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La Izquierda Diario
19 de février de 2018 Twitter Faceboock

Souffrance au travail
Pour Muriel Pénicaud le burn-out n’est pas une maladie professionnelle
Max Demian

Pour Muriel Pénicaud, la question est tranchée : le burn-out n’est pas une maladie professionnelle. La Ministre du Travail est catégorique à ce sujet et déclarait le 12 février, au micro de Jean Jacques Bourdin sur BFM TV : « Une maladie professionnelle, cela voudrait dire quelque chose qui n’existe que dans le monde professionnel et qui est lié 100% au monde professionnel. C’est comme si vous disiez que la dépression est une maladie professionnelle »

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« Le syndrome d’épuisement professionnel »… n’est pas une maladie professionnelle

On ne peut cependant manquer d’être surpris lorsque l’on sait que la traduction littérale de l’anglicisme « burn-out » est…syndrome d’épuisement professionnel. La Ministre du Travail joue donc sur les mots et se contente de rappeler ce qui n’est qu’un état de fait : à savoir qu’en effet, pour le moment, le syndrome d’épuisement professionnel n’est pas officiellement reconnu comme une « maladie du travail » et consiste seulement en un ensemble de symptômes.

Pour autant, les symptômes cliniques du burn-out ont été explicitement formalisés (et distingués de ceux de la dépression, contrairement à l’affirmation de Muriel Pénicaud). En effet, un guide d’aide à la prévention édité en 2015, auxquels ont participé l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), ainsi que le ministère du Travail (dont Muriel Pénicaud a la charge), précise explicitement que« même si des caractéristiques communes existent quant à leurs symptômes, le burnout se différencie de la dépression au sens où il s’exprime en premier lieu dans la sphère professionnelle »

Ce même rapport précise d’ailleurs un peu plus loin que les causes du burn-out sont inhérentes au lieu de travail :« comme pour l’ensemble des RPS [risques psycho-sociaux], les causes (sur lesquelles il est possible d’agir en prévention dans l’entreprise) sont donc à rechercher dans l’organisation, l’environnement et les relations de travail. Ce sont, par exemple, la charge de travail élevée, l’extension des amplitudes horaires, l’isolement, l’absence d’espaces de discussion, le manque de soutien de la hiérarchie ou des collègues, la qualité empêchée, qui transformeront un engagement vertueux en un sentiment de gâchis pour l’individu. »

Le travail : un enjeu politique et pas (seulement) psychologique

Ainsi, contrairement aux affirmations péremptoires de Muriel Pénicaud, qui s’empresse de déplacer la question sur un débat technico-médical en affirmant que« toute la communauté médicale, dont l’OMS, dit que ce n’est pas une maladie professionnelle », il faut rappeler que la reconnaissance du burn-out en tant que maladie professionnelle à part entière, mais aussi la question de l’organisation du travail, sont des enjeux politiques.

Tout d’abord, la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle signifierait que celle-ci serait prise en charge par la branche accidents du travail, et ouvrirait ainsi la possibilité de bénéficier d’indemnités financées par les cotisations patronales. Or cette condition nécessite l’accord de toutes les parties prenantes de l’entreprise : syndicats et… patrons. Difficile, en ce cas, compte tenu du rapport de force qui règne au sein de l’entreprise, et dans un contexte de chômage massif, de faire plier le patronat pour lui faire reconnaître sa responsabilité (et surtout diminuer ses profits). En l’état, le burn-out peut seulement être pris en charge au cas par cas si, d’une part est établie une causalité entre les conditions de travail et la maladie, et d’autre part s’il est prouvé que ces conditions de travail ont entraîné une incapacité permanente d’au moins 25% (or la plupart des burn-out atteignent un seuil de 10% en moyenne).

Mais ces enjeux techniques occultent la question politique des formes d’organisation du travail – dont la dégradation accrue ces dernières années a entraîné une explosion des risques psycho-sociaux sur le lieu de travail : burn-out, dépression, (vagues de) suicides dans le pire des cas… Ces malaises au sein du monde du travail débordent largement le cadre du travail. Déplacer la question sur un terrain techniciste (quel pourcentage fixer pour la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle) occulte l’ensemble des rapports de force qui pèsent sur le salarié non seulement au sein de son lieu de travail (management harassant, injonction à la performance, compétition entre salariés, horaires indécents etc.), mais surtout sur l’ensemble de la société. En effet, au sein d’un système capitaliste,dont la seule raison d’être est la maximisation du profit, la totalité des rapports sociaux se voit voués à un impératif de rentabilité : les plus chanceux seront durement exploités, les autres, simplement jetés au rebut de l’humanité improductive – ainsi va la loi d’airain du capitalisme pour laquelle tout individu n’est que fonction du profit.

 
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