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24 de mars de 2018 Twitter Faceboock

Il y a 42 ans : Mémoire, Vérité et Justice
Coup d’État en Argentine : des politiciens qui ont pris part à la dictature sont toujours sur le devant de la scène
Rosa D’Alesio

Le coup d’État du 24 mars 1976 en Argentine, impulsé par les entreprises les plus puissantes, a pu compter sur la collaboration de membres de partis politiques bourgeois. Ils faisaient partie du gouvernement de facto. Aujourd’hui, certains d’entre eux occupent toujours des postes dans les hautes sphères du pouvoir.

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Photo : Coup d’Etat du 24 mars 1976 en Argentine. Au centre, le général Jorge Rafael Videla

Plusieurs secteurs de la classe dirigeante argentine ont impulsé le coup d’état militaire pour battre en brèche une classe ouvrière qui, de manière embryonnaire, était en train de mettre en place des organismes de double pouvoir, comme les « coordinadoras interfabriles » (cordons industriels : coordination territoriale de plusieurs usines et regroupant des délégués élus ). Les travailleurs faisaient en cela une expérience différente de celle que lui imposait le Parti Justicialiste, fondé par le général Perón en 1947, et qui est aujourd’hui le parti des Kirchner.

À l’aube du 24 mars 1976, les forces armées ont destitué le gouvernement constitutionnel d’Isabel Perón et pris le pouvoir. Ils ont instauré le « Processus de Réorganisation Nationale » – nom que s’est officiellement donné la dictature militaire, qui s’effectuera de 1976 jusqu’au 10 décembre 1983, jour de l’élection démocratique de Raul Alfonsin, membre de l’Union Civique Radicale (UCR).

Des civils indispensables au Coup d’État

Le gouvernement de Isabel Perón avait rencontré les forces armées un an avant le coup d’État. Le sénateur Justicialiste Italo Luder, président provisoire lors d’un congé qu’avait pris la Présidente, avait promulgué deux décrets : le 2.270 qui allait vers la formation d’un Conseil de Sécurité hégémonisé par les forces armées, et le 2.272 qui ordonnait « l’anéantissement de la subversion ».

Ces décrets furent signés par Ítalo Luder, Carlos Ruckauf, Antonio Cafiero, Ángel Federico Robledo, entre autres.

Avant le coup d’État, la démocratie bourgeoise était le régime de la violence contre-révolutionnaire qui organisait les bandes para-étatiques : la Triple A (Alliance anticommuniste argentine), véritable escadron de la mort, pour briser l’alliance de classe entre le mouvement ouvrier et la jeunesse.

La Triple A fut financée, organisée et armée durant le gouvernement du général Perón, par le biais de son secrétaire privé et ministre de la Sécurité sociale, José Lopez Rega.

La triple A n’a pas été le seul groupe para-policier, dans plusieurs régions du pays, il existait ce genre de bandes criminelles. À Mar del Plata, la répression était exécutée par la « Concentración Nacional Universitaria » (CNU), groupe d’étudiants à l’extrême-droite des organisations de Jeunesse péroniste. A Córdoba, c’était le groupe fasciste Libertadores de América qui s’en chargeait.

L’objectif principal de ces bandes para-étatiques/extra-parlementaires était d’anéantir l’avant-garde et de semer la terreur.

Eux ne portaient pas d’uniforme

Pendant ce temps, le principal dirigeant de l’UCR à l’époque, Ricardo Balbín tissait aussi des liens avec les militaires. Quelques jours avant le coup d’État, il eut au moins une réunion avec le général Rafael Videla, puis avec le général José Rogelio Villarreal qui était chargé de rencontrer les principaux dirigeants politiques.

Balbín, qui a frappé aux portes de la caserne pour mettre fin à la « guérilla d’usine », connaissait le jour et l’heure du coup d’État. Sa relation avec l’armée a continué après l’assaut de la Casa Rosada, siège du pouvoir exécutif.

Il a introduit des dirigeants de l’UCR dans les secondes lignes/arrière-postes du gouvernement militaire. Des dirigeants ont ainsi été intégrés au Secrétariat Général de la Présidence, sous le commandement du général Villarreal. Raúl Castro Olivera, Victorio Sánchez Junoy, Virgilio Loiácono, José María Lladós, Francisco Mezzadri, Ricardo Yofre, Juan Carlos Paulucci Malvis et le constitutionnaliste Félix Loñ ont rejoint ce secrétariat.

Ce dernier a conseillé le régime militaire, avec des arguments constitutionnels. Aujourd’hui, Loñ est un constitutionnaliste « prestigieux » qui s’est prononcé en faveur de Macri lorsqu’il a nommé par décret deux juges de la Cour suprême de justice, alors que le Congrès avait pris congé.

Ricardo Yofre (frère d’un ex-agent de la SIDE – service de renseignement), a occupé une position élevée. Il a été nommé sous-secrétaire général de la présidence le 23 avril 1976.

Ensuite, Juan Carlos Paulucci Malvis est nommé de facto sous-secrétaire technique et de la Coordination du Ministère de la Santé. Ses « bons antécédents » l’amèneront à avoir une place dans le gouvernement actuel. Paulucci Malvis a été nommé secrétaire de la Sécurité Sociale au Ministère du Travail, dirigé par le douteux Jorge Triaca.

Virgilio Loiácono est un autre de ces radicaux qui a eu une longue carrière, qui s’est construite autant dans les gouvernements militaires que constitutionnels. Il a été conseiller du secrétariat général de la présidence entre 1976 et 1978.

Durant la gouvernance de Fernando De la Rúa (de 1999 à 2001) de l’UCR, il était secrétaire au Légal et Technique. Il a rédigé l’état de siège le 19 décembre 2001. Douze ans plus tard, il est revenu sur les lieux du procès pour les crimes de 2001, en tant qu’avocat de l’un des accusés, l’ancien chef de la police fédérale, Ruben Santos.

Pour sa part, José María Lladós, a quitté le Secrétariat général pour occuper le conseil d’administration de la banque Hipotecario en 1981. Il retournera plus tard au service public. Cette fois, sous la gouvernance de Raúl Alfonsín, en tant que secrétaire des Affaires Militaires du Ministère de la Défense.

Santiago de Estrada a également valsé entre gouvernements de facto et constitutionnels. De Onganía à Macri, il a été secrétaire de la Sécurité Sociale pendant la dictature de Onganía et plus tard sous celle de Videla. Ambassadeur auprès du Saint-Siège pendant le gouvernement de Alfonsín. Menem l’a nommé à la Sécurité Sociale et du PAMI (Institut public social). Et il continua ainsi jusqu’à arriver au Gouvernement de Macri, quand il a été nommé Secrétaire du Ministère des Affaires Étrangères et du Culte Argentin.

La répression à Cordoue a été menée par le leader radical Eduardo Angeloz, le chef de l’armée générale Menéndez et le chef de l’archevêché local, le cardinal Primatesta.

Les antécédents d’Eduardo Angeloz n’étaient pas un obstacle pour Raúl Alfonsín. Il l’a inclus dans la campagne électorale de 1983. Le pacte entre les deux a été scellé avec la proclamation d’un autre concurrent simultané du "troisième corps d’armée" pendant la dictature : Victor Martinez, qu’Alfonsin a choisi comme colistière.

L’extermination systématique d’une génération militante a permis à Eduardo Angeloz d’être élu gouverneur de Cordoue de 1983 à 1995.

Une alliance de classe, bourgeoise

Mais les « radicaux » ne furent pas les seuls à servir de fonctionnaires à ce gouvernement de facto. Les politiques des partis bourgeois occupèrent 794 intendances dans tout le pays. En chiffres, la collaboration avec les militaires fut la suivante : UCR, 310 ; le PJ, 169 ; demoprogresistas, 109 ; le MID, 94 ; Fuerza Federalista Popular, 78 ; le MPN (fuerza neuquina), 23 ; démocrates chrétiens, 16 ; Partido Intransigeante, 4.

Pendant la dictature, l’ambassade au Portugal était occupée par le chef du Parti socialiste démocratique (PSD), Americo Ghioldi. Le PSD a également conservé à Mar del Plata le maire qui avait remporté les élections en 1973.

À Neuquén, le MPN a mis plusieurs fonctionnaires. Lors de ses visites en province, le général Jorge Rafael Videla a eu parmi ses hôtes deux hommes importants du MPN et futurs gouverneurs provinciaux : Felipe Sapag et Jorge Sobisch.

Le Justicialiste Roberto José Dromi, ministre de Carlos Menem, a été désigné par la dernière dictature civico-militaire comme intendant de la ville de Mendoza.

Bien que Ítalo Luder n’ait pas rejoint le gouvernement militaire, il a continué à renforcer les liens avec eux. Lorsqu’en 1983, le général Reynaldo Bignone a présenté une loi d’auto-amnistie, avant de quitter le pouvoir, le PJ lui a accordé un soutien explicite. C’est Luder qui, alors en campagne, a demandé à laisser derrière lui le passé. Il a ainsi approuvé l’auto-amnistie. Ce fut la raison principale qui lui fit perdre les élections, et non à cause d’un épisode dans la campagne impliquant Herminio Iglesias. Ce dernier était le candidat péroniste pour la province de Buenos Aires. Lors d’un rassemblement vers la fin de la campagne, ses partisans ont approché de lui un cercueil en carton avec l’inscription UCR auquel il a mis le feu. Cela a fait scandale.

Alors que Raúl Alfonsín était entouré de collaborationnistes, il avait promis que les militaires seraient jugés. Il avait finalement capitulé face au soulèvement des « carapintadas » (groupe militaire).

Ses coreligionnaires ont continué sur le même chemin. En 2015, l’UCR s’est alignée sur le PRO pour rejeter la création d’une commission bicamérale chargée d’enquêter sur la complicité civile lors de la dernière dictature. La position du PRO est cohérente. La famille de Macri s’est enrichie durant les années de la dictature, et ce ne fût pas la seule parmi celles qui composent aujourd’hui la coalition Cambiemos.

Le PJ n’était pas non plus disposée à traduire en justice les civils qui faisaient partie du coup d’État. Et au-delà de la rhétorique, les gouvernements kirchneristes ont continué à faire affaire avec les héritiers de la dictature. Carlos Blaquier, responsable du Blackout de Ledesma, a été salué par l’ancienne présidente, Cristina Kirchner. Il lui a rendu les compliments.

Aujourd’hui, à 42 ans du Coup d’État, on ne connaît toujours pas la liste complète des politiques ayant collaboré à la dictature et qui ont bien su garder ce secret sous clef. De part l’implication des partis majoritaires qui ont gouverné le pays depuis 1983, les agents intellectuels et matériels de la disparition de 30.000 personnes durant la dictature n’ont jamais été traduits en justice.

De même, il en va de leur responsabilité qu’aujourd’hui, 400 enfants de disparus nés en captivité continuent à chercher leur identité.

42 ans sont maintenant passés, et les hommes d’affaires, les juges, les journalistes, les religieux, ainsi que ces politiciens bourgeois complices du génocide, n’ont pas été jugés.

Ce 24 mars, le rassemblement pour la Mémoire, la Vérité et la Justice exigera qu’aucun génocidaire ne soit oublié. Nous continuerons à exiger le procès et la punition des coupables, en plus de dénoncer le gouvernement de Macri et ceux qui gouvernent en réprimant aujourd’hui.

En ce sens, le rassemblement pour la Mémoire, la Vérité et la Justice se tiendra autour des revendications suivantes :

• 24 mars : à 42 ans du Coup d’État, plus aucun génocidaire en liberté
• Pour la libération et ré-apparition des 30.000 camarades détenues et disparues
• Il y en a assez de l’impunité des réformes et de la répression de Macri et de ses complices
• Justice pour Santiago Maldonado et Rafael Nahuel
• Non au permis de tuer de la police
• Assez des réformes et de la répression du gouvernement national et des gouverneurs
• Liberté pour les prisonniers politiques. Non à la persécution d’ Arakaki, Ponce et Romero. L’arrêt des procès de militants !
• Réapparition de Jorge Julio López vivant
• Ouverture de toutes les archives. Restitution des enfants enlevés nés en captivité
• Pour tous les droits des femmes
• Non au paiement de la dette extérieure

 
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