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La Izquierda Diario
19 de février de 2018 Twitter Faceboock

Une parodie de justice
Affaire Théo : les « experts » et les médias au service de l’impunité policière
Georges Camac

Selon deux nouvelles expertises publiées ce vendredi, Théo n’aurait pas été « violé » par les policiers qui l’avaient interpellé. Une version reprise par l’ensemble des grands médias mais dont les conclusions sont mensongères.

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Les médias se sont empressés, comme toujours dans ce genre d’affaires, de sauter sur l’occasion. Théo n’aurait pas été « violé ». Cette information intervient deux semaines seulement après la vidéo de l’interpellation du jeune homme. Un calendrier qui n’a rien de fortuit. Il s’agit bel et bien d’une opération de communication, reprise sans sourciller par des journalistes au garde-à-vous, pour préparer l’acquittement probable à venir des policiers incriminés.

Pourtant, à lire le rapport d’expertise, on se rend compte qu’il instaure un procédé trompeur, pour ne pas dire mensonger, plutôt qu’un nouvel éclairage sur les faits. En effet, le rapport confirme la déchirure de 10 cm constaté sur le sphincter du jeune homme. Le seul élément nouveau serait que la matraque n’aurait (le conditionnel étant de ici de mise) pas été introduite directement dans l’anus mais juste à côté. Une précision dont on ne comprend pas trop bien le sens : dans quelle mesure ce décalage de quelques centimètres, aux conséquences identiques, changerait-il la qualification de l’acte ? Une précision qui a fait monter au créneau Me Antoine Vey, avocat de Théo : « Et mon client est proprement scandalisé. On est en train de parler de l’introduction d’un objet qui a pénétré son intestin sur 10 cm ! Je m’étonne de ce débat technique qui n’a vraiment aucun sens ».

Quant à la vidéo, publiée il y a deux semaines, et abondamment commentée par Europe 1 on ne comprend pas en quoi elle remettrait en cause la version de Théo. D’abord, sur le coup à l’anus en question, elle semble démontrer le caractère intentionnel de l’acte : alors que deux policiers le saisissent, celui-ci lui assène un coup dans une direction et avec un angle qui ne laisse que peu de doute sur ses intentions. Qu’il se soit trompé de quelques centimètres au cœur de l’action, cela ne change pas grand-chose à l’acte… et à ses conséquences. Rappelons que le jeune homme s’est vu prescrire 60 jours d’ITT par la suite et confiait encore récemment ressentir la douleur.

Il s’agit rien de moins qu’un véritable procès à charge contre Théo entamé par les « experts » et la caste médiatique dominante. Il suffit de voir la vidéo commentée par Europe 1, dont le « décryptage » tient plus de la mise en scène à la limite du grotesque, pour se rendre compte de l’impartialité du jugement.

D’abord, il n’est fait aucune mention du contexte, c’est à dire celui d’un contrôle au faciès, sans justification autre que des débordements survenus la veille dans la ville. Un « oubli » qui sert de base à la contextualisation fortement sous-entendue : un contrôle qui « dégénère » face à des jeunes incontrôlables. Aucune mention des nombreux coups portés par les policiers alors que les jeunes tentent clairement de s’extraire de la situation. Un policier, au sol, gaze abondamment Théo : il a « son doigt coincé dans la gâchette de sa bombe lacrymogène » selon la radio. Quelques secondes plus tard, Théo est seul, tenu par deux policiers, les autres jeunes sont à l’écart mais Europe 1 préfère commenter « il refuse de se laisser menotter ». Puis une citation de Théo vient conclure le tout, immédiatement démenti par une autre de l’IGPN, et par la mention des « quatre policiers mis en examen » dont un pour « viol aggravé ».

Le message est clair : des policiers innocents soumis à la brutalité de la police et un geste malheureux, mais involontaire. Et d’insister sur les prétendus « incohérences », pour ne pas dire mensonges, de Théo. Un, notamment, revient en boucle dans le matraquage médiatique, celui du pantalon que le policier lui aurait baissé. Faux comme le montre la vidéo. Mais vu la violence et la rapidité de la scène, vu le traumatisme que celui-ci a subi, que vient rappeler cette vidéo, on comprend que le jeune homme ne peut pas souvenir de tout. Et quelle importance face aux faits, graves, qui sont reprochés aux policiers ?

Les erreurs et les oublis des journalistes dans cette affaire sont, en revanche, pour eux qui n’y ont pas assisté, nombreux. Le contexte, les coups portés par les policiers, rien de tout ça n’est présent dans les articles. On « oublie » aussi que trois des quatre policiers concernés ont été réintégrés dans leur brigade. On oublie aussi de rappeler le témoignage glaçant d’un de leurs collègues sur les méthodes brutales de ses collègues publié par Médiapart il y a mois d’un an. Il confiait alors à leur propos : « C’étaient vraiment des habitués. Dès qu’ils sortaient du commissariat et qu’il n’y avait plus d’autorité derrière eux, ils s’imaginaient être les maîtres dans la rue. Ils faisaient ce qu’ils voulaient, quoi ! ». Ou encore « Ils aiment se battre, casser des gens. C’étaient toujours les premiers à se ruer dans les cellules lorsqu’un gardé à vue pétait un plomb ou se rebellait. L’un d’eux, un brigadier, était particulièrement violent ».

L’info « exclusive » brandie par les médias ne parlent en réalité pas du tout de l’essentiel : du harcèlement dans les quartiers populaires par des contrôles quotidiens des jeunes sans aucune raison apparente, du tabassage en règle de jeunes qui ne répliquent aucune violence, qui refusent simplement de se laisser embarquer. Voire pire comme le cas de l’affaire Théo. Ce que montre surtout le traitement de cette info, c’est la fabrique de l’impunité policière par les « experts » et des médias au garde-à-vous.

Selon le dernier rapport d’expertise, l’acte du policier avec sa matraque n’est « pas contraire aux règles de l’art ». Une qualification odieuse à l’image de cette parodie de justice. Plus que jamais, réclamons justice pour Théo.

Crédits photo : Geoffroy Van Der Hasselt - AFP

 
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