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La Izquierda Diario
9 de février de 2018 Twitter Faceboock

Droit à la légitime défense ou le permis de tuer
Visé par 10 tirs d’un policier, Boubakar va porter plainte pour tentative de meurtre
Sadek Basnacki

Le 26 janvier dernier, la voiture que Boubakar conduisait a été criblée de balles par un motard de la police. Ce dernier avait justifié son acte en accusant le jeune homme d’avoir voulu l’écraser. Vidéo à l’appui, la version de Boubakar est totalement différente. Il a décidé de porter plainte pour tentative de meurtre.

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Crédits photo : DR

La vidéo : une voiture fait face à un motard de la police, le clignotant s’enclenche et la voiture tente de contourner doucement le motard. Celui-ci sort son arme de service et tire, la voiture stoppe au premier tir, le policier continue de tirer et la voiture s’enfuit. Une scène digne des USA, pourtant, elle a été filmée par un automobiliste à Villeneuve-la-Garenne dans le 92, le 26 janvier dernier.

La version de la police mise à mal par une vidéo

Médiapart qui a interrogé le jeune homme, relate les faits dans un article. « Boubakar est alors le passager du véhicule conduit sur l’autoroute A86 par son ami Jordan, 26 ans ». Mediapart continue : « les deux amis roulent apparemment beaucoup trop vite. Ils sont repérés par deux motards qui les prennent en chasse. Mais au lieu de s’arrêter, Jordan tente de semer les policiers. Il a mal réfléchi, reconnaît Boubakar. « Lorsqu’il a vu les policiers, il a pris peur. Il ne voulait pas retourner en prison. »  »

Pour les motards, Jordan n’a pas juste voulu échapper au contrôle mais à même tenté de les renverser alors qu’ils le pourchassaient. Boubakar explique que son ami roulait vite pour échapper aux policiers, à près de 160 km/h mais que « Non, sur l’autoroute, y a rien eu  ».

Une fois la voiture arrêtée par la police, Jordan sort du véhicule et tente de s’enfuir, il sera rattrapé par l’un des motards. L’autre reste devant la voiture.

C’est alors que Boubakar décide de prendre le volant et de partir. Dans l’article de Médiapart, le jeune homme de 19 ans explique que « n’ayant rien à se reprocher, sa présence n’était plus nécessaire. « Ils ne m’ont même pas parlé », raconte-t-il. « Ce n’était pas moi qui conduisais. J’avais le permis et la voiture était en règle. Je me suis dit que je pouvais repartir. »  »

« Lorsque je lève la tête, je vois le policier qui braque son arme sur moi », « Il avait l’air totalement fou. Il criait : “Je vais te fumer, je vais te fumer” ». Des propos que le policier a démenti avoir tenus.

Boubakar, pour montrer à l’agent qu’il ne le menace pas, met son clignotant et contourne par la gauche le policier. C’est alors que celui-ci ouvre le feu. Il va tirer 10 balles qui vont traverser la voiture dont deux vont se loger dans le coude et l’une des fesses de Boubakar. « J’avais peur. J’ai freiné après le premier coup de feu. Mais il continuait à tirer. Du coup, j’ai accéléré. ». Le journaliste de Médiapart explique que « sur la vidéo, on peut en effet voir, à trois secondes, le feu stop de la voiture s’allumer, juste après le premier tir. »

Le jeune homme se réfugie sur un parking où des renforts de police viendront l’arrêter.

Malgré ses blessures, Boubakar ne recevra aucun soin et est immédiatement interpellé. « Ils m’ont mis les menottes. La douleur dans mon bras me faisait crier mais ils m’ont fait m’asseoir dans une voiture. Ils étaient super agressifs. Ils me disaient “tu as foncé sur notre collègue”. »

Le journaliste de Médiapart affirme que « c’est en effet la version que donne immédiatement le motard auteur des tirs. Selon lui, Boubakar aurait volontairement tenté de le renverser afin de prendre la fuite. Il n’aurait tiré que parce qu’il était directement menacé, et après sommations. »

Or, la vidéo montre un scénario totalement différent, le policier fait effectivement face à la voiture mais on voit bien Boubakar enclencher son clignotant et entamer une manœuvre de contournement. Le motard tire alors de manière ininterrompue alors même que la voiture ne le menace pas.

Avec son avocat, le jeune homme a décidé de porter plainte pour tentative de meurtre. « Je veux qu’il soit condamné, mais je veux aussi avoir ses explications. Je veux savoir pourquoi il a tiré et pourquoi autant de balles. Je ne comprends pas. Ça s’est passé vers 16 h-17 h, on n’était pas loin d’un centre commercial. Quelqu’un qui passait par là aurait pu se prendre une balle. »

Une plainte qui peut ne pas aboutir après la réforme sur le droit à la légitime défense

L’Inspection générale de la police nationale a été saisie pour enquêter sur cette affaire. C’est l’une des premières affaires de violences policières qui prendra en compte la réforme sur le droit à la légitime défense des policiers qui a été largement élargie pour satisfaire la colère des policiers qui à l’époque manifestaient dans les rues des grandes villes de France. Médiapart cite le texte adopté le 27 février 2017 : les policiers peuvent faire usage de leur arme pour, notamment, « immobiliser (…) des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ». L’avocat de Boubakar explique à Médiapart que dans la loi il y aussi « des garde-fous », « Ils ne doivent faire usage de leur arme qu’en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée. » Or, comme il confit au journaliste, « Quand on vous tire dix fois dessus, qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que ça peut être d’autre qu’une volonté de tuer la personne que l’on vise ? Ce monsieur est un policier. Rien ne justifie de tirer dix fois sur une personne alors que celle qui a commis l’infraction n’est même plus là ! ».

Cet élargissement du droit à la légitime défense est le principale responsable de ce qui s’est passé ce mois de janvier. Boubakar a eu de la chance de s’en sortir, il aurait pu y laisser la vie car le policier a tiré pour tuer. Il y a encore un an, cette scène n’aurait pas pu se dérouler ainsi. On a donné le droit aux policiers de tuer suivant l’interprétation qu’ils font d’une situation tendue. De nombreux autres cas vont se produire ces prochaines années et les policiers français deviendront les égaux des policiers états-uniens. La police française n’a pas besoin de cet élargissement pour assassiner comme on l’a déjà trop vu au cours de ces dernières années mais avec le droit à la légitime défense elle a une protection légale pour jouer aux cow-boys et notamment dans les quartiers populaires.

Les quartiers, futures salles de tir ?

Les quartiers populaires sont les premiers à subir la loi des cow-boys en uniforme. Boubakar vient de La Caravelle, quartier où la pauvreté et le chômage font des ravages. Après ce qui est arrivé au jeune homme, la colère a explosé dans le quartier. La police a durement réprimé et neuf personnes ont été arrêtées mardi 30 janvier pour « participation à un attroupement armé ». Quand on vient d’un quartier populaire, il faut visiblement accepter de se faire canarder par les flics sans broncher. Mais pourtant cette colère légitime sortira tôt ou tard. Les forces de répression donneront, malheureusement, l’occasion à la colère des quartiers populaires de se déverser. Dans ces quartiers, on ne peut pas oublier les persécutions systématiques des individus jeunes et racisés et les brimades constantes des baqueux et des policiers. Sur les murs de la cité, on pouvait voir un hommage à Zyed et Bouna qui ont trouvé la mort dans un transformateur électrique après avoir été poursuivis par les flics alors qu’ils revenaient d’un match de foot. Leur mort avait déclenché les émeutes de 2005. En 2018, on taggue encore leurs noms sur les murs lorsque les policiers tentent de tuer un jeune. Avec ce permis de tuer, on verra bientôt des « bavures » qui n’en seront plus puisque cela sera interprété comme de la légitime défense, une injustice de plus pour les jeunes des quartiers populaires qui fera exploser leur colère légitime.

 
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