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La Izquierda Diario
26 de avril de 2018 Twitter Faceboock

USA. Ce que signifie, réellement, la visite d’Etat du président français
Derrière les marques de tendresse entre Trump et Macron… l’insignifiance du rôle de la France
Juan Chingo

Macron a eu droit à trois jours sous les feux de la rampe, aux USA. Il a été le premier président à être reçu de la sorte par Trump qui a déployé, pour lui, le « plus rouge des tapis rouges ». Mais derrière ces poignées de mains chaleureuses et ces embrassades viriles entre les deux pôles du bonapartisme contemporain, l’un nationaliste, l’autre « globaliste », des deux côtés de l’Atlantique, se cache autre chose : l’insignifiance complète du rôle de la France sur l’échiquier géopolitique mondial, et ce par-delà les apparences.

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[Crédit photo / La Presse canadienne / AP / Pablo Martinez]

La presse française se rengorge et s’enorgueillit du fait que Macron serait l’interlocuteur de Trump sur le Vieux continent. La réalité est bien distincte. En fait, la France n’a pas grand-chose à apporter pour le chef de la Maison Blanche. En Syrie, la France n’est qu’un acteur mineur et son intervention n’a été que des plus limitées, au cours des dernières frappes contre le pays. Au niveau européen, c’est Berlin qui commande, et non Paris. En témoigne la façon dont le plan de réforme de Macron achoppe sur les obstacles placés par la nouvelle coalition, au pouvoir, à Berlin. L’enjeu est ailleurs. En réalité, le président français a été un jouet dans les mains de Trump, contre la politique européenne, notamment allemande. Il suffit de penser au retournement soudain de Macron sur la question de l’accord iranien pour s’en persuader.

Alors que CNN et la grande presse américaine critiquent le président étatsunien, Macron et lui se sont mis d’accord sur une question fondamentale : « le traité sur le nucléaire iranien n’est pas bon ». Sans même savoir ce que Trump fera de l’accord actuel, signé sous Obama, les deux présidents français et étatsunien ont décidé de travailler à un « accord plus large » incluant le programme nucléaire à long terme, les activités balistiques de Téhéran ainsi que son influence et sa présence dans la région, notamment en Syrie. Il s’agit de la même liste d’exigences qui avait été posée par Netanyahu, le premier-ministre israélien.

Comme le souligne Jean-Dominique Merchet, spécialiste en questions militaires, Macron a cédé sur toute la ligne au chantage trumpien : « en réalité, la diplomatie française, et au-delà européenne, a été prise en otage par Donald Trump. Habilement, en janvier dernier, le président américain a demandé aux Européens (France, Royaume-Uni et Allemagne) de ‘réparer’ (to fix) un accord qu’il juge toujours ‘désastreux’ et ‘terrible’. Sans quoi, il le dénoncerait le 12 mai, date butoir imposée par la législation américaine. Emmanuel Macron avait alors deux possibilités : refuser ce chantage ou l’accepter. Il l’a accepté, persuadé de sa capacité personnelle à ramener son interlocuteur à de meilleurs sentiments ».

Voilà ce que ramène Macron dans sa besace : pas grand-chose. En un clin d’œil, le locataire de l’Elysée a tout simplement renoncé au processus diplomatique multilatéral qui n’avait pas seulement permis de faire parler d’une seule et même voix ainsi que de concilier les intérêts des puissances européennes et des Etats-Unis mais également de la Chine et de la Russie. Cette volte-face est également un soufflet imposé au président iranien Rohani. Ce dernier tablait en effet sur une amélioration, à la suite de la consolidation des accords, de la situation économique iranienne, très critique, et ce pour contrer son opposition interne, la ligne dure du régime théocratique, qui l’accuse d’avoir bradé la souveraineté du pays.

D’un côté, l’Iran applique à la lettre les termes de l’accord passé en juillet 2015, ce que reconnaît l’Agence Internationale de l’Energie Atomique elle-même. Néanmoins, de l’autre, le Trésor américain continue à faire pression sur les banques européennes pour bloquer les investissements étrangers en Iran ainsi que le développement des échanges commerciaux. Cela porte évidemment préjudice à toute une série de grands groupes français, à commencer par Total.

La visite de Macron aux Etats-Unis, c’est tout le contraire de l’autonomie géopolitique. C’est l’exact opposé de ce qu’a pu incarner de Gaulle pendant la Guerre froide. Depuis Mitterrand, en réalité, en passant par Sarkozy et Hollande jusqu’à, aujourd’hui, de façon encore plus caricaturale dans la mise-en-scène, Macron, la France courbe de plus en plus l’échine face aux exigences étatsuniennes, si l’on met de côté la brève parenthèse chiraquienne au début des années 2000, lorsque Villepin avait pu s’opposer à la politique de Washington contre l’Iraq. Mais comme le conclut Jean-Dominique Merchet, la réalité est que « pour éviter une crise transatlantique et ne pas rejouer le scénario Chirac vs Bush de 2003, Emmanuel Macron a refusé l’épreuve de force ». Tout le contraire, donc, que ce que l’on a bien voulu nous présenter en boucle, sur les chaînes d’info en continu, pendant trois jours.

 
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