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La Izquierda Diario
29 de mars de 2018 Twitter Faceboock

Interview de Nacer, gardien de HLM et délégué CGT
Pour mieux privatiser ses HLM, la mairie de Saint-Ouen s’acharne sur un délégué CGT
Flora Carpentier

La cabale menée depuis des mois par le maire de Saint-Ouen William Delannoy (UDI) contre Nacer Bengaraali, gardien d’immeuble du parc de logement social de Saint-Ouen et délégué CGT depuis des années, n’est autre qu’un acharnement insupportable contre un travailleur combatif. En effet, Nacer et ses camarades luttent contre les ravages de la privatisation rampante du parc HLM de cette ancienne ville ouvrière de Seine-Saint-Denis en proie à la gentrification. Menacé de révocation de la fonction publique, Nacer passait en conseil de discipline le 23 mars. Nous l’avons interviewé.

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Il semblerait que le maire de Saint-Ouen soit prêt à tout pour se débarrasser des obstacles à ses opérations immobilières. Il faut dire qu’il n’a pas encore digéré l’opposition du ministère du logement à la fusion-vente de l’OPH de la ville avec la société d’économie mixte de Saint-Ouen, la SEMISO, en novembre dernier. Cela ne l’a pas empêché de transférer l’ensemble des salariés vers la SEMISO en janvier 2018. « Après le rachat de l’OPHLM par la SEMISO, par la suite invalidé, j’ai été muté à la mairie puis à la SEMISO, et là je suis passé en contrat de droit privé », raconte Nacer. « A l’époque j’étais en pleine négociation avec la direction pour la préservation de nos acquis, mais ils ne voulaient rien savoir. Ils voulaient clairement se débarrasser de moi, et ont été jusqu’à m’accuser de harcèlement d’une collègue, ce qui était complètement faux. J’ai été licencié de la SEMISO dont le président est le maire, pour soi-disant « faute grave », sans aucune justification. Alors je les ai attaqués aux Prud’hommes pour licenciement abusif. Comme leur dossier était vide, la SEMISO a obtenu un délai pour fournir des pièces, et l’audience aux prud’hommes aura lieu le 19 novembre 2018.

Comme je suis fonctionnaire, après mon licenciement de la SEMISO, j’ai été renvoyé automatiquement vers la mairie. Et c’est là que j’ai reçu un courrier m’annonçant que le maire voulait me révoquer. C’est à ce titre que je suis passé en conseil de discipline le 23 mars ». Le conseil de discipline a été éprouvant mais Nacer s’en sort bien, le magistrat ayant reconnu qu’il avait bien joué son rôle de délégué syndical et que les raisons évoquées pour le licenciement n’étaient pas fondées.

La provocation : muté au fond du cimetière

« En attendant le conseil de discipline, j’ai été mis à pied conservatoire, le maire voulant s’assurer de ne pas avoir affaire à moi. Mais ils ne pouvaient pas me garder en mise à pied au-delà de 4 mois sans motif, du coup, ils ont été obligés de m’affecter à un poste. Et là ça a été la provocation : j’ai reçu un mail m’annonçant que suite à ma demande, ma candidature de gardien au cimetière était acceptée. Je n’ai jamais demandé ce poste ! Le message suivant, on m’explique qu’il s’agit d’un poste d’agent d’entretien. On me demande de m’y présenter, j’y vais, et là ils m’envoient tout au fond du cimetière et ils me demandent d’aller d’un bout à l’autre du cimetière avec une pioche pour désherber les tombes. J’étais isolé tout seul au fond du cimetière… et on m’a expliqué que quand j’arriverai à l’autre bout du cimetière à la fin de la semaine, j’étais bon pour repartir au point de départ. Je n’ai pas tenu le coup, je me suis dit c’est pas possible ce boulot, ça va me rendre fou, je vais finir par parler aux tombes ! Le lendemain j’étais en arrêt maladie.

La mairie renchérit et intente une procédure d’expulsion locative de Nacer et sa famille

« Mais ils ne se sont pas arrêtés là, et pour me mettre encore plus la pression, ils ont demandé l’expulsion de mon logement SEMISO, où j’habite avec ma femme et mes trois enfants depuis 2012, au prétexte que le bail ne serait pas valable, ce qui est complètement faux puisque j’ai un bail signé par toutes les parties. Je passais donc en jugement le 20 février dernier dans le cadre de ma procédure d’expulsion, mais ils n’avaient par les pièces nécessaires dans leur dossier, du coup le procès a dû être reporté au 3 avril. Tout ça n’a pas de sens, ils savent qu’ils vont prendre mais ça leur est égal puisque leur but c’est juste de stresser les gens, nous mettre la pression. Ils veulent faire un exemple, ils ne veulent pas me lâcher. »

Le fond de l’affaire : se débarrasser d’un délégué syndical combatif

Cet acharnement syndical ne peut pas être compris autrement que par l’engagement de Nasser depuis plus de 10 ans en tant que délégué syndical CGT : « On s’est battus pour nos salaires, pour des tickets restaurants, contre les baisses d’effectifs… et le pire c’est qu’ils n’ont même pas besoin de licencier puisqu’ils mettent tellement la pression aux gens qu’ils les poussent à partir. Mais avec la fusion HLM-SEMISO là c’était le coup fatal. Le maire disait qu’il allait y avoir de l’embauche mais je disais à mes collègues que c’était pas possible, ce serait bien la première fois où on verrait une fusion qui permettrait d’embaucher 80 personnes. Pour moi c’était une évidence que c’était du pipeau, et c’est ce que je disais à mes collègues, et ça ne plaisait pas à la direction. Il fallait me virer le plus rapidement possible, parce qu’il y avait une vraie colère à la SEMISO après le transfert des salariés en janvier. Tous les acquis sociaux pour lesquels on s’est battus depuis 15 ans, ils n’ont plus rien ! Le treizième mois, les primes, les NAO, ils n’ont plus rien, que leur salaire ! Avant, les gardiens avaient 25 heures supplémentaires payées en tant que telles, elles leur ont été retirées.

Du coup il y a eu une journée de grève massive le 30 janvier, où même des salariés que je n’avais jamais vu faire grève en 17 ans ont débrayé. Sur les 150 salariés de la SEMISO, il y avait 82 grévistes ! Puis le 13 février il y a eu une nouvelle action pour faire la pression sur les négociations en cours, et prochainement il devrait y avoir de nouvelles journées de grève. Les salariés sont très remontés. »

 
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