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8 de janvier de 2018 Twitter Faceboock

Le Monde ouvre le bal
Romain Goupil. De militant de Mai 68 à chien de garde de Macron
Georges Camac

« Comment peut-on être Jeune Communiste Révolutionnaire en mai 68 et soutenir Macron en 2017 ? » : c’était en somme la question posée par Ali Baddou à Romain Goupil dans son émission consacrée à la question 50 ans après, que reste-t-il de Mai 68 ?

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Crédits photo : AFP / Stephane de Sakutin

« Notre rôle, c’est de faire la Révolution en France » : c’est Romain Goupil qui parle, au micro de la radio. On est en Mai 68, il a 16 ans. Il est alors membre de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire (JCR) et est un des fondateurs du premier Comité d’Action Lycéen (CAL) au lycée Jacques Decour. Le contraste est saisissant, surréaliste même, avec celui qui soutient désormais la contre-révolution néolibérale de Macron et qui doit signer, avec Daniel Cohn Bendit un documentaire sur Mai 68, qui sera diffusé pour le cinquantenaire sur France 2.

« Je pensais que l’outil révolutionnaire […]allait empêcher les injustices ». « Je me suis trompé » dit-il alors pour s’expliquer. Mais à l’écouter parler au micro de France Inter, on se rend compte que Romain Goupil a fait bien plus que changer ses méthodes de lutte d’alors : il est passé de l’autre côté de la barricade, très loin de l’autre côté même.

Car sur les ondes de France Inter, plus qu’un « débat », c’est une opération de falsification grossière de l’histoire de Mai 68 qui s’opère, avec Goupil en chef d’orchestre, accompagné par les violons bien réactionnaires de Natacha Polony (renommée « socialiste libertaire(sic) » pour l’occasion) et André Glucksmann. Et à la clef, aucune dissonance, mais une contre-révolution historiographique toute en harmonie.

Pas une seule fois au cours des 20 minutes, il ne sera fait mention de ce qui est pourtant au cœur de Mai 68 : une grève générale qui s’étend sur un mois et qui comptera jusqu’à 7 ou 8 millions de grévistes, soit la moitié des travailleurs de l’époque. Aucune mention de la grave crise gouvernementale que cette mobilisation ouvre, jusqu’à laisser entrevoir la porte d’une situation révolutionnaire. Aucune mention non plus de ce que le patronat français devra céder pour éviter le pire pour eux : 35% d’augmentation du SMIG et 10% des salaires réels, mais aussi la création des sections syndicales d’entreprise, et ce malgré la complicité des directions syndicales pour calmer le mouvement.

Non, Romain Goupil préfère résumer l’expérience de Mai 68 à une « utopie » de lycéens et d’étudiants parisiens et arguent que les gens étaient dans la rue contestaient surtout « le patriarcat ». Amnésie ou mensonge ? Surement un peu des deux de la part de celui qui a assisté aux « évènements » de Mai 68 du premier rang et a continué à côtoyer la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) durant de nombreuses années.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ses souvenirs se sont adaptés à sa nouvelle fonction de chien de garde des classes dominantes. Selon lui, « les avancées [depuis mai 68] sont énormes », sur le « féminisme par exemple ». Sans détailler de quoi il parle. Mais on se doute qu’il ne fait pas référence à ces femmes, travailleuses précaires, qui seront touchéesde plein fouet par les réformes de casse du code du travail de Macron. Ou encore de celles qui ont de moins en moins accès aux centres IVG au fur et à mesure que les cures d’austérité les font fermer.

Dans un éclair de lucidité, celui-ci concède néanmoins que « ce contre quoi il se battait n’a pas disparu. Voire pire ». On ne saurait qu’être d’accord avec lui, sauf qu’il semble de toute évidence avoir choisi le combat inverse. Comme sur la guerre, dont il dit de la contestation être une avancée de Mai 68. Doit-on rappeler à ce titre qu’avant de soutenir Macron, il avait commencé par adhérer aux thèses de la diplomatie néo-conservatrice la plus réactionnaire il y a déjà plus de quinze ans et qu’il militait, par exemple, pour l’intervention en Irak en 2002 ?

Si la conversion de Goupil est particulièrement brutale, elle n’en exprime pas moins, à sa manière, la crise de conviction qui va affecter les rangs révolutionnaires. Ce reflux qui va suivre Mai 68, à la fin des années 1970 d’abord, mais surtout dans les années 1990 avec la contre-révolution néolibérale, et qui va faire beaucoup de dégâts dans les consciences. Ils sont nombreux, ces militants, pris de doute, à avoir déserté le camp des révolutionnaires, même si tous n’ont pas rejoint le camp des classes dominantes, loin de là. Cette crise militante, Goupil a même fait un film dessus,Mourir à 30 ans, en hommage à son copain de l’époque, Michel Recannati, le principal responsable du service d’ordre de la LCR qui s’est suicidé en 1978. Un film à (re)voir. Histoire peut-être de pardonner à celui qui vient de l’assassiner une deuxième fois au micro de France Inter. Histoire surtout de comprendre ce qui s’est passé depuis et de savoir, vraiment, « ce qu’il reste de Mai 68 » aujourd’hui.

 
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