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La Izquierda Diario
5 de février de 2018 Twitter Faceboock

Onet malhonnête
Grève ONET : l’entreprise ne respecte pas le protocole, mais les grévistes restent solidaires, et prêts à recommencer !
Correspondant.e.s cheminot.e.s

Nous relayons ci-dessous l’interview parue dans le dernier journal fédéral de SUD Rail, à propos de l’expérience des grévistes du nettoyage des gares SNCF, de la société H. Reinier-ONET, en novembre et décembre derniers. Il est important de revenir sur cette expérience au moment où l’entreprise cherche à revenir sur les acquis de la grève, en ne respectant pas le protocole de fin de conflit, signé à la mi-décembre avant la reprise du travail. De nombreux problèmes sont relevés par les anciens grévistes : problèmes sur les fiches de paie, non remplacement des agents qui partent en vacances, non reprise des CDD malgré les engagements pris, manque de matériel pour nettoyer les gares correctement, etc.

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Crédits photos : Gabriela Torres

Par ce biais, la direction de H. Reinier-ONET joue clairement avec le feu puisque les salariés restent solidaires et sont déterminés à ne rien laisser passer. Une première réunion a eu lieu la semaine dernière pour faire le point, lister l’ensemble des problèmes et exiger une réponse de la part de la direction. Pour l’instant la seule réponse qui est proposée par l’entreprise n’en est pas une puisqu’ils proposent d’en discuter lors de la prochaine réunion avec les délégués du personnel, prévue seulement à la fin du mois de février ! La direction de H. Reinier- ONET ne semble donc pas pressée de trouver une solution, et c’est inadmissible ! Cela est évident qu’ils n’ont pas les mêmes besoins et préoccupations que les anciens grévistes, dont certains auront du mal à tenir les deux bouts en raison des paies mal faites par l’employeur. Comme scandaient les travailleurs pendant la grève : « ONET malhonnête ! ». Mais les grévistes ont tiré les leçons de la grève, ils ont compris que seules la lutte, la détermination et la solidarité paient. Ils et elles sont prêts à recommencer s’il le faut pour faire plier à nouveau le géant du nettoyage !

Nous relayons ci-dessous, l’interview parue dans le dernier journal fédéral de SUD Rail, qui revient sur les enseignements et la riche expérience de cette grève courageuse :

Oumou est agent de nettoyage sur la région de Paris Nord depuis 18 ans, militante et déléguée du personnel SUD Rail ; et Laura, agent circulation sur la région de Paris-Nord depuis 2 ans, militante à SUD-Rail depuis un peu plus d’un an et membre du CHSCT de l’UO du Bourget.

Fédération SUD-Rail : Depuis le début du conflit le 01 Novembre, plus de deux semaines de grève se sont passées pour qu’enfin des négociations sérieuses soient engagées et que les travailleurs commencent à faire entendre leurs revendications auprès de la direction. A la différence des précédentes grèves dans le secteur du ferroviaire s’opposant aux contre-réformes internes (éclatement en 3 EPICS, organisations du travail, etc), encore luttant contre la remise en cause du code du travail à travers les lois EL KHOMRI et les ordonnances MACRON, votre mouvement a su rester uni et déterminé malgré l’attitude hostile et d’une rare violence de la SNCF, de ONET, de la police, et de certains élus. Quelle est donc la recette d’une grève forte aussi bien dans sa durée que dans sa détermination et sa mobilisation ?

Oumou : Tout d’abord, ce qui nous a fait tenir si longtemps c’est qu’on était unis et solidaires entre nous. Lors du passage de l’ancienne société SMP à la nouvelle, H. Reinier-ONET, on nous a informés de la nouvelle « clause mobilité », jusqu’ici absente de nos contrats. Cette question a déclenché l’énervement de tous les collègues et on s’est mis d’accord avec nos chefs d’équipe et nos délégués du personnel pour dire que c’était inacceptable. On a donc décidé de se mettre en grève, pour réclamer pour nos conditions de travail, d’autant plus qu’il y avait d’autres revendications partagées par les collègues, comme la prime de panier, ou encore le maintien des effectifs pour pas qu’on se retrouve à moins d’employés à faire donc plus de travail. Notre grève a démarré comme ça. Ensuite on se retrouvait tous les jours à Saint Denis pour faire des AG qui décidaient au fur et à mesure de la suite du mouvement. On faisait des tournées dans les gares les plus importantes, Saint Denis, Ermont et Garges-Sarcelles pour s’assurer que l’entreprise n’envoie pas des intérimaires pour nettoyer à notre place.

Au début, on était isolés, personne n’était au courant de notre grève, mais les cheminots de Sud Rail sont venus nous soutenir et on a commencé à nouer des liens qui nous permis de renforcer le mouvement. On a compris que la clé pour que notre mouvement gagne, c’était qu’on reste unis, et surtout que c’était « notre » mouvement et que tout devait être décidé en AG, avec des discussions entre nous. Et puis la dernière chose importante, c’est qu’on était majoritaire, 90% de grévistes jusqu’à la fin, c’est énorme !

Laura : Quand on a appris que les agents de nettoyage du nord Ile-de-France étaient en grève, on s’est dit, avec quelques camarades du syndicat de Paris Nord, qu’il était important de venir les soutenir. Un des principes de Sud Rail est de considérer que nous sommes tous des « travailleurs du rail », peu importe si nous sommes embauchés par la SNCF directement, ou par un sous-traitant, en l’occurrence ONET. A Sud Rail, on défend l’idée qu’ils doivent être embauchés à la SNCF avec le statut cheminot. Ce sont nos collègues, qui ont des conditions de travail très précaires, souvent transmis d’une boîte de nettoyage à l’autre, année après année, avec à chaque fois la tentative des différentes entreprises qui se succèdent de revoir à la baisse leurs conditions de travail. Pour nous, c’était donc quasiment un devoir, en tant que cheminots, de ne pas regarder ailleurs alors qu’ils étaient en train de se battre, faisant face au géant du nettoyage ONET, mais aussi à la SNCF. Notre rôle était donc de venir les soutenir, et aussi leur transmettre notre petite expérience, sans pour autant décider à leur place. La première chose sur laquelle on a insisté en arrivant sur le piquet c’est que c’était leur grève, et donc que c’était à eux de décider. Pour nous, c’est un principe très important, et c’est ça qui a fait leur force : ils ont compris que la grève leur appartenait, ils sont devenus des militants de la grève.

Fédération SUD-Rail : Dans beaucoup de secteurs on sent une forme de crise de confiance dans la capacité des travailleurs à se mobiliser, à vivre un conflit long et à peser suffisamment dans le rapport de force pour gagner. Quels ont été les ingrédients qui ont permis à cette grève d’être aussi exemplaire dans la lutte,y compris pour contourner le sentiment de ne pas « assez peser sur l’économie pour gagner » ?

Oumou : Je crois que pour beaucoup d’entre nous, cette grève nous a permis de comprendre qu’on n’est pas obligés de se laisser traiter comme des moins que rien. Notre travail est important, si les bureaux et les gares ne sont pas nettoyés, les gens ne peuvent pas travailler et voyager dans des bonnes conditions. Petit à petit, on a compris à quel point notre travail était important, les gares commençaient à être sales, ONET et la SNCF avaient un problème et c’était une force pour nous. Ensuite il y a eu la BD de la dessinatrice Emma, qui nous a donné beaucoup de courage, elle a valorisé notre travail, on était très émus de voir ça. Et on a aussi compris qu’on sait faire autre chose que le nettoyage, qu’on peut aussi revendiquer nos droits, le patron n’a pas toujours raison, et si on est ensemble, solidaires et déterminés, on est capable d’obtenir beaucoup de choses. On l’a toujours dit, cette grève c’était une grève pour le respect et la dignité. Comprendre cette question nous a donné beaucoup de force.

Laura : Pour moi cette grève c’est la preuve que si on est déterminés à tenir, on peut gagner, même si on ne travaille pas dans les secteurs qui ont le plus d’impact direct, comme les conducteurs ou l’aiguillage, par exemple. Souvent nos collègues cheminots nous disent que cela ne sert à rien de faire grève parce qu’on est remplacés et qu’on est incapable de gagner. Mais si la SNCF pouvait fonctionner sans cheminots, sans agents de nettoyage, ça se saurait ! Donc tout le monde est indispensable pour que le service public fonctionne… Si on prend conscience de cette force, on est capables de tout ! Imaginons si on s’y met ensemble, cheminots du commercial, de la conduite, de la circulation, du nettoyage… Il faut savoir que c’est après la journée du 16 novembre, journée de grève contre les ordonnances de Macron, où on a fait des actions ensemble, cheminots en grève et agents de nettoyage, qu’on a réussi à décrocher les premières négociations pour les collègues du nettoyage qui étaient en grève depuis le 1 novembre mais la direction d’Onet refusait de négocier jusqu’à ce moment-là. Ils ne peuvent pas se passer de nous, donc si on est ensemble et déterminés, on peut faire bouger des montagnes !

Fédération SUD-Rail : Ce mouvement a été l’occasion de nombreuses actions pour faire connaitre et sensibiliser aux conditions de travail des agents du nettoyage mais également pour créer les conditions d’une solidarité pour tenir dans la durée quand le patronat joue sur le pourrissement du conflit et refuse toute discussion avec les grévistes. Dans quelle mesure la dynamique active et vivante à l’intérieur et autour des grévistes, les actions de soutien peuvent peser sur la détermination que vous avez eu dans la lutte ?

Oumou : On a eu des moments très durs pendant la grève, où on se décourageait, parce que la grève durait et Onet ne voulait pas céder et refusait d’entendre nos revendications. Quand ils sont venus au milieu de la nuit dans les gares, avec la police et les intérimaires pour chercher à nettoyer les gares de force, ou encore quand la SNCF nous a convoqué au tribunal, c’était des moments difficiles, plusieurs d’entre nous ont failli lâcher. On avait en plus la pression de ne pas avoir d’argent, on a touché 0 euro après un mois entier de grève, c’était très difficile. Mais nous avons toujours eu le soutien de nos familles, et aussi de toutes les personnes qui venaient nous ramener de l’argent ou à manger, qui passaient tous les jours au piquet pour nous laisser un mot d’encouragement, qui nous disaient qu’ils étaient fiers de notre grève et de notre détermination. C’est comme ça qu’on a pu tenir !

Laura : De notre côté, depuis le début on a cherché à les aider, les soutenir, les encourager, mais sans jamais chercher à faire à leur place. La mise en place du comité de soutien suite à la répression en gare de Saint Denis a été fondamentale parce que cela a permis d’organiser une énorme solidarité autour de la grève, de faire en sorte qu’elle devienne petit à petit la lutte de tous. A Saint Denis, les gens étaient vraiment solidaires, la manifestation que nous avons organisé dans la ville l’a clairement démontré, c’était magnifique ! Des intellectuels, des députés et différentes personnalités ont publié une tribune dans le journal Libération qui a permis de faire connaître plus largement le mouvement : de la grève des « petites mains », c’était devenu la grève de tous les précaires ! Mais le plus important c’est que ce soutien très large, et même le soutien logistique qu’on a pu apporter avec le syndicat par exemple, n’était pas contradictoire avec le fait que ça soit les grévistes eux-mêmes qui militent et qui soient acteurs de leur propre lutte. Ça aussi, c’était une condition pour arriver à la victoire.

Fédération SUD-Rail : Dans ce genre de conflit, quel doit-être aujourd’hui le rôle de l’organisation syndicale ? Comment mettre l’outil syndical au service des luttes et non comme un frein aux revendications des travailleurs (comme on le voit dans certains conflits en particuliers du syndicalisme de cogestion) ?

Oumou : Le soutien des cheminots de Sud Rail et de notre fédération a été fondamental, ils nous beaucoup aidé. Par exemple, ils nous aidé à mettre en place la caisse de grève. Nous on ne savait pas ce que c’était, on ne savait pas comment faire, et grâce à leur soutien on a réussi à récolter plus de 80.000 euros. On a fait 45 jours de grève, donc 45 jours sans salaire ! Sans la caisse de grève, on n’aurait pas pu tenir. Le plus important c’est qu’ils nous aidé avec l’organisation, ils nous ont appris beaucoup de choses, ils nous transmis leur expérience, mais sans jamais faire à notre place, c’était aux grévistes de décider. On était un certain nombre à être syndiqués avant la grève, mais maintenant beaucoup de collègues ont compris l’utilité d’un syndicat et surtout l’utilité d’être organisés et soudés face au patron pour ne pas le laisser nous écraser. Aujourd’hui, beaucoup de collègues souhaitent se syndiquer, pour défendre nos droits au jour le jour, mais surtout pour organiser les prochaines luttes qu’on espère pouvoir mener bientôt, pourquoi pas aux côtés des cheminots, ou encore des précaires d’autres secteurs, comme on a pu faire avec les grévistes d’Holiday Inn par exemple ! En tout cas, c’était une expérience magnifique, comme on dit souvent avec les collègues, si on devait recommencer, on le referait !

 
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