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La Izquierda Diario
28 de décembre de 2017 Twitter Faceboock

« Ni Le Pen, ni Macron »
Rétro 2017. Que disent les résultats du second tour ?
Sadek Basnacki

En cette fin d’année 2017, l’heure est à la rétrospective. Nous republions ci-dessous un article paru le 8 mai, analysant les résultats du second tour, le relatif échec du Front Républicains et l’émergence très nette de fractures sociales profonde révélés par le miroir déformant des élections présidentielles de 2017.

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Retro-2017-Que-disent-les-resultats-du-second-tour

Si les analystes et les journalistes tentent de nous faire croire à une victoire sans partage de Macron à la présidentielle, la réalité est bien différente. Si Macron a eu presque le double de voix de Marine Le Pen, avec 20,7 millions de votants, l’abstention, le vote blanc et nul correspondent à environ 17,4 millions de voix. La différence de vote – entre zones rurales et urbaines et entre classes – est très marquée par une fracture sociale.

La jeunesse, la tranche la plus convaincue du « Ni Le Pen, ni Macron »

Le premier parti dans la jeunesse au premier tour était l’abstention, puis venait la France insoumise. Pour ce second tour, l’abstention a atteint 34 % chez les 18-24 ans, et est montée jusqu’à 40 % chez les 25-34 ans, contre 29 % et 28 % au premier tour. La jeunesse qui a affronté le gouvernement Hollande au printemps dernier n’a pas voulu donner sa voix à l’un des piliers du quinquennat du PS qu’est Emmanuel Macron. Malgré tout, il est largement devant Le Pen avec 66 % et 60 % pour les mêmes tranches d’âge.

Un ouvrier sur trois a choisit le « ni-ni »

L’abstention chez les ouvriers atteint 32 % et 30 % chez les employés. Contrairement à la jeunesse, c’est Marine Le Pen qui arrive en tête avec 56 % de vote ouvrier. Pour les employés, Macron l’emporte de 8 points, 54 % contre 46 %. Les travailleurs ne se sont reconnus à travers ni le banquier de chez Rothschild et ni la patronne du FN. 35 % des chômeurs se sont abstenus.

Une chose intéressante, c’est que plus le revenu est élevé, plus les personnes votent. Selon l’enquête Ipsos/Sopra Steria, 34 % de ceux dont le foyer vit avec moins de 1 250 euros mensuels se sont abstenus, tandis que seulement 20 % des foyers gagnant plus de 3 000 euros ne sont pas allés voter.

Plus le niveau de salaire est bas, plus l’écart entre Le Pen et Macron se resserre. Avec moins de 1250 euros par mois, 55 % pour Macron contre 45 % pour Le Pen ; à plus de 3 000 euros, Macron est largement en tête avec 75 % de voix. Les cadres, qui se sont abstenus à 24 %, ont voté à 82 % pour Macron. Si les sondés considéraient s’en sortir « très difficilement » avec le revenu de leur ménage, ils étaient 27 % à s’abstenir et votaient à 69 % pour Le Pen. Ceux qui considéraient s’en sortir « difficilement » se sont abstenus à 28 % et ont voté pour Le Pen à 39 %.

Une abstention et un vote blanc et nul record

Le « ni-ni » touche des régions où l’abstention est structurellement forte, comme les colonies et la Corse. Il y a plusieurs départements où les votes blancs ont été exceptionnellement élevés, notamment où l’on a plutôt voté à gauche au premier tour. Ainsi l’Ariège (12,5 % de blancs et nuls) était le premier bastion de Jean-Luc Mélenchon en métropole. En Guyane, qui sort d’une grève générale victorieuse, le ni-ni atteint le score de 63,64 %, à Mayotte 59,13 %,en Guadeloupe 57,63 %, en Martinique 56,70 %, à La Réunion 44,95 %, en Haute-Corse 44,69 %, en Corse du Sud 43,40 %, en Seine-Saint-Denis 39,02 %, en Creuse 35,93 %, dans le Cher 35,49 %, etc.

L’abstention assez forte dans les villes

27 % des inscrits dans les villes de plus de 100 000 habitants se sont abstenus, contre 23 % dans les communes rurales. Ainsi, dans les villes où Jean-Luc Mélenchon était en tête, l’abstention dépasse les 30 %, comme à Lille, Marseille, Montpellier et Toulouse. A Paris, Macron a recueilli 89,68 %.

Dans les quartiers populaires l’abstention a été très forte en Seine Saint Denis. Ajouté aux votes blancs et nuls, on atteint 39 %. Si tout cela est pris en compte, Macron n’est pas à 78,81 % comme cela est indiqué partout, mais à 48,05 %. Même si Le FN n’est en tête que dans deux départements, l’Aisne et le Pas-de-Calais, il dépasse la barre des 40 % dans 32 départements. Si au premier tour Marine Le Pen arrivait en tête dans les zones rurales, et Macron dans les villes, au second tour elle ne récolte que 43 %.

L’Aisne et le Pas-de-Calais pour le FN

Si l’on comptabilise l’ensemble des votes et les non vote du Pas-de-Calais, les résultats sont les suivants : Marine Le Pen 35,10 %, le « ni-ni » 32,57 %, Macron 32,33 %. Pour l’Aisne, Marine Le Pen 35,64 %, le « ni-ni » 32,64 %, et Macron 31,72 %. Excepté dans la Somme, où le « ni-ni » arrive juste derrière les deux candidats, les électeurs qui ont choisi de ne pas choisir s’interposent entre les deux candidats.

La région des Hauts-de-France est la deuxième région la plus pauvre de l’État français après la Corse. Plus d’un million d’habitants de la grande région qui vivent sous le seuil de pauvreté, soit 987 € par mois pour une personne seule. L’Oise a un taux de pauvreté de 12,8 %, la Somme de 16,8 %, l’Aisne de 18,6 %, le Nord de 18,8 % et le Pas de Calais de 20,2 %.

Ce taux de pauvreté est un terreau fertile pour les idées du Front nationale surtout face à Macron, ex-banquier de chez Rothschild. Il y a plusieurs raisons à cette forte pauvreté. Le passé industriel et le tissu productif qui peinent à se reconvertir dans certains de ces territoires engendrent des situations de chômage et de pauvreté bien plus importantes que dans le reste du pays.

Le dernier puits de mine a fermé définitivement en 1991. Vingt-cinq ans après, le Front national est le premier parti du bassin minier, où régnaient sans partage, mais en tension permanente, PS et PCF. Le syndicalisme s’est également effrité avec les fermetures de mines et d’usines. L’effondrement au fil des ans du PCF, du PS et du syndicalisme, laisse le champ libre aux idées les plus réactionnaires.

La deuxième raison est que la proportion d’agriculteurs ou d’anciens agriculteurs y est importante. Or, le montant de leur retraite est plus faible que dans le régime général, et les aidants agricoles, souvent les conjointes, ne bénéficient pas d’une retraite en leur nom. Le risque pour ces ménages âgés d’être pauvres est donc plus fort.

Pour autant, et c’est bien la spécificité de cette élection, un électeur sur trois n’a ni voté pour Le Pen ni pour Macron. La crise du bipartisme qui s’est exprimée au premier tour avec la non-qualification du PS et des Républicains, les deux piliers de la Ve République, n’a pas pour autant renforcé un autre parti. 65 % des personnes ayant voté Macron ne souhaitent pas qu’il ait la majorité parlementaire pour qu’il puisse appliquer son programme ultra-libéral. Rares sont les travailleurs qui espèrent l’uberisation générale de la société.

Marine Le Pen, même si elle se renforce et dépasse la barre symbolique des 10 millions de voix, n’arrive pas à souder une partie de l’électorat autour de son projet réactionnaire. Jean-Luc Mélenchon, qui a récolté 19 % des voix au premier tour, a récupéré momentanément la base sociale du PS et est le premier choix des jeunes après l’abstention, mais il faut qu’il arrive à garder cette base sociale, ce qui n’est pas gagné. La situation politique reste donc encore ouverte avec cette élection.

 
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