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La Izquierda Diario
4 de mai de 2018 Twitter Faceboock

Paris-Nord ne se laisse pas faire !
Fichage des grévistes : la SNCF recule après que les cheminots aient envahi les bureaux de la direction régionale
Cléo Rivierre

À l’Assemblée Générale des grévistes de Paris-Nord jeudi matin, les cheminots ont appris l’existence d’un mail interne demandant aux cadres de répertorier les agents actifs sur les réseaux sociaux. En plein période de grève, cette opération de fichage des salariés n’allait pas rester lettre morte pour les cheminots, qui ont donc décidé de manifester dans la gare du Nord, puis de se rendre dans les bureaux de la direction régionale afin de demander l’annulation de cette missive, forçant la SNCF à reculer.

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Un mail de fichage des activités des agents sur les réseaux sociaux

Jeudi matin, les cheminots réunis en AG à Paris-Nord apprenaient l’existence d’un mail interne demandant explicitement le fichage des agents actifs sur les réseaux sociaux. Ce mail, envoyé par la référente communication de la SNCF Paris-Nord, demandait aux référents communication de la SNCF Paris-Nord de la région de répertorier les agents actifs sur les réseaux sociaux, leurs noms et leurs pseudos.

La grève des cheminots battant son plein, ce mail représente clairement une opération de fichage organisé des salariés, de récupération d’informations de leurs vies privées, et surtout de l’activité qu’ils et elles pourraient éventuellement développer en ce qui concerne la grève. Dans un communiqué, SUD Rail dénonçait le fait que la SNCF soit « prête à constituer des listes d’agents en dehors de toute déclaration à la Cnil et à porter atteinte aux libertés individuelles des cheminots ».

Les cheminots ont toutes les raisons de se méfier : la répression de salariés à travers les réseaux sociaux est un phénomène réel. En effet, les patrons n’hésitent pas à licencier « pour trois fois rien », particulièrement quand il s’agit de grévistes ou de fortes têtes à réprimer. À titre d’exemple, en 2008, trois salariées de la société Alten ont critiqué sur Facebook leur hiérarchie et la direction des ressources humaines, ce que la direction a utilisé afin de les licencier pour « incitation à la rébellion et dénigrement ». Bruno Poncet, secrétaire fédéral de SUD Rail, voit dans ce fichage une opération de « tri des bons et des mauvais agents » et de « criminalisation du mouvement syndical ». Il ajoute : « Ils font ça pour préparer la suite, pour déterminer par exemple les "bons" cheminots qui pourront aller travailler dans les entreprises privées ».

Les cheminots ne se laissent pas faire !

La révélation de ce mail a mis le feu aux poudres ce jeudi à Paris-Nord et les 200 cheminots réunis en AG ont décidé de manifester dans la gare du Nord, puis de se rendre dans les bureaux de la direction régionale afin de demander l’annulation de cette missive.

Une fois dans les bureaux, les cheminots ont demandé des explications au directeur des ressources humaines. Ainsi, Anasse, délégué SUD Rail, interpelle le DRH : « vous avez joué, au moment des grèves de ONET, en envoyant des milices d’intérimaires, avec des policiers, le soir, à Saint-Denis. On vous a déjà interpellé plusieurs fois sur ça ! Donc vous nous envoyez des casseurs de grève. Vous envoyez des gens qui envoient des mails pour dire : qui est sur facebook, qui est actif. Vous jouez à un jeu dangereux ! On est en train de se battre pour l’ensemble des cheminots, vous y compris. Et si vous vous battez pas, ne nous empêchez pas de nous battre. On ne va pas tolérer une seule seconde que nos camarades restent fichés. Donc ces mails-là, on les veut. On veut les fichiers avec les noms des mécanos qui ont été fichés sur facebook ! »

Largement applaudi et salué par les cheminots présents, il continue : « On connaît les méthodes, on commence à avoir l’habitude. Si il y a le moindre camarade qui est sanctionné pour un statut facebook quel qu’il soit, sur n’importe quel groupe, on reviendra, on sera encore plus nombreux et on lâchera rien ! » Le DRH, quant à lui, assure qu’« il n’y a pas et il n’y aura pas de fichier constitué » et que cette demande de recension facebook « n’a rien à voir avec la grève », affirmant que le mail aurait été « sorti de son contexte ».

La SNCF tente de se dédouaner mais est forcée de reculer

Ainsi, la direction de la SNCF a été forcée de réagir par un communiqué (envoyé aux seuls responsables syndicaux et non à tous les cheminots de la région comme le demandaient les grévistes de Paris-Nord) :

Mesdames, Messieurs les Secrétaires régionaux,

Dans la continuité du communiqué de presse en objet de ce matin, certains d’entre vous m’ont interpellé sur le message de la jeune chargée de communication de l’ETNP, qui souhaitait connaître les agents « actifs sur les réseaux sociaux ».

Je vous confirme que je condamne cette initiative locale, par ailleurs très maladroite dans les termes, qui, pour l’intéressée, visait à constituer une communauté d’agents actifs sur les réseaux sociaux, dans le but de favoriser l’échange sur l’actualité de l’entreprise et de la région de Paris Nord.

En outre, aucune autre initiative de ce type n’a été prise dans les autres établissements de notre région et je vous confirme qu’aucun fichier n’a été ou ne sera constitué.

Par ailleurs, je vous confirme mon attachement au respect du strict cadre législatif et judiciaire en la matière, et plus particulièrement aux prescriptions de la CNIL.

A cet égard, un guide de sensibilisation des agents à l’usage des réseaux sociaux avait d’ailleurs déjà été diffusé en 2017, visant à expliquer les règles d’usage dans ce domaine.

Fort de cette expérience récente, je viens de demander à tous les directeurs de rappeler à nouveau avec insistance ces règles éthiques à l’ensemble de l’encadrement.

J’espère que mes propos de ce midi et ce message seront de nature à vous rassurer et à apaiser la situation.

Bien à vous.

STÉPHANE GHAZARIAN

Directeur des Ressources Humaines

SNCF MOBILITES - DIRECTION REGIONALE DE PARIS NORD

Le DRH se dédouane totalement de ces pratiques scandaleurs, remettant la faute sur « une jeune chargée de communication ». Comme le faisaient remarquer les syndicalistes lors de l’envahissement des bureaux, le discours de la direction dans ce genre de cas est toujours de remettre la faute sur d’autres. Bruno Poncet, secrétaire fédéral de SUD Rail, fait remarquer avec beaucoup de justesse et d’ironie : « Ce n’est certainement pas pour répertorier les cheminots qui publient des photos de leur chat ». Il est peu probable que cette « initiative locale » soit le seul fait d’une chargée de communication isolée ; de plus, il a fallu attendre que SUD Rail rende ce mail public puis envahisse les bureaux de la SNCF pour avoir une réponse et une « condamnation » de ces pratiques de la part de l’entreprise.

Alors que Paris Nord apparaît comme une des pointes avancées de la mobilisation cheminote, avec des assemblées générales décisionnaires et le vote d’un mouvement reconductible, la direction, consciente que les réseaux sociaux peuvent être un outil efficace pour la lutte, entendait garder à l’oeil les cheminots les plus ouvertement engagé dans la bataille du rail. Mais grâce à cette action coup de poing exemplaire, les cheminots de Paris-Nord ont réellement mis la direction en position de faiblesse et ont instauré un rapport de force, forçant la SNCF à reculer.

 
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