiste fêtent Noël en prison et que la Guardia Civil vient tout juste de demander au Tribunal Suprême d’ouvrir les poursuites pour « rébellion et sédition séparatiste » à 100 nouvelles personnes.

Sur la Catalogne, son intervention a été brève. Felipe VI a rappelé les résultats électoraux du 21 décembre, en omettant de rappeler les circonstances exceptionnelles dans lesquelles elles se sont déroulées. Tout en respectant formellement ses résultats en faveur des partis indépendantistes, il a mis en garde, à la manière du 3 octobre dernier, les nouvelles institutions catalanes : celles-ci doivent abandonner tout « affrontement » et reprendre le chemin de la « stabilité ». Ce qui pourrait être traduit par un « catalans, votez ce que vous voulez, mais vous devez faire ce que je dis de faire. Laissez tomber pour de bon le droit à l’autodétermination et à la république, ou nous allons continuer cette escalade répressive jusqu’à vous faire plier ».
Et Felipe VI parle de « faire renaitre la meilleure image de la Catalogne ». Il fait allusion aux divisions, aux coups de forces, à l’impact économique de la crise catalane… Mais tout cela n’a été que la conséquence du rejet des procédures judiciaires que mène Madrid pour faire obstacle à la formation d’un nouveau Gouvernement Indépendantiste. Et comme le régime de 1978 ne pourra pas longtemps l’éviter, il accentue le chantage pour dicter, depuis le Palais de la Zarzuela, résidence royale, du Palais de Moncloa, siège de la présidence, de la Cour Suprême ou de la Cour constitutionnelle, son agenda au gouvernement catalan.

Pour terminer son discours, et de manière totalement artificielle, le Roi a souhaité évoquer des problématiques sociales : la précarité du travail –lui qui touche 8 millions d’euros par an- , la lutte contre le terrorisme islamique – quand l’ami de la Monarchie finance Daech -, la corruption – les affaires de népotisme sont légions -, la défense de l’environnement – et la chasse aux Eléphants des Bourbons -, ou la lutte contre les violences faites aux femmes – le jour même où sort une vidéo montrant un policier national frapper gratuitement une femme dans la rue-. C’est le costume d’un roi proche des préoccupations de ses sujets qu’a enfilé Felipe VI. Mais y compris auprès des plus fervents monarchistes, il tombait vraiment mal.

Les réactions du bloc pro-monarchie porté par le PP, le PSOE et Ciudadanos auraient pu être écrites la veille tant elles étaient convenues. Ces derniers ont salué avec enthousiasme les mots du roi, son esprit de conciliateur et sa très fervente défense d’une « Espagne moderne, unie et diverse » comme l’a twitté Albert Rivera, président de Ciudadanos. Pour la Gauche républicaine Catalane (ERC) et Junts pel Catalunya, (ensemble pour la catalogne) formation de Puigdemont, c’était bien le Felipe VI du 3 octobre et du coup d’Etat de l’article 155 qui s’exprimait de nouveau.

Du côté de Podemos, les réactions ont également été très critiques. Pablo Iglesias a été le premier à réagir sur la toile au discours du roi qu’il a décrit comme « embrassant l’argumentaire du PP : la crise est passée, en Catalogne, tout est réglé et la corruption est un phénomène météorologique sans visage, ni nom ». Et pour finir « l’Espagne n’a pas besoin de roi mais de services publics de qualité, de travail digne et de dialogue ». Des mots qui contrastent avec le programme que tient la formation concernant la question de la monarchie. Les réflexes « républicains » d’Iglesias ne s’expriment malheureusement qu’épisodiquement, à l’occasion du discours du roi le 25 décembre ou de la commémoration de la Seconde république, le 14 avril. Pour que ce rejet du roi de l’article 155 soit crédible, Podemos devrait intégrer dans son programme la revendication de l’abolition de la Couronne et de la mise en place d’un processus constituant – et non pas une auto réforme du régime comme le soutient le PSOE. Autre élément démocratique fondamental : la défense inconditionnelle du droit à l’autodétermination des catalans et à la constitution d’une république Indépendante, comme cela s’est exprimée lors du référendum du 1er octobre et de nouveau, lors des élections du 21 décembre dernier.

Sans la résistance des directions politiques progressistes, personne ne peut assurer que Sa majesté ne parvienne à réaliser son objectif. Une grande mobilisation sociale, dont la tête serait prise par les travailleurs, est l’unique garantie pour éviter l’écrasement du mouvement indépendantiste et la nouvelle restauration des bourbons, pour renvoyer la Monarchie au Musée de l’Histoire, pour permettre un processus constituant libre et souverain en Catalogne et dans le reste de l’Etat espagnol et ouvrir le chemin de la constitution de républiques des travailleurs.

 
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