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5 de janvier de 2018 Twitter Faceboock

Plateforme Z
Les positions de Révolution Permanente pour le Congrès du NPA

Nous publions ci-dessous le texte de la plateforme soutenue par les militants du Courant Communiste Révolutionnaire, qui est l’initiative de Révolution Permanente, aux côtés d’autres militants, pour le Congrès du NPA qui aura lieu le premier weekend de février. Dans les prochaines éditions, nous publierons d’autres textes et contributions aux débats pré-Congrès.

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Les-positions-de-Revolution-Permanente-pour-le-Congres-du-NPA

Crédits photo : DR

Faire vivre les acquis de la campagne Poutou. Pour un NPA ouvrier et révolutionnaire

Durant la période électorale, la présentation d’une candidature indépendante du NPA et le profil ouvrier et radical de Philippe Poutou ont permis, malgré les difficultés et limites de la campagne, de nous maintenir dans le paysage politique national et de préserver les possibilités d’intervention et de construction du NPA sur un profil lutte de classe et révolutionnaire.
Alors même qu’un des points positifs de la campagne Poutou a été de démontrer qu’il était possible de retrouver un réel écho autour d’un profil de classe et radical, les membres des positions B et C de la dernière Conférence Nationale s’orientent vers la constitution d’un bloc de direction sur des bases floues, dont le patchwork de positions que constitue leur texte de plateforme est l’expression. Ce nouveau bloc ne pourra pas se maintenir dans la durée, les désaccords aujourd’hui mis sous le boisseau, notamment concernant nos rapports à la France Insoumise referont tôt ou tard surface. Mais il fait obstacle à ce que le prochain Congrès avance dans une clarification de notre projet qui permette au NPA de sortir de la crise.

Dans une période où il s’agit de se préparer à de grandes batailles de classe contre l’offensive du gouvernement Macron et de faire exister une gauche anticapitaliste et révolutionnaire indépendante face à la France Insoumise, brouiller notre projet au nom d’une « nouvelle représentation politique pour les exploité-e-s » est une impasse pour notre organisation et sa capacité à intervenir utilement pour permettre à la classe ouvrière de s’affronter à Macron, au Medef et à leur monde.
C’est en toute conscience de cet enjeu que nous avons cherché jusqu’au dernier moment, sans succès jusqu’ici, à regrouper le plus grand nombre de camarades et sensibilités, notamment de l’ancienne PfA autour d’une plateforme commune. Dans le même esprit nous proposons aujourd’hui une orientation alternative à celle du bloc formé par les anciennes positions B et C, mais aussi une démarche pour regrouper au sein du Congrès toutes les militantes et militants qui partagent l’objectif d’un NPA plus clairement délimité dans le sens d’une politique et d’une perspective révolutionnaires, plus implanté la classe ouvrière et capable de peser dans la lutte de classes.

1. SITUATION INTERNATIONALE

Nos Congrès se sont déroulés, jusqu’à présent, en coïncidence avec des événements majeurs qui ont transformé la situation mondiale (« Printemps arabes », en 2011) et européenne (élection de Syriza en 2015) et qui marquent une rupture avec l’étape antérieure à la crise de 2007, tant sur le plan économique, géopolitique que de la lutte des classes. Les évènements actuels en Catalogne, qui précédent de quelques mois ce IV° Congrès, le confirment à nouveau.

i. De la Catalogne à la persistance de la crise internationale

Dans un pays qui a concentré les tendances à la révolution et à la contre-révolution pendant une bonne partie du XX° siècle, le régime espagnol post-franquiste, issu de la transition de 1978, a su assurer, quatre décennies durant, un haut degré de stabilité pour le capital espagnol (espagnoliste et périphérique) et pour les principales puissances impérialistes européennes. En dépit d’une reprise en main partielle de la situation par la droite espagnole avant les élections du 21 décembre, l’irruption confirmée du mouvement de masse sur le terrain de la lutte pour l’indépendance et pour la République catalane marquent, après le mouvement des Indignés de 2011, un point de non-retour dans la crise que traverse le régime espagnol.

On est cependant en présence d’une énorme contradiction entre la force du mouvement populaire et la politique de ses directions bourgeoises (Puigdemont et le PEDeCAT, Junqueras et l’ERC), qui l’ont enfourché sans lui donner aucun moyen de préparer l’indispensable affrontement avec le régime monarchique. Face à cette faillite évidente, c’est aux travailleurs catalans et à leurs organisations qu’il revient de prendre la tête de la lutte. En mettant en avant leurs revendications propres et en tendant la main aux travailleurs et aux peuples de tout l’Etat espagnol, en vue d’un combat commun pour en finir avec le régime de la Transition, engager par en bas des processus constituants et aller vers une fédération socialiste des républiques ibériques.

Plus globalement, c’est la combinaison de difficultés économiques persistantes (où le scénario d’un nouvel épisode du type 2007-2008 n’est pas à écarter comme en témoigne l’énorme dette accumulée par de nombreux Etats et grandes entreprises), de crise de l’hégémonie nord-américaine que Washington tente de contrebalancer par une agressivité redoublée, d’absence d’autre postulant réel, pour l’heure, au poste de puissance hégémonique au niveau international, qui crée les conditions de la situation d’instabilité extrême que nous traversons.

Exemples de cette situation sur notre continent, qui touchent au cœur le projet capitaliste-libéral de l’Union européenne : la crise, semblant inextricable, consécutive au vote du Brexit, avec un gouvernement May qui reste paralysé dans ses négociations avec l’UE et la montée en force de l’improbable alternative Old Labour représentée par Corbyn ; plus grave encore, la crise de gouvernabilité en Allemagne, qui démontre que les contradictions qui traversent l’Union Européenne atteignent même sa principale puissance ; les réactions dans une série de pays de l’Est de l’Europe (Pologne, Hongrie et autres) à la situation semi-coloniale résultant de l’hégémonie économique du capital allemand, qui se traduisent aujourd’hui par la montée en force et l’installation au gouvernement de partis d’extrême droite ou de droite extrême ; ou encore les tiraillements produits par la tension géopolitique croissante entre la Russie et le Etats-Unis sur les gouvernements européens, spécialement celui de Berlin.

ii. Printemps arabes, néo-dictatures, impérialisme, djihadisme

De ce point de vue, la défaite de la première phase du premier processus révolutionnaire du XXI° siècle, les « Printemps arabes », a généré les pires monstruosités qui écrasent les peuples sous le talon de fer des régimes dictatoriaux, soit philo-occidentaux (Al-Sissi en Egypte), soit en rupture de ban (le régime d’Al-Assad), combinés à un interventionnisme impérialiste au Moyen et Proche Orient qui n’a jamais cessé depuis 2001 et au renforcement de courants ultraréactionnaires, type Daech, qui exportent, par des attentats criminels, leur guerre asymétrique. De ce point de vue, cette situation, à l’échelle d’une vaste région, qui s’étend du Sahel à l’Afghanistan, s’est transformée en une préoccupation majeure pour les impérialistes en tant que source possible de déstabilisation en Occident même.

iii. Lutte des classes et néo-réformismes

Parallèlement, comme en témoignent également les « Printemps arabes », qui n’auraient pu exister, en Egypte et en Tunisie, sans une très forte poussée ouvrière, la situation n’est pas celle d’un reflux général des luttes. Politiquement, cependant, si l’on s’en tient à ce qu’on a historiquement appelé la gauche, ces regains de combativité et ces éléments de politisation d’une nouvelle génération sont capitalisés par des forces en rupture avec les anciens bipartismes traditionnels mais qui s’attachent avant tout à reconstituer un projet politique réformiste, de façon plus ou moins populiste qui tendent à liquider tout point de vue de classe (Podemos, LFI) ou bien tentant de ressusciter la vieille social-démocratie (Corbyn, Sanders). L’expérience au pouvoir de Syriza rend bien compte, néanmoins, de ce qu’est réellement ce néo-réformisme.

2. SITUATION NATIONALE

i. Fin du bipartisme, effondrement du PS, crise de la droite, macronisme et lepénisme

La situation hexagonale s’inscrit dans le cadre de ces tendances internationales. Sur fond de difficultés économiques persistantes aux répercussions sociales désastreuses pour notre classe, la fin du quinquennat hollandiste a été marquée par un double mouvement : d’un côté il y a eu reprise de la lutte des classes avec le Printemps contre la Loi Travail, de l’autre, sur fond de crise des partis et des mécanismes de représentation traditionnels, nous vivons un renforcement des tendances autoritaires et liberticides de l’Etat et une montée des populismes de droite, de gauche et du centre, dont le macronisme est une expression. La vieille politique, telle qu’elle a structuré la vie politique française depuis le début de la V° République, est définitivement morte.

Le scrutin présidentiel de 2017 (avec ses multiples rebondissements et coups de théâtre qui se sont soldés par une extinction du PS et une quasi disparition du gaullisme suivi du rouleau compresseur macroniste aux législatives, ont été les marqueurs électoraux de cette profonde crise politique. Dans ce cadre, par-delà son caractère délétère dans la banalisation, au sein des classes populaires, d’un discours chauvin et raciste, le lepénisme a démontré, à nouveau, ce qu’il était : à savoir un populisme d’appoint servant tout autant d’exutoire réactionnaire, y compris dans notre camp social, que d’épouvantail pour inciter à « bien voter ». La déclinaison mariniste du FN, pas plus que celle de son père, ne convainc aujourd’hui le grand capital. Le FN se retrouve, de surcroît, dans une crise politique dont il faudra analyser les évolutions, dans un contexte où à ses marges des groupuscules fascistes redoublent d’activité. Cependant, à trop se focaliser sur le lepénisme, on en vient à paver la voie à ce qui combine « en même temps » les caractéristiques de pire ennemi des travailleurs et de meilleur ami du patronat : Macron et le macronisme.

ii. Macron : une assise sociale étroite, une détestation forte

L’objectif d’une restructuration profonde du capital, au détriment du monde du travail, pour que la France se retrouve au même niveau de compétitivité que l’Allemagne, voilà le programme des soutiens de la majorité actuelle. Macron développe, en mieux, le programme du hollandisme. Cependant, les rythmes de la crise, qui est loin d’être finie, lui imposent de passer à la vitesse supérieure. Cela ne veut pas dire que le programme macroniste soit purement austéritaire, « d’économies budgétaires ». Il y a, bien entendu, une logique maastrichtienne à laquelle Bercy veut se conformer, en témoigne le fait que même les maigres gestes en direction de certains secteurs populaires tels que la baisse de la taxe d’habitation s’inscrivent dans une politique austéritaire qui est, par exemple, à la base de la fronde des élus locaux.
Il n’en reste pas moins qu’en dépit de ces manœuvres, le macronisme se caractérise par une assise sociale relativement étroite et bénéficie, à ses dépens, d’un capital de détestation extrêmement élevé au sein des secteurs populaires. C’est en ce sens que l’on peut parler d’une forme de « bonapartisme » relativement faible, dans la mesure où ses bases sont loin d’être solidement acquises. Plus encore et plus vite que Sarkozy, qui s’assumait pourtant en tant que « président bling-bling », Macron est perçu dans les milieux populaires comme le président des riches.

iii. Macronisme et « dialogue social »

Macron a choisi de répondre à la crise politique, dont les populismes sont une expression, par une consolidation de ses adversaires LFI (surtout) et FN présentés comme ses véritables opposants. Parallèlement, et quitte à courir le risque de trop se personnaliser, il décline lui aussi son récit politique sur la même modalité populiste (un macronisme synonyme de nouveauté, un courant sans parti, avec des velléités de liens avec certains secteurs, comme les jeunes, multipliant les apparitions, etc., tout en renforçant les ressorts autoritaires de son pouvoir réel.

Outre cette mise en scène d’une opposition mi-épouvantail mi-responsable à travers le FN mais surtout Mélenchon, et outre un front de soutien relativement homogène au sein des secteurs les plus concentrés du capital, l’avantage qualitatif de Macron, c’est la bonne disposition (allant jusqu’à la collaboration) des principales directions syndicales. Cela ne veut pas dire que le « dialogue social » se fasse sans frictions. Il en résulte, néanmoins, une fragmentation de la disposition à la contestation. Bien que la colère soit toute aussi grande, voire plus, que sous le hollandisme, elle manque de canaux pour s’exprimer dans toute sa radicalité.

iv. Transformer la colère sociale en mouvement d’ensemble

Dans les équipes syndicales, néanmoins, davantage qu’au niveau de la gauche politique, aujourd’hui, plusieurs indices laissent entrevoir des signes de contestation interne. Le quasi débarquement de Mailly au sein de FO, ou le fait que Martinez se voit obligé de multiplier des dates de journée d’action, sont les premiers symptômes de cette tendance.

Dans ce cadre, sur la base des équipes existantes, des UL, UD voire fédérations oppositionnelles, la question de l’interpellation combattre pour imposer aux directions syndicales la construction d’un front unique des organisations syndicales et politiques du monde du travail, des classes populaires et de la jeunesse, pour la défense de leurs droits et revendications, est plus que jamais d’actualité pour les révolutionnaires. A moins de ne vouloir laisser le terrain à Martinez ou à ceux qui souhaitent exister à sa gauche sans remettre en cause sa logique, d’un côté, et à Mélenchon et à ses « déferlantes » du week-end contre « le pouvoir », vidées de tout contenu de classe et de toute substance politique, de l’autre. Des cadres de regroupement de l’avant-garde notamment tels que le Front Social peuvent dans ces circonstances, en dépit de leur taille réduite, être un outil pour fédérer les énergies et s’opposer aux obstacles dressés par les directions bureaucratiques, à condition d’agir en lien avec l’ensemble du mouvement ouvrier, en évitant toute tentation minorisante ou substitutiste.

La première phase d’affrontement contre les ordonnances qui s’est pour l’instant soldée par une victoire pour Macron, ne présage pas de l’issue des batailles à venir. Il est plus que jamais nécessaire de se démarquer de la stratégie des journées saute-mouton des directions syndicales et de défendre la convergence des luttes dans un mouvement d’ensemble, un plan de lutte culminant dans la grève générale, ce qui exige une perspective et un programme politique clairs. La généralisation et la centralisation des blocages de l’économie seront les seules à pouvoir mettre en échec ce gouvernement et son rouleau compresseur de réformes et imposer une réponse de classe à la crise capitaliste.

v. Par-delà la Loi Travail 2, vers un quinquennat instable

La large détestation de Macron dans les milieux ouvriers et populaires annonce un quinquennat agité (ce dont l’ont déjà averti des sociaux-chrétiens comme Bayrou ou des gaullistes comme Soubie, ancien conseiller de Sarkozy). Dans ce cadre, une extrême gauche de combat, toute aussi radicale, sur un terrain de classe et internationaliste, que d’autres le sont sur un terrain nationaliste et réactionnaire, est une clef pour organiser la défense des acquis et préparer la contre-attaque.

3. A GAUCHE : BILAN ET PERSPECTIVES

i. La percée du mélenchonisme

A partir de 2009 et de la naissance du Front de Gauche, Mélenchon a progressivement conquis, à la gauche du PS, une place centrale dans l’échiquier politique. Malgré une série de pas à droite sur le terrain du nationalisme, du républicanisme, il a réussi à donner une première expression, jusqu’ici majoritaire, à la rupture à gauche de la base sociale du PS, et plus largement à la colère et à la politisation issue du mouvement contre la loi travail du printemps 2016. Le mélenchonisme et la France Insoumise incarnent un néo-réformisme qui considère, contrairement au réformisme traditionnel, que la classe ouvrière n’est plus et ne peut redevenir le sujet de la transformation de la société. Au contraire, ils exaltent un « peuple » interclassiste dont « l’ère » serait venue. Ce populisme de gauche se caractérise notamment par son ambition d’être le leader d’une contestation « citoyenne » contre la présidence Macron, quel qu’en soit le prix, y compris en jouant un rôle diviseur et de concurrence avec les syndicats, comme l’ont montré la manifestation de la FI du 23 septembre, et les propos ultérieurs de Mélenchon sur la « défaite du mouvement ouvrier traditionnel », qui cachent sa propre responsabilité dans ce résultat.

Une partie de la base de la France Insoumise est loin d’être définitivement acquise à Mélenchon dont les contradictions sont visibles, et qui plus largement n’est pas capable d’occuper tout l’espace de radicalisation issu du printemps 2016. Dans la jeunesse, le mouvement autonome, qui avait capté en 2016 une part importante de la radicalisation face à la répression policière, est actuellement en perte de vitesse. Son manque de tout projet stratégique cohérent capable d’oeuvrer à une mobilisation de masse est flagrant et les dérives aventuristes de certains, largement contre-productives. Par-delà les hauts et les bas de la situation, dans le contexte de la politisation de franges nouvelles dans le monde du travail et la jeunesse, il y a bel et bien un espace pour les idées révolutionnaires, de même qu’un besoin objectif, pour les secteurs qui veulent s’affronter au gouvernement, d’un outil politique de classe qui leur propose des perspectives, des méthodes et une stratégie pour gagner. Comme l’ont montré la sympathie pour le profil ouvrier de Philippe Poutou et l’écho de adhésion à ses propos anticapitalistes décapants, il est possible pour le NPA de se construire et de conquérir un espace politique, s’il s’en donne les moyens.

ii. Tirer le bilan des tendances à l’adaptation au néo-réformisme

Mais il est pour cela indispensable de définir une attitude correcte à l’égard la LFI, en tirant le bilan des débats qui ont traversé la gauche radicale à propos de Syriza (dont la politique au gouvernement a été aussi désastreuse que prévisible) et à une autre échelle de Podemos. En amont, pendant, et après le précédent congrès du NPA, certains ont défendu le « modèle » Syriza du « gouvernement anti-austérité appuyé sur les mobilisations » en défendant l’hypothèse que la situation grecque pousserait Syriza à aller plus à gauche que sa direction ne le voulait. Mais comme les événements ultérieurs l’ont montré, Tsipras est vite devenu l’agent zélé et actif de l’application des politiques d’austérité imposées par les principales bourgeoisies européennes. Ce type de parti refuse d’orienter l’énergie des mobilisations vers une remise en cause des bases du pouvoir capitaliste. Il recherche avant tout un débouché institutionnel, synonyme d’adaptation au système capitaliste. Relancer le NPA exige de rompre définitivement avec les logiques de type « gouvernement anti-austérité » et de préciser nos axes stratégiques sur la base des expériences de la lutte de classes internationale.

iii. Rompre avec le modèle des « partis larges »

Le modèle des partis larges mis en œuvre dans un certain nombre de pays à partir du début des années 2000 a montré depuis toutes ses limites. L’idée de « perdre en substance pour gagner en surface » en brouillant nos délimitations stratégiques avec le réformisme, ce qui a empêché le NPA pendant ses premières années d’existence de résister à l’émergence du Front de gauche, doit aujourd’hui être inversée. Le NPA a en quelque sorte besoin de « gagner en substance » pour pouvoir renouer avec une dynamique de construction.

L’écho de la campagne Poutou montre que c’est sur un créneau de classe et radical que le parti peut se faire une place malgré l’émergence de la FI, à condition de renforcer le contenu de nos réponses en termes de programme mais aussi de projet de société socialiste/communiste.

4. POUR UN PARTI DE CLASSE ET REVOLUTIONNAIRE

i. Actualité de la perspective révolutionnaire

La perspective révolutionnaire, en tant que seule alternative globale de réponse à la crise systémique du capitalisme contemporain et de la multiplicité de ses effets désastreux, reste parfaitement actuelle en dépit d’un rapport de forces globalement défavorable. Notre projet stratégique reste celui de la révolution socialiste, du renversement de l’État bourgeois et du remplacement de toutes ces institutions par un nouveau pouvoir assis sur la démocratie des « producteurs associés ». Toute confusion entretenue sur ces questions ne peut que brouiller notre projet et désorienter les militants et leur milieu.

ii. Nécessité de l’implantation dans la classe ouvrière

A 100 ans de l’expérience d’octobre, le rôle des travailleurs dans toute perspective de transformation révolutionnaire de la société reste aujourd’hui primordial. Ils et elles forment en effet la seule classe qui possède les moyens de bloquer l’économie et d’ouvrir la perspective de la prise révolutionnaire du pouvoir et de la construction d’une société où le libre développement de chacun fondera le libre développement de tous et réciproquement, d’en finir avec la destruction systématique de la nature autant qu’avec la division entre travail intellectuel et travail manuel. C’est pourquoi le centre de gravité de notre parti est la lutte de classes, et la raison pour laquelle il doit chercher activement à s’implanter dans les principaux secteurs de l’industrie et des services.

Cela implique de s’appuyer sur la popularité acquise par Philippe dans les milieux ouvriers pour en faire une priorité, en construisant le parti autour d’un axe clair, qui ne soit pas la somme dispersée de mouvements sociaux et/ou interventions sectorielles. La crise du syndicalisme et la politisation croissante dans les milieux ouvriers rendent cet objectif tout autant possible que nécessaire, à condition de rompre avec la séparation entre le politique et le syndical. Il s’agit de batailler dans les syndicats pour qu’ils dépassent tout corporatisme et prennent en charge l’ensemble des problèmes de la société (violences policières, sexisme, soutien aux migrants). C’est la seule façon de combattre le syndicalisme de collaboration sur lequel cherche à s’appuyer Macron et de contribuer à une recomposition du mouvement ouvrier en tant que sujet politique.

5. AXES D’UN PROGRAMME TRANSITOIRE ACTUEL

Le NPA doit défendre partout, en propre comme dans les cadres de front unique où il intervient, les grands axes d’un programme de transition et la construction d’une force capable d’affronter le pouvoir bourgeois. Ce programme doit partir des conditions de vie et de la conscience actuelles des exploités et des opprimés, afin de convaincre la majorité d’entre eux, dans l’analyse comme dans les démonstrations concrètes, que la solution réelle aux problèmes qu’ils endurent suppose la prise du pouvoir politique par les travailleurs et le renversement du capitalisme.

i. Nos vies valent plus que leurs profits

Au plan social et économique nous défendons l’interdiction des licenciements/le refus de toutes les suppressions d’emplois, le partage du temps de travail sans réduction de salaire, l’augmentation des salaires et leur indexation sur les prix, l’abolition de tous les contrats précaires, l’ouverture des livres de comptes des entreprises, le contrôle par les salariés et la population de la production et des services publics, l’expropriation des secteurs-clés de l’économie et des entreprises qui ferment ou licencient, l’annulation de la dette publique, et un contrôle stricte des mouvements de capitaux afin d’éviter les fraudes fiscales du type Paradise Papers.

Sur le terrain politique nous mettons en avant des mesures démocratiques radicales comme l’abolition de la fonction présidentielle et du sénat, la réduction du salaire des élus au niveau de celui d’un ouvrier qualifié, leur révocabilité, la proportionnelle intégrale dans toutes élections, dans l’esprit de la Commune de Paris. Nous luttons contre l’Union Européenne, un instrument totalement au service des classes dominantes qui ne peut en aucun cas être « réformé », pour un gouvernement des travailleurs et pour une Europe socialiste des travailleurs et des peuples.

La capacité de la classe des travailleurs à porter une politique hégémonique à l’égard de l’ensemble des secteurs opprimés sera le socle d’une stratégie victorieuse. Une telle politique est incompatible avec tout « ouvriérisme » et tout « économisme ».

ii. L’intrication des rapports de classes, du sexisme et du racisme

Nous devons intégrer les questions féministes, LGBT et antiracistes, en les considérant non pas comme des suppléments d’âme à une analyse de classe, mais comme des angles d’attaque indispensables pour que notre conception des classes garde toute sa pertinence. Notre classe est composée de femmes, de minorités de genre, de LGBT, de personnes immigrées ou descendantes d’immigrés. On ne peut donc penser la classe isolément des autres rapports de domination structurels de nos sociétés. Dès lors, notre lutte de classe doit aussi être féministe, LGBT et antiraciste. Mais il ne s’agit pas que de mots, cela à des conséquences sur notre intervention. Cela veut dire intervenir dans le mouvement féministe, LGBT, antiraciste pour y développer une tendance lutte de classes. Mais cela signifie également développer partout où cela est possible, en même temps que la conscience de classe, une conscience féministe, LGBT et antiraciste, chez les personnes concernées comme (et c’est fondamental) dans le mouvement ouvrier.

Partout nous défendons un point de vue de classe et nous œuvrons à construire les mouvements sur des bases de masse, en termes d’égalité face au travail et au salaire, de combat contre les violences sexistes et le patriarcat sous ses multiples visages, défense des droits reproductifs des femmes (contraception, avortement, PMA).

iii. Contre le racisme et les violences policières

Dans tous les cas, nous interpellons le mouvement ouvrier organisé, syndicats l en premier lieu, pour l’inviter à prendre en charge ces tâches démocratiques, en rompant avec le corporatisme économique autant qu’avec les formes de séparatisme qui affectent la majorité des organisations engagées dans la lutte contre ces oppressions spécifiques, en vue de dépasser une coupure historique dramatique, particulièrement marquée en France notamment sur la question raciale.

En ce sens nous nous battons pour que le mouvement ouvrier prenne en charge les revendications de l’ensemble de la population des quartiers populaires, ainsi que la lutte contre les violences policières dont elle est la première victime, un combat particulièrement à l’ordre du jour depuis les cas d’Adama Traoré et de Théo, contre le racisme et l’extrême-droite.

Sur les migrants, Macron poursuit la politique de Hollande en la blindant un peu plus : aucun accueil ou presque, renforcement des solutions carcérales pour traiter les dossiers et accélération les procédures d’expulsion pour ceux qui se trouvent sur le territoire, d’un côté, et, de l’autre, sous-traitance du contrôle des frontières aux partenaires de la bourgeoisie française au Sud de la Méditerranée. Les dernières images arrivées de Lybie sont glaçantes. Pour refuser les divisions et construire l’unité, dans le cadre de notre combat anti-impérialiste, nous défendons le droit d’installation et de circulation et la régularisation de tou-te-s les « sans-papiers », l’ouverture des frontières et la fin de l’Europe-forteresse.

iv. Face à l’urgence écologique, la nécessité d’une planification socialiste de l’économie

Nous vivons une crise écologique sans précédent, qui se manifeste dans toute son étendue autour du phénomène du réchauffement climatique et dont le capitalisme est le principal responsable. Cette crise est aussi un vecteur de politisation important : c’est pourquoi il est urgent que nous développions une politique et des réponses anticapitalistes et révolutionnaires sur ce sujet central. Le capitalisme est structurellement source de gâchis (obsolescence programmée, logique du non réparable et du jetable, etc.) et sa logique de profit engendre de nombreux problèmes écologiques (déversement d’acide d’Arcelor Mittal à Florange, fraude de Volkswagen sur les émissions de ses moteurs diesels, etc.). Ce sont les entreprises et non les consommateurs qui polluent le plus, et surtout qui décident quoi produire. Le mode de production capitaliste est guidé uniquement par la recherche de rentabilité et non par les besoins sociaux et écologiques réels de la population

Nous devons donc aborder ce que serait le mode de production communiste en parlant de planification. La planification, c’est déterminer rationnellement et démocratiquement la production en fonction des besoins collectifs et en prenant en compte les ressources naturelles limitées ainsi que les questions écologiques. La FI revendique le mot d’ordre de « planification écologique », mais une telle formule n’a aucun sens tant qu’on ne remet pas en cause la propriété privée des moyens de production. Les grandes entreprises qui polluent la planète sont les mêmes que celles qui exploitent les pays pauvres, qui sont par ailleurs les premières victimes du réchauffement climatique et de la pollution. Mais pour réorganiser de façon moins polluante les grands moyens de production, il nous faut pouvoir les contrôler : aucune réelle planification n’est possible sans expropriation de ces grands moyens de production. C’est pourquoi un programme écologique cohérent ne peut être qu’internationaliste et révolutionnaire.

6. FRONT UNIQUE ET POLITIQUE A L’EGARD DES AUTRES COURANTS REVOLUTIONNAIRES

Il ne s’agit pas seulement de populariser un tel programme, nous oeuvrons à ce que les travailleurs et les classes populaires, la jeunesse, s’en saisissent le plus possible. Cela passe par notre intervention dans les syndicats et cadres unitaires, en assumant une politique de front unique vis-à-vis des autres courants du mouvement ouvrier afin d’unifier notre classe, dans le souci permanent de diffuser les idées révolutionnaires et de faire des démonstrations concrètes de leur justesse. Cela signifie que nous ne faisons pas n’importe quelle alliance à n’importe quel moment. Le front unique s’oppose à la logique du « front social et politique », qui pose la recherche d’alliances comme préalable, au motif de la faiblesse de l’extrême gauche actuelle, à l’émergence d’une « alternative politique », ainsi qu’à celle d’une « représentation politique » de tous les exploités. Nous devons systématiquement défendre nos perspectives propres en opposition aux directions réformistes qui nuisent à l’unité de notre classe et à sa radicalisation.

Notre attitude à l’égard des autres courants anticapitalistes et révolutionnaires issus de différentes traditions, et cela malgré nos divergences parfois importantes et des inerties historiques, est d’une autre nature. Nous devons avoir une politique permanente à leur égard, notamment en ce qui concerne LO, pour explorer les possibilités de fronts partiels et/ou électoraux, à l’image par exemple du FIT et de son impact national en Argentine (avec ses 4 députés nationaux et depuis plusieurs scrutins les meilleurs résultats électoraux de l’histoire de l’extrême gauche), pour échanger sur nos orientations et nos interventions.

7. UN PARTI PLUS COHERENT ET PLUS DEMOCRATIQUE

La première condition d’un fonctionnement démocratique et de parti est le respect et la mise en œuvre des décisions prises, qui permettent ensuite d’en tirer un bilan, en rectifiant ce qui a pu s’avérer erroné. Mais les textes votés par la direction du NPA ont souvent un caractère formel et leur application ne fait en général l’objet d’aucun suivi.

Un exemple en a été notre (non) participation aux législatives de 2017. Afin de conserver une visibilité politique et continuer à construire dans la foulée de la campagne présidentielle, le CPN avait décidé de présenter, compte tenu des contraintes financières, autour de 80 candidatures. Mais beaucoup de ses membres n’ont pas respecté cette motion, quand ils n’y ont pas fait directement obstacle. Il s’est ainsi trouvé une majorité du CE pour interdire, sous de faux prétextes, une candidature déjà déposée, sans avoir consulté ni même informé les deux instances. (comité Paris 11°, coordination fédérale 75) qui la portaient.

Un autre exemple est la multiplication des entraves mises depuis deux ans au fonctionnement du secteur jeunes (dotation financière, permanentat, participation aux RIJ), pour la seule raison que sa direction déplait à certains courants du CPN.

Ces méthodes démoralisent les militant-e-s et aggravent les tendances à la dispersion. Les insuffisances dans notre unité d’action sont une conséquence de notre faible homogénéité stratégique, mais aussi de méthodes de direction peu inclusives. Cette situation ne pourra être dépassée que par le débat politique, dans le respect des décisions majoritaires mais aussi des positions minoritaires, donc du droit de tendance et de fraction tel qu’il est prévu par nos statuts :

« La démocratie est une exigence et un atout pour notre parti. La démocratie est au coeur de notre projet. Elle implique la transparence, la circulation des informations, la mise à niveau systématique des éléments d’un débat, la connaissance de la pluralité des choix, elle reconnaît la possibilité de s’organiser pour faire changer l’orientation du parti, c’est-à-dire le droit de tendance et le droit de fraction » (statuts).

L’existence (et la multiplication) de tendances et fractions est une conséquence de l’absence de clarté sur notre projet, et de la crise prolongée du parti, en aucun cas leur cause. Il n’empêche que des pressions centrifuges existent et qu’il faudrait engager une discussion démocratique, incluant une concertation avec/entre tous les groupes internes, dans l’objectif de réduire les dynamiques d’éclatement et de renforcer notre fonctionnement collectif, à l’image de ce qui a pu être fait pendant la campagne Poutou.

8. UN PARTI PLUS INTERNATIONALISTE

L’internationalisme est parfois présenté comme équivalent à une solidarité internationale avec les peuples. Celle-ci en fait partie, mais dans son acception traditionnelle d’internationalisme « prolétarien », il est aussi et d’abord la compréhension de la nécessité d’une action commune des travailleurs par-delà les frontières ; et pour cela, des échange d’expériences et élaborations communes entre révolutionnaires de différents pays, immédiatement en vue de collaborations pratiques et à plus long terme dans la perspective d’une nouvelle Internationale.

A ses débuts, le NPA avait pris dans ce sens des initiatives importantes, notamment à travers l’organisation de conférences regroupant des responsables d’organisations révolutionnaires très diverses, d’Europe ou de la région Maghreb/Moyen-Orient. Après l’éclatement de la crise du NPA, cette politique a été de fait abandonnée. Aujourd’hui, des camarades proposent que notre parti adhère au courant international (IV°-SU) dont ils sont membres et où le NPA est observateur.

Une telle décision, qui réduirait qualitativement nos ambitions, serait une grave régression. Le mouvement révolutionnaire international se trouve réparti en de nombreuses organisations nationales et courants internationaux. La IV°-SU n’y représente qu’une petite minorité, y compris parmi ceux et celles qui se réclament ou sont issus du trotskysme, et l’orientation que ses sections portent dans un certain nombre de pays est loin de faire l’unanimité dans le mouvement révolutionnaire.

Nous devons au contraire reprendre et actualiser l’objectif initial du NPA, tel qu’il découlait des dernières lignes de ses principes fondateurs : « nos adversaires, les capitalistes, se moquent des frontières. Ils parlent les langues du monde entier. Ils sont très bien organisés et pour les combattre, il faut nous organiser avec autant d’efficacité. Notre parti cherche à se lier à toutes les forces qui, dans le monde entier, luttent avec le même objectif. C’est pourquoi le NPA engagera le dialogue et des collaborations politiques avec les autres forces anticapitalistes et révolutionnaires dans le monde dans la perspective de la constitution d’une nouvelle internationale. »

Dans ce sens, une première nécessité est de revitaliser notre commission internationale (aujourd’hui réduite à un secrétariat se réunissant épisodiquement et à une liste d’information et d’échanges), qui devrait gérer nos relations internationales en lien avec la direction nationale, ainsi que de relancer les sous-commissions régionales ayant de fait disparu, comme la sous-commission Europe dont on comprend bien l’importance qu’elle aurait au regard de la situation actuelle en Catalogne.

Simultanément, il est nécessaire que les militant-e-s ou courants appartenant à un regroupement ou une organisation internationale informent régulièrement le parti de ses activités (résolutions, campagnes, conférences).

9. RELANCER LA CONSTRUCTION DU NPA

La « nouvelle représentation politique des exploité-e-s et des opprimé-e-s », que des secteurs du NPA ont mis systématiquement en avant depuis des mois, comme la perspective et l’objectif politico-organisationnel qu’il faudrait poursuivre, efface la césure entre réforme et révolution (en prétendant revenir à contenus et des formes qui ont correspondu à la genèse du mouvement ouvrier), au moment où elle est plus pertinente que jamais.

La tâche reste de construire le NPA, en tant qu’organisation anticapitaliste révolutionnaire de combat, regroupant des militants issus de traditions et horizons divers. Dans le prolongement de la campagne Poutou, il s’agit de combiner la critique du système et de ses aberrations, celle de ses serviteurs politiques de tous bords, et l’appel à notre classe à lutter et s’organiser sur une ligne indépendante et radicale, pour la révolution et le socialisme.

Si notre congrès se montre capable de s’orienter dans une telle voie, il deviendra possible de véritablement redéployer le NPA. Cela impliquera de se doter d’une politique pour développer notre intervention dans les entreprises, en intervenant politiquement, de manière coordonnée dans les syndicats où se trouvent nos militants, sur une orientation « lutte de classe » ; ainsi que dans la jeunesse, le secteur où nous avons sans doute aujourd’hui le plus de possibilités de nous développer. Pour cela il nous faudra revitaliser ou reconstruire les directions locales et régionales, les commissions nationales dont l’activité est indispensable (notamment pour l’intervention dans les entreprises, l’intervention féministe et l’activité internationale), et construire une relation de collaboration saine avec notre secteur jeunes.

Daniela (93), Elise (93), Emmanuel (31), Flore (93), Gaëtan (31), Jean-Baptiste (93), Jean-Philippe (75), Laura (93), Nicolas (31), Renaud (75), Sarah (93), Vincent (68), Virginia (75), membres titulaires et suppléants du CPN sortant.

 
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