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La Izquierda Diario
26 de avril de 2015 Twitter Faceboock

Dans la presse de la semaine
Débats nauséabonds et fausses solutions. Comment résoudre « le problème » des migrants « clandestins » ?
Damien Bernard

L’année passée, plus de 4 000 migrants, hommes, femmes et enfants, ont perdu la vie en tentant leur chance en Méditerranée pour passer d’Afrique, du Moyen-Orient ou du Maghreb en Europe. Ces dix derniers jours, pas moins de 1 300 personnes, poussées par les guerres ou la misère, alimentées ou provoquées par les impérialistes, se sont noyées en Méditerranée. Pendant que les assassinats prémédités par nos gouvernements se poursuivent, la presse et les médias de la semaine sont largement revenus sur la question qui taraude nos gouvernants : « comment résoudre le « problème de l’immigration irrégulière » ?

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Des cafards au Figaro en passant par Zemmour. Quelques raccourcis

C’est du côté de la presse d’outre-manche que racisme et xénophobie ont pu s’étaler avec le moins de retenue. Le 17 avril, en page une du tabloïde britannique The Sun, le journal le plus lu du royaume, Katie Hopkins n’a pas hésité à comparer les migrants à des « cafards », appelant de ses vœux à « utiliser des navires de combat pour stopper les clandestins ». Ces sorties médiatiques, destinées à booster les ventes d’un torchon tout en libérant la parole d’extrême droite, n’ont rien à envier à celles d’Eric Zemmour chez nous.

Dans sa chronique du 23 Avril sur RTL, Zemmour s’en est pris aux « droits de l’homme qui tuent ». Ce seraient en effet les « droits de l’homme » qui « nous » obligeraient à « les » « secourir », « accueillir », « adopter » et « intégrer », alors que de l’autre côté, « nous » n’aurions pas le droit de les « trier », de les « sélectionner ». On l’aura compris. Entre le tri des êtres humains et les cafards, il n’y a qu’un pas.

Yvan Rioufol se garde bien de le franchir, mais il n’en est pas loin, dans son éditorial du 23 avril dans Le Figaro. Pour Rioufol, toujours à l’écoute de son prochain, l’urgence n’est pas de secourir les migrants mais de « dissuader ceux qui veulent forcer les portes ». Les drames de la Méditerranée, loin de l’émouvoir, doivent permettre, selon l’éditorialiste, de « relancer le débat sur l’immigration en Europe ». Pour Rioufol, cette immigration est, bien entendu, une « menace pour l’Europe ». Ce qui nous guette, en effet, c’est une « invasion (…) d’un million de déshérités économiques (…) prêts à tout, tout de suite ». La plupart, on s’en doute, ne peuvent être que des « musulmans ». De façon plus policée, Le Figaro réchauffe les propos orduriers, racistes et islamophobes que The Sun et Zemmour déversent à longueur de journée.

« Sauver d’abord, accompagner ensuite et réformer pour finir »

Pour Christophe Barbier, éditorialiste à L’Express, il faut d’abord commencer par éviter de passer pour un assassin pour mieux maquiller par la suite la scène du crime. Dans sa chronique vidéo du 20 avril, Barbier souligne que la question n’est pas de se défendre contre « une invasion » mais d’abord de « sauver » ces migrants afin « d’échapper à l’accusation de non-assistance à personne en danger », et ce pour « sauver l’honneur de l’Europe ». Plus qu’une urgence humanitaire, il y a bien urgence médiatique, selon Barbier qui relaie bien, en cela, la posture de l’Elysée.

Une fois ces migrants sauvés, l’accompagnement consisterait à séparer le bon grain de l’ivraie. Il faudrait « raccompagner » les migrants qui « quittent un pays ou une situation économique et sociale qui ne leur laisse pas assez d’espérance » et ne faire des exceptions que pour ceux qui « échappent à une guerre civile », et ce afin de limiter au maximum le soi-disant effet « pompe aspirante ». Pour les heureux élus au retour au pays, il s’agirait de les « raccompagner pour les aider à [y] rester » pour qu’ils « développent leur projet d’épanouissement personnel ». Barbier, qui pourrait devenir porte-parole du ministère des Douanes et des Frontières, ne rechigne pas, lui non plus, à trier et à distinguer : les migrants « légaux » des migrants « illégaux », tout d’abord, puis, au sein de ces derniers, ceux qui fuient un vrai conflit de ceux qu’il faut renvoyer chez eux pour « s’épanouir » (dans la misère) parce qu’ils n’ont pas une kalachnikov braquée sur la tempe.

Pour répondre, à long terme, « à la tragédie des migrants qui traversent la Méditerrané », il faudrait réformer « les liens entre le Sud et le Nord », autrement dit, « aider le continent africain à sortir du chaos et à aller vers la prospérité ». Il faudrait, de la même façon, réformer les actions « diplomatiques et militaires envers ou contre les pays du Nord de l’Afrique en proie au chaos et aux mains des trafiquants, (…) notamment [en] Lybie [puis] gérer la suite en Syrie ». L’hôpital se fout de la charité. Ce sont les politiques impérialistes qui sont responsables et qui maintiennent sous-développement, misère, famine, chômage et surexploitation dans les semi-colonies d’Afrique, en collaboration avec les dictatures et les pseudo-démocraties locales. Et ce sont les interventions impérialistes qui créent chaos, guerres civiles et monstruosités réactionnaires, que les migrants fuient. Cette « réforme des actions diplomatiques et militaires », appelée par Christophe Barbier, n’est autre qu’une reconsidération de nouvelles interventions impérialistes en Lybie et en Syrie.

Hollande, Sarkozy, Marine Le Pen se renvoient la balle

C’est ce qui est en jeu ces derniers jours, d’ailleurs. Dans les heures qui ont suivi le naufrage de 800 migrants embarqués dans un chalutier au large de la Lybie, dans la nuit du 18 au 19 avril, les politiques ont parlé d’une situation « dramatique » et « épouvantable », disant leur « tristesse » face à ce qui venait d’arriver. Une fois le « moment émotion » passé, place à l’instrumentalisation en revanche. C’est ce que pointe Cécile Cornudet, dans Les Echos du 23 avril, en décrivant l’affrontement entre le gouvernement, l’UMP, et le FN, se « renvoyant la responsabilité de la situation » pour « masquer l’impuissance » des uns et des autres. Tandis que Sarkozy attaque Hollande sur le terrain d’un « problème d’immigration » que le président refuserait de « de voir en face », Hollande, appuyé sur ce point par le FN, rétorque sur la nécessité de « réparer les erreurs du passé en Libye », reprochant à son prédécesseur de n’avoir eu « aucune réflexion sur ce qui devait se passer après ».

Contrairement à ce qu’écrit Cornudet, cependant, ce dialogue de sourd, ne démontre pas l’impuissance des gouvernants mais bien leur responsabilité pleine et entière dans ces assassinats planifiés car annoncés. Pour preuve, après avoir dénoncé une « catastrophe », Hollande a poursuivi en qualifiant les passeurs de « terroristes » pour, aussitôt, demander à Bruxelles plus de moyens pour lutter contre le trafic d’êtres humains, en refoulant les migrants et en bombardant les passeurs. Ce n’est autre qu’un nouveau prétexte pour une intervention contre ces nouveaux « terroristes » en Lybie, d’autant que le précédent gouvernement n’aurait pas fini correctement son travail.

La réponse et la continuité des politiques impérialistes de nos gouvernements est claire : triplement du budget de l’Opération Triton et préparation de nouvelles interventions au Nord de la Méditerranée.

« Légalisation de l’immigration » et « vente de visas aux travailleurs migrants »

Pour les moins va-t-en-guerre et les plus lucides de nos porte-voix médiatiques de la bourgeoisie hexagonale, « résoudre le problème de l’immigration clandestine », c’est possible et, de surcroit, cela ne devrait pas empêcher de faire de l’argent au passage. Libération et Le Monde des 20 et 21 avril donnent la parole à Emmanuelle Auriol, chercheure à l’Ecole d’Economie de Toulouse, et à Alice Mesnard, chercheure à la City University de Londres, toutes deux auteures d’une étude sur la « légalisation de l’immigration ».

Partant du constat que « l’émigration économique ne se tarira pas tant que subsisteront de telles différences économiques entre Nord et Sud » et soulignant un « manque de migrants » en Europe, Auriol et Mesnard proposent de légaliser « l’immigration économique en vendant des visas aux gens qui souhaitent travailler chez nous ». Selon leur étude, cette légalisation, couplée à une politique répressive contre les passeurs et les entreprises qui continueraient à embaucher des travailleurs « clandestins », devrait permettre de mettre fin à ces catastrophes.

La délivrance au « compte-gouttes [faisant] le jeu des passeurs », baliser davantage les flux migratoires en les encadrant de façon à « légaliser l’immigration » ne représente pas aujourd’hui le point de vue dominant dans les pays impérialistes. Le projet, visant à fournir une main d’œuvre légale, abondante et peu qualifiée, aux entreprises capitalistes, prend exemple sur ce qui se fait actuellement en Israël ou la Jordanie qui « accordent des permis de travail temporaires sur des emplois peu qualifiés » et qui sont, comme chacun sait, des pays forts sympathiques à l’égard des travailleurs migrants. Cette option, que Le Monde et Libération présentent comme une alternative au tout sécuritaire, n’est qu’une version moins barbare d’un système basé sur une division internationale du marché du travail perpétuant, derrière des frontières mieux contrôlées, la dichotomie entre pays du Sud et puissances impérialistes. A l’opposé de ce qui serait une véritable « légalisation de l’immigration », à savoir la liberté d’installation et de circulation pour tous et toutes.

 
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