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La Izquierda Diario
10 de janvier de 2018 Twitter Faceboock

Directive Collomb
Macron et les migrants : une xénophobie d’Etat dérange jusqu’aux députés LREM
Yano Lesage

Criminalisation de la solidarité, traque des sans-papiers dans les centres du 115 et dans les hôpitaux, et future « directive Collomb »… Le gouvernement Macron n’en finit pas de faire la chasse aux migrants et contre tous ceux qui leur viennent en aide avec des mesures qui n’ont rien à envier du programme du Front National. Plus qu’une continuité avec les gouvernements précédents, en matière de politique migratoire, Macron et ses comparses entament un nouveau tour de vis xénophobe et répressif qui dérange jusque dans les rangs de la majorité La République En marche.

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Crédits Photo : Photo Pascal Bastien

Des associations aux hôpitaux : une traque des sans-papiers

Invité sur la matinale d’Europe 1, le 27 décembre dernier, l’historien et politologue Patrick Weil, spécialiste de l’immigration a eu des mots très forts pour décrire ce qui se joue actuellement en France quant à la politique migratoire. « Aucun gouvernement depuis la seconde Guerre Mondiale n’avait osé aller jusque là » a-t-il déclaré en faisant référence à la circulaire autorisant les autorités de police à vérifier la situation des personnes hébergées dans les centres d’urgence. En effet, depuis début novembre, la préfecture autorise les contrôles l’identité des individus accueillis dans les centres d’hébergement entrainant la colère des associations qui refusent de « collaborer ». Depuis plusieurs jours, la police a même ouvert des permanences dans ces centres. « Les centres d’hébergement sont des lieux de protection. Si on généralise les contrôles, les gens n’auront plus confiance » s’est indigné Florent Guégen de la Fédération nationale des acteurs du logement social (FNARS). La directive revient peu ou prou à chasser les migrants, pour la plupart arrivés dans des conditions de désœuvrement extrêmes, sans ressources, des seuls espaces susceptibles de les accueillir et de leur venir en aide.

Car ce n’est pas seulement les centres d’hébergement qui sont dans le viseur des autorités préfectorales mais également les hôpitaux. En décembre, des syndicats de psychiatres ont également fait part de leur indignation : par le biais des Agences Régionales de Santé, un arrêté administratif a été envoyé aux personnels des hôpitaux psychiatrique afin qu’ils communiquent aux autorités la situation administrative des patients et fassent signer aux malades sans-papiers les obligations à quitter le territoire. Face à la fronde des soignants, des syndicats de psychiatres et la polémique, le gouvernement a rapidement fait savoir qu’il retirait la circulaire. Mais l’esprit reste là.

Une criminalisation de la solidarité

Avec les contrôles policiers dans les associations, la tentative – échouée- de faire « collaborer » le personnel hospitalier, le gouvernement s’en prend peu à peu à toutes les institutions ou individus susceptibles de venir en aide aux réfugiés.

A Calais, cet automne, c’était au tour des associations de solidarité avec les réfugiés d’être qualifiées d’ultragauche par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, qui avait au même à la même époque démentit toutes les accusations de violences policières à l’encontre des migrants émises par les associations. Cédric Herrou, ce berger devenu militant de la cause des migrants, a été condamné par la justice pour ses actes de solidarité à quatre mois de prison avec sursis. Plus récemment, c’est au tour de Martine Landry, militante d’Amnesty International France qui risque jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amendes pour avoir aidé des mineurs étrangers en danger. « C’est la première fois en France qu’une personne est poursuivie pour ses actions dans le cadre d’une mission d’Amnesty », s’inquiète dans l’Humanité Jean-François Dubost, responsable du programme Protection des populations au sein de l’ONG. « C’est très grave et cela s’inscrit dans une politique répressive généralisée à l’égard des personnes solidaires des réfugiés. »

Le projet « asile et migration » : un pas de plus dans les expulsions.

En novembre, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb avait déjà demandé à toutes les préfectures d’intensifier les contrôles, les incarcérations et les renvois à la frontière et les expulsions. Dans la vallée de la Roya, comme l’a fait savoir Cédric Herrou, la législation en vigueur est régulièrement bafouée : des migrants mineurs sont tous les jours reconduits à la frontière italienne, une pratique illégale du point de vue du droit des étrangers. Le projet de loi « asile et migration » sur lequel travaille le gouvernement devra lui donner les coudées franches pour augmenter ces expulsions en toute légalité. Ce projet dont la sortie est prévu pour mars 2018 fait hurler les associations, notamment parce qu’il devrait comporter la possibilité d’expulsion vers « un pays tiers sûr », un principe qui va à l’encontre du droit d’asile à faire sa demande et à s’installer dans celui où la demande a été déposée. Véritable délocalisation de l’accueil des réfugiés, la mesure ouvrirait la possibilité de sous-traiter l’asile à des pays tiers « sûrs », comme c’est déjà le cas actuellement en Turquie ou en Libye où les pratiques d’esclavage des migrants ont été révélé par CNN.

La politique migratoire inhumaine, xénophobe et ultra-répressive du gouvernement est de plus en plus critiquée. Mal perçue par cet électorat qui a voté Macron pour faire « barrage au FN » au second tour, elle crispe y compris parmi les rangs des députés de la majorité gouvernementales LREM.

Les députés LREM mal à l’aise sur la politique migratoire menée

Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, s’est déjà dit, selon les révélations du Canard Enchainé, « agacé de passer pour le facho de service », d’être « bien seul aux avant-postes » sous les feux des critiques avec derrière lui un gouvernement qui « compte les points, reçoit les associations mais ne se mouille pas ». Et Gérard a raison de sentir si seul. Car, cette politique inhumaine est la déclinaison de la politique du gouvernement et en premier lieu du président Macron qui en est le véritable chef d’orchestre. En incarnant cette politique intérieur inhumaine, il pourrait bien servir de fusible au gouvernement face à la contestation qui monte parmi ses rangs.

Mardi 9 janvier, la députée LREM de la Manche, Sonia Krimi, a vivement interpellé Gérard Collomb sur sa future réforme du droit d’asile et de l’immigration sous les applaudissements des députés de la France Insoumise. « Tous les étrangers ne sont pas des terroristes, tous les étrangers ne sont pas d’indélicats fraudeurs aux aides sociales » a lancé la députée franco-tunisienne au Ministre. Et en insistant sur le discours d’ouverture qu’avait arboré Emmanuel Macron durant sa campagne électorale, elle a poursuivi en disant que le discours du ministre « joue avec les peurs » et que « les centres de rétentions deviennent des centres de détention et sont indignes de notre République ». On l’aura compris, la politique du Ministre de l’Intérieur, en décalage face aux promesses de progressisme sociétal d’Emmanuel Macron met mal à l’aise la majorité LREM.

Et c’est dans le souci de la préserver que Gérard Collomb organisait jeudi dernier un diner avec les députés macroniens d’Ile- de-France, comme le révèle le Canard Enchainé. A leur table Aurore Berger, porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée, a voulu, tant bien que mal, calmer les inquiétudes des députés : « il ne faut pas se leurrer, beaucoup de ces associations [d’aides aux demandeurs d’asile et aux migrants] sont noyautés par les militants politiques d’extrême-gauche » a-t-elle lancé aux députés-convives, selon les sources du Canard Enchainé. Craignant la défection des députés LREM sur sa loi, le gouvernement cajole la majorité et fait de la « pé-da-go-gie ». En plus du « péril rouge » brandie par la porte-parole lors des diners, un document interne expliquant le contenu et l’objectif de la réforme aurait été distribué aux députés. Aurore Berger n’en parcours pas moins les plateaux pour divulguer sa « bonne parole ». Avec son nouvel angle de communication pour défendre le texte, Aurore Berger ferait passer la circulaire Collomb pour une mesure humanitaire : « on ne peut pas protéger, si on ne sait pas qui vit en France », faisant passer les contrôles policiers et les mises en centre de détention pour de la protection et de la bienveillance.

La politique migratoire extrêmement répressive ouvre une brèche et approfondit les contradictions du président des riches. Elu pour faire barrage au FN sur un programme ultralibéral économiquement et socialement « progressiste » – concession à son aile gauche – Macron mène une politique aux frontières qui n’a rien à envier au programme du Front National. C’est bien ce que lui reproche une partie de sa majorité et ce qui pourrait l’affaiblir davantage auprès d’un électorat qui a cru « échapper au pire » en lui donnant son bulletin de vote.

 
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