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8 de mars de 2018 Twitter Faceboock

Grève à la Poste
Interview de R. Boillon : « Du potentiel, il y en a. La question, c’est d’y aller tous ensemble au même moment »

Le 6 mars dernier, les bureaux de la Poste de Ponts-Jumeaux, Arnaud Bernard et des Sept Deniers de Toulouse étaient en grève contre un plan de restructuration. Révolution Permanente est allé à la rencontre de Romain Boillon, secrétaire départemental de la CGT FAPT, qui nous a parlé du conflit en cours, des perspectives à venir et de la nécessaire convergence pour stopper les attaques contre le service public, à la Poste comme ailleurs.

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Crédits photo : Sept Deniers Web

Révolution Permanente : Le 6 mars dernier, les bureaux de poste de Pont-Jumeaux, d’Arnaud Bernard et des Sept Deniers sont entrés en grève. Quelles sont les revendications des grévistes ?

Romain Boillon : La première des choses, c’est qu’il y a une réduction d’effectifs dans le cadre de la politique de « ré-organisation du travail » proposée par la Poste. Et les conséquences, c’est de faire passer le bureau de poste des Sept Deniers, où il y avait jusqu ’à présent deux agents, en agence. Il n’y aura donc plus qu’un seul guichetier. En plus de cela, le bureau de poste des Sept Deniers sera fermé tout les lundi. Il s’agit donc d’une réduction du service public postal.

Les bureaux de poste des Sept Deniers, d’Arnaud Bernard et de Pont-Jumeaux, c’est un seul et même établissement. Les guichetiers tournent donc sur les trois bureaux et ils font grève ensemble car une incidence sur un bureau aura des répercussions pour l’ensemble des douze guichetiers.

Dans ces bureaux, il y a aussi des conseillers financiers qui, pour l’instant, ne sont pas mobilisés alors qu’ils pourraient l’être. Par exemple, sur les Sept Deniers, ils ne sont présents que deux jours par semaine, ce qui est insuffisant pour assurer un service public de qualité aux habitants du quartier. Donc, on essaie de travailler à la convergence entre guichetiers et conseillers financiers.

Il y a une attaque contre le service public de la Poste, et si les postiers veulent un avenir, il faut qu’on défende l’outil de travail.

RP : Quelles sont les modalités de la bataille ?

R.B : L’idée, c’était de marquer le coup le 6 parce que ce 8 mars il y avait un COPIL de validation auprès de la direction. Il fallait donc mettre la pression avant ce rendez-vous. Mais en même temps, il s’agit de créer les conditions auprès des usagers pour rendre compte de l’attaque contre le service postal, notamment sur les Sept Deniers. Parce que fermer un bureau un jour, réduire les horaires d’ouverture, c’est la première étape vers la fermeture définitive.

Il faut être clair. Aujourd’hui, les directives de la Poste, c’est de fermer les bureaux de poste de plein exercice pour transférer des activités vers des Carrefour City ou vers les communes. A Arnaud Bernard par exemple, à la dernière restructuration, ils ont perdu les instances et c’est Carrefour City qui distribue maintenant les instances d’Arnaud Bernard. Il y a donc une attaque contre le service public de la Poste et si les postiers veulent un avenir, il faut bien qu’on défende l’outil de travail.

En terme de perspectives, il risque d’y avoir des rencontres avec des associations de quartier. Je crois que le 12, il y a une réunion publique sur les transports aux Sept Deniers, donc on va voir si les guichetiers y vont pour y faire une intervention et informer un peu plus la population. Il y a aussi une pétition qu’on a commencé à faire signer.

RP : Vous avez reçu le soutien des usagers et d’associations du quartier des Sept Deniers, soutien donnant de la force au mouvement. Comment s’est construite cette convergence ?

R.B : A la CGT, on essaie souvent de travailler avec les associations de quartier. On l’a fait par exemple sur Toulouse Firmis, où on a fait reculer le projet de deux ans. Mais on le fait spontanément. Là, ce sont les camarades de la CGT des bureaux concernés qui ont interpellé l’association de quartier parce qu’ils ont ce relationnel et qu’ils connaissent. Donc voilà, c’est plus facile quand on voit les usagers régulièrement.

On a un très bon écho vis à vis de ces quartiers car ce sont des quartiers qui se développent en terme de population et qui se meurent en terme de service public, que ce soit le service postal, la santé etc. Y compris au niveau des commerces, il y a moins d’activité. Si on ne veut pas que ça devienne des banlieues-dortoirs, il faut que ça vive et pour ça, il n’y a qu’une solution : c’est l’activité micro-économique avec des services publics pour que ces populations puissent vivre. Aux Sept Deniers, il y a beaucoup de retraités et si on enlève le service postal, il faudra aller à Pont-Jumeaux au minimum pour trouver un bureau de poste.

RP : Récemment, il y a eu une grève victorieuse des postiers en Aveyron. Avez-vous échangé avec eux ? Êtes vous en lien ?

R.B : Oui, on est en relation étroite avec la CGT de l’Aveyron. Leur conflit est parti d’un petit bureau et ça s’est étendu, avec des rassemblements de 80 facteurs certains jours. Il s’agit d’une attaque contre le cœur de métier, c’est-à-dire la distribution « à la sacoche » où les postiers deviennent de simples distributeurs. Par ce biais là, la Poste essaie d’ubériser le métier de facteur. Aujourd’hui, c’est les postiers, mais demain n’importe qui pourrait faire le métier de facteur si on lui prépare la tournée parce que c’est réduit à une question technique. Il y a une volonté de casser le cœur de métier.

Ce qui s’est passé dans l’Aveyron, on l’a connu en Haute-Garonne avec le conflit de Saint-Gaudens Aspet qui touchait aux mêmes problématiques. C’est pour ça qu’on dit qu’on a besoin de faire converger parce que ces attaques se passent dans plusieurs départements. Il faut essayer de ne pas rester isolé parce qu’il n’y a pas un jour à la Poste où il n’y a pas une lutte. Que ce soit par expédition, par des délégations de masse ou des grèves, tous les jours il y a des luttes qui se développent. Maintenant, il s’agit de voir comment faire converger tout ça. Pour ça, il nous semble à la CGT que le contexte est favorable, avec par exemple la date du 22 mars.

Ce à quoi il faut travailler, c’est que dans tous les services, dans toutes les entreprises, les salariés soient organisés, gagnent des batailles et se disent « ce que je vis là, il faut le faire converger parce que c’est ce que vit tout le monde »

RP : Sur la ville de Toulouse, deux secteurs sont aujourd’hui en grève (L’Université du Mirail et le CHU). Comment pensez vous une potentielle convergence dans la rue ?

R.B : Du potentiel, il y en a. La question, c’est d’arriver à y aller tous ensemble et au même moment. Effectivement, il y a beaucoup de secteurs en lutte. On essaye de démontrer que ce qui se passe au niveau local, sur les conditions de travail ou le développement de la précarité, cela se passe dans l’entreprise à côté de son service, dans l’ensemble du service public etc. Les projets ont des noms différents, mais les réalités du monde du travail, elles, se recoupent. On le voit bien avec le gel des salaires, la dégradation des conditions de travail. On pourrait parler aujourd’hui, puisqu’on est le 8 mars, des inégalités salariales entre les hommes et les femmes qui sont une réalité dans tous les secteurs. Les salariés vivent la même chose, au même moment et plus on sera nombreux, plus on sera fort.

La difficulté, c’est d’essayer de ne pas couper la réalité des services, c’est à dire les préoccupations des travailleurs, avec des mots d’ordre généraux. Moi, je ne pense pas qu’on fasse sortir aujourd’hui des salariés sur un mot d’ordre global. Il faut que localement, il y ait du travail syndical qui soit fait, ce qu’on s’attache à faire. En disant « voilà, on attaque le métier de facteur, qu’est-ce que c’est pour toi attaquer le métier de facteur ? ». Et en général, les salariés répondent « on m’empêche de faire mon travail comme je le vois ». Maintenant, il faut qu’on fasse le lien entre ces phrases des salariés et les enjeux généraux sur le service public. C’est ça qu’on essaie de développer à la CGT : essayer que partout, il y ait des cahiers revendicatifs, car ce sont les préoccupations locales qui permettent d’aller vers des enjeux plus généraux.

L’organisation syndicale, on est quand même un outil, et c’est comment on éveille les consciences, comment on travaille avec les salariés en permanence sur le lieu de travail. Parce que c’est bien là que se développe l’affrontement avec le capital. La rue, c’est juste un moment de convergence. Ce à quoi il faut travailler, c’est que dans tous les services, dans toutes les entreprises, les salariés soient organisés, gagnent des batailles et se disent « ce que je vis là, il faut le faire converger parce que c’est ce que vit tout le monde » et qu’il n’y a que comme ça qu’on arrivera à bouger les lignes.

RP : La date du 22 mars annonce une mobilisation de la Fonction Publique, avec un ralliement des cheminots et d’autres secteurs. Comment vois-tu cette journée et quel est ton sentiment sur les politiques actuelles du gouvernement contre le service public ?

R.B : Pour la première partie de la question, nous dans notre secteur, on appelle et on s’inscrit totalement dans la journée d’action du 22 mars pour créer une convergence. Ce qui se passe chez les cheminots, on l’a vécu à la Poste car la casse du statut, c’est bien ce que la Poste a fait, puisqu’ils ont fait rentrer des contrats en travail privé. Moi je suis en CDI, je ne suis pas fonctionnaire. Donc on fait du dumping social à l’intérieur de l’entreprise et on casse le statut, donc on casse le service public. On sera dans l’action le 22, mais ce qu’on veut c’est que ça parte vraiment de la base. Partout, il y a des préavis de grève locaux à la Poste pour faire le lien entre ce que les gens vivent au quotidien et les enjeux sur le service public.

Nous, on a encore presque 50% de fonctionnaires, donc il sont touchés par le gel du point d’indice et par le non-avancement des carrières. Donc on a de quoi se mobiliser pour le 22. On sera pas là en soutien, mais parce qu’il y a de vraies problématiques à la Poste, qu’on défend le service public postal et l’ensemble des métiers de la Poste ainsi que toutes les activités transversales. Maintenant, le potentiel il dépend de comment on va arriver à interpeller les salariés sur leurs lieux de travail, je reviens là-dessus mais il n’y aura pas de surprise. C’est notre capacité à mobiliser au quotidien et à construire cette journée d’action du 22. On ne met pas les salariés dans la rue avec un claquement de doigts. C’est comment on fait émerger les besoins dans la période.

Et par rapport aux politiques du gouvernement, aujourd’hui il y a des négociations, des forums « CAP 2022 » sur le service public. Tout ce que veut mettre en place le gouvernement, la Poste, en tant qu’acteur privé, se positionne dessus. Par exemple, tout ce qui est lié aux personnes âgées. La Poste développe un service payant et les facteurs viennent voir les personnes âgées au domicile. La Poste joue ce vecteur là de mise en concurrence et de casse du service public. L’Etat annonce une dématérialisation de tous les services publics, à commencer par la fiche d’imposition. La première chose à laquelle pense la Poste, c’est d’aider les personnes en difficulté numérique à remplir leur feuille d’imposition. Alors qu’aujourd’hui, on supprime des agents des impôts, qui offraient ce service là gratuitement et on démantèle le service public des finances et des impôts. La Poste se positionne sur des champs très rentables parce qu’elle garde cette image de service public même si c’est une entreprise privée. Et la Poste travaille avec le gouvernement autour de tout ce qui est mercantile autour de la marchandisation du service public

Cette attaque sur les services publics est une grande manœuvre, avec les cheminots en fer de lance, mais il n’y a pas que ça. On supprime tous les jours des trésoreries, l’éducation est attaquée, les hôpitaux aussi. Le 15 mars, il y a les EHPAD qui sont en grève avec les retraités, qui eux sont attaqués sur la CSG et les pensions. Donc on voit bien que, dans cette période là, il y a le potentiel pour mobiliser parce que les gens sont mécontents, que l’on soit salarié, chômeur, retraité, on voit bien que le Capital s’attaque aux plus faibles. Comparé aux dividendes qui ont été versés au CAC 40 cette année encore, il y a une autre répartition des richesses à avoir et aujourd’hui, la position du gouvernement, c’est de ponctionner les plus faibles et de laisser les mains libres au grand Capital pour faire encore plus d’argent sur notre dos.

Propos recueillis par Julian Vadis

 
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