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La Izquierda Diario
30 de mai de 2018 Twitter Faceboock

Comment vaincre l’extrême-droite en Allemagne ?
A Berlin, 50 000 personnes s’opposent à la manifestation appelée par l’extrême droite

Dimanche dernier dans les rues de Berlin. 50 000 manifestant-e-s se sont opposés à une faible mobilisation de l’AFD (Alternative für Deutschland). Entre perspectives autonome, libérale, réformiste et hédoniste, les travailleur-euse-s et militant-e-s sont également descendus dans la rue, montrant un chemin cohérent dans la lutte contre le glissement vers la xénophobie et l’extrême-droite d’une partie toujours plus importante de l’électorat allemand.

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Ecrit par Sören Luxbach et traduit par Sophia S.

Des chants, des sifflets et des basses en plein essor ont noyé une colonne de nationalistes droites avec leurs slogans monotones "Merkel-Muss-Weg" (‘’Merkel doit s’en aller’’). Dimanche à Berlin, l’Alternative pour l’Allemagne(AfD) avait appelé à une manifestation nationale sous le slogan de "Zukunft Deutschland" (‘’future Allemagne’’). Plus de 10 000 étaient présentes du côté des identitaires. Il faut dire que l’AFD avait décidé d’augmenter la cagnotte offerte aux personnes envoyant leurs selfies devant la porte de Brandebourg, de 25 à 50 euros. Une pratique clientéliste qui a rameuté 5 000 personnes selon la police. Deux fois plus selon des observateurs indépendants.

Face à la manifestation de l’AFD, une contre-manifestation s’est organisée, d’horizons divers mais réunis pour s’opposer à ce que l’extrême-droite batte le pavé à Berlin, la capitale. 25 000 selon la police ; chiffre largement repris dans les médias, y compris par le quotidien de gauche libérale « Taz » qui n’a pas fait exception. Déjà dans l’après-midi, les organisateurs-ices de l’Alliance de Berlin contre la droite se sont prononcés et après avoir additionnés les données des 13 différentes manifestations enregistrées, sont arrivés au nombre de 72 000 participant-e-s. Comme prévu, ce chiffre est beaucoup plus proche de la réalité que les rapports de police, mais même avec une estimation plus prudente, au moins 50 000 personnes se sont mobilisées.

L’Allemagne mal-aimée

Les thèmes déclinés par le parti nationaliste sont désormais bien connus : l’immigration, l’"aliénation", opposition aux partis établis dont l’AFD prétend se distinguer, rejet de l’euro et des appels au rapprochement avec la Russie. La foule, si souvent marquée par des hommes blancs aux cheveux gris et des drapeaux allemands, comprenait aussi des membres du mouvement PEGIDA isolés à l’intérieur et la jeunesse proto-fasciste du "Mouvement identitaire". Outre le chef du parti Jörg Meuthen, le vice-président Albrecht Glaser et l’aile droite berlinois Georg Pazderski ainsi que les figures de proue Beatrix von Storch et Alexander Gauland ont pris la parole sur le podium. Von Storch s’en ait pris au footballeur national Mesut Özil, qu’il souhaite exclu de l’équipe nationale, tandis que Gauland grondait de l’extérieur contre les sifflets et les slogans de plus en plus forts et faisait campagne pour "l’amour pour les Allemands" jusqu’à ce que son discours soit interrompu par un activiste escaladant les tours des stands.

Entre-temps, 120 différentes organisations étaient représentées de l’autre côté afin de se positionner contre la droite. En plus du rassemblement central sur la prairie du Reichstag sous la devise "Stop à la haine- Stop l’AfD", 12 autres événements et manifestations ont été enregistrés. Il s’agit, par exemple, de deux points de rassemblement, qui ont servi de points de départ à des blocus, ou de manifestants sur des bateaux et des radeaux le long de la Route des nationalistes, des manifestations théâtrales et artistiques, notamment les clubs berlinois qui ont saisi la chance pour également se prononcer contre le processus de marchandisation enclenché à leur encontre. Une partie, parmi les plus déterminés, des contre-manifestants avaient planifié de bloquer les axes empruntés par la marche de l’AfD. La police, protégeant les cortèges de l’extrême-droite a régulièrement empêché toute tentative de percée ou de blocage par une répression féroce, à grand coup de gaz lacrymogène.

Des travailleurs combatifs contre la montée de l’Extrême-droite

En plus de toutes sortes de formes d’expression "colorées" telles que les voitures à haut-parleurs, des collègues militants d’une grande variété de salariés se sont impliquées dans les actions, en s’opposant concrètement au programme anti-femme, anti-trans, raciste, néolibéral et donc aussi anti-travailleur de l’AfD. Dans un des blocs des travailleurs, on pouvait voir le collectif de TVStud (étudiants-travailleurs dans les universités) et VSG (Vivantes Service Gesellschaft GmbH, secteur de la santé), avec des bannières affichant : "Conquérir TVStud, se battre contre le virement à droite" et "Racisme ? Sexisme ? Précarisation ? GRÈVE !“. Une belle unité interentreprises, et des revendications alliant la lutte contre la xénophobie et le racisme de l’extrême-droite, et la lutte pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des salariés en Allemagne pour la combattre : car c’est bien l’accroissement de la précarité, l’appauvrissement croissant, organisés par les réformes du marché du travail par les lois Hartz dans les années 2000, qui sont à la source de la montée de l’extrême-droite parmi les rangs des salariés en Allemagne.

Par sa propagande, l’AfD s’attaque de façon répétée aux problèmes concrets des "petits gens", c’est-à-dire des gens de la classe ouvrière, et exploite ainsi non seulement le déclin ressenti et réel des couches petite-bourgeoises de la société, mais aussi les préoccupations concrètes et réelles des travailleurs-euses. Mais elle déforme complètement le contexte de ce déclin avec l’agitation raciste contre les migrants, le nationalisme et la désinformation.

La véritable cause de cette misère est le capitalisme néolibéral en déclin, dont les profits proviennent encore et encore uniquement du sang et de la sueur des travailleur-euse-s. En principe, les capitalistes ne se soucient pas de la nationalité ou du sexe de la main-d’œuvre qu’ils exploitent, à moins qu’ils puissent être utilisés pour la poursuite de leur domination par l’agitation et l’oppression. Et plus les tendances à la crise de ce néolibéralisme mourant s’intensifient, plus le capital exploitera de manière flagrante pour s’accrocher à son pouvoir. En cas de mouvement ouvrier qui mettraient en péril les intérêts de la classe dirigeante, ils n’hésiteront pas à se servir des branches fascistes qui existent au sein de l’AfD pour maintenir leur pouvoir jusqu’à la dernière goutte de sang.

Comment lutter contre l’extrême-droite en Allemagne ?

Ce serait donc trop maladroit de se limiter au grand succès de mobilisation contre l’extrême-droite. Tout comme les protestations réussies du #NoPAG (protestation contre une nouvelle loi policière dans la région de la Bavière) l’ont montré, il y a un malaise croissant de la gauche face aux conditions insoutenables dans ce pays et une volonté accrue de l’exprimer dans la rue. Mais nous devons d’autant plus nous préparer et faire prendre conscience que la lutte contre la misère est une tâche quotidienne dans des luttes concrètes. Ceux qui mettent en œuvre quotidiennement une grande partie du programme AfD sont au gouvernement fédéral et des États depuis des décennies et ils nous réservent beaucoup plus de répression et d’exploitation qu’auparavant.

Au lieu d’une juxtaposition de "coloré et brun" ou "87 pour cent" contre "13 pour cent des citoyens-ennes" (faisant référence aux 13 % de votes qu’a obtenu aux dernières élections en 2017), nous avons besoin d’une perspective de classe claire, c’est-à-dire un soutien concret pour les luttes quotidiennes de notre classe de salarié-e-s contre les capitalistes, qui sont toujours aussi des luttes contre le racisme et le patriarcat.

À Berlin, ce sont des luttes concrètes comme celles qui se déroulent actuellement dans les universités et les hôpitaux, qui ont besoin de soutien des militants de gauche, anti-racistes, féministes, progressistes. Dans chaque soutien apporté dans la guerre à la précarité croissance, il y a un espace pour renverser le discours et montrer que la lutte contre les exploiteurs ne peut se faire sans une véritable lutte contre l’extrême-droite.

 
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