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4 de juin de 2018 Twitter Faceboock

Loi ORE
Parcoursup aggrave les inégalités de genre à l’entrée à l’université
Ariane Anemoyannis

Parcoursup, la nouvelle plateforme d’accès à l’université initiée par la Loi ORE, en plus d’aggraver la sélection sociale aux portes de l’enseignement supérieur, approfondit les inégalités de genre. Ces deux types de sélection, sociale et genrée, sont d’ailleurs encore une fois fortement imbriquées.

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Crédits photo : iStock

Au-delà de la question de l’enseignement supérieur, la socialisation dite genrée inculque des rôles différents pour les hommes et les femmes dès la naissance. Cela implique un panel de valeurs différencié vers lesquelles doivent tendre les femmes d’un côté et les hommes de l’autre. Ainsi, celles-ci intègrent dès le plus jeune âge l’inégalité genrée comme étant la norme, et cela les pousse à se penser moins compétentes que les hommes notamment au niveau intellectuel.

Si l’enseignement supérieur leur est ouvert, les femmes s’orientent donc majoritairement vers les filières non investies par les hommes, et qui mènent généralement à des postes moins prestigieux

Pire, au-delà de l’inégal accès à l’université, les femmes ont moins de chance de finir leurs études, car elles subissent des pressions importantes tout au long de leur cursus. Tout d’abord, les pressions familiales peuvent pousser à l’arrêt des études au profit d’une vie plus « rangée » et moins intellectuelle. Aussi, les femmes en étant largement confrontées à la précarité, sont contraintes de trouver des emplois en dehors des cours, ce qui peut à la fois les mettre en échec scolaire par manque de temps et épuisement, mais aussi les pousser vers la sortie dans l’espoir d’une vie moins précaire et instable. Enfin, comme en témoignent les divers pages Facebook telles « Paye ta fac », le harcèlement sexuel est extrêmement répandu à l’université, qui par sa structure hiérarchique et son idéologie élitiste, favorise ce genre de comportement et l’omerta qui l’entoure.

Aggravation de l’exclusion des filles de l’enseignement supérieur par Parcoursup

Comme dit précédemment, l’auto-censure est une arme de destruction massive des ambitions des lycéennes quant à leur orientation post-bac. Cependant, Parcoursup tend à accentuer ce phénomène en introduisant de nouveaux obstacles à l’insertion des filles dans l’enseignement supérieur, surtout si le cursus est élitiste. Des questionnaires cherchent par exemple à « inciter les élèves à des choix réfléchis », ce qui équivaut finalement à doubler les logiques d’exclusion par la dissuasion et l’auto-censure.

Également, le rapport au savoir étant intégré par l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur, les professeurs et les parents à moins de s’opposer fermement à Parcoursup, seront des vecteurs d’aggravation des inégalités de genre. En effet, par la complexification des modalités d’inscription que ce système entraine, l’élève perd en autonomie et une grande place est faite aux professeurs et aux parents pour faire le choix le plus « judicieux ». Ainsi, une lycéenne qui se sentirait capable de postuler pour une filière sélective risquera d’en être dissuadée par ses parents, qui, imprégnés eux-aussi des stéréotypes genrés, l’encourageront à choisir des filières plus féminisées et donc moins reconnues. Ou alors, par la sélection introduite par Parcousup, inquiets de l’élitisme de celle-ci, ils préfèreront l’orienter de manière stratégique vers des études moins concurrentielles.

L’amendement du sénateur LR J. Grosperrin renforce d’autant plus cette tendance. En indexant le nombre de places par filières sur le nombre de débouchés professionnels, les lycéennes, hormis celles dotées d’un capital économique et social leur permettant de postuler pour des filières plus élitistes, risquent de voir la sélection s’accentuer aux portes de l’enseignement supérieur. En effet, dès lors que ces dernières s’orientent plutôt vers des études moins prestigieuses, elles ont moins rapidement et moins fréquemment accès au monde du travail par rapport aux étudiants de filières sélectives. Ainsi, les bacheliers visés par l’amendement sont en fait majoritairement des femmes, qui voient les places de leurs filières de prédilection grandement diminuer.

Enfin, la réforme du Baccalauréat, complémentaire à celle de l’accès à l’université, prévoit de multiplier les spécialisations dès le lycée à des fins de meilleure employabilité. Cela aura pour conséquence d’exclure plus encore dès le lycée les femmes des perspectives d’enseignement supérieur en les orientant vers des parcours ultra spécialisés.

Imbrication entre exclusion genrée et exclusion sociale

Si les femmes seront toutes touchées par Parcoursup, c’est principalement celles venant des classes populaires qui en pâtiront. Ce sont elles qui ont rarement de perspectives dans les filières prestigieuses et qui donc s’orientent habituellement vers celles qui seront progressivement supprimées par le nouveau système du fait d’un manque de débouchés professionnels. Avec cela, la hiérarchisation des lycéens selon leur établissement de provenance finira d’exclure des facs de prestige les filles des quartiers populaires.

Ensuite, sélections genrée et sociale se confondent. En effet, la sélection sociale qu’instaure cette réforme s’abat majoritairement sur les femmes car ce sont elles qui dans les classes populaires s’orientaient le plus vers l’université, tandis que les hommes choisissaient dès la sortie du collège des filières professionnels et technologiques. Les lycéens populaires qui sont censés être exclus de l’université sont donc majoritairement des lycéennes. Cela est très préoccupant sachant que les voies post-bac alternatives à l’université sont très limitées pour elles, puisqu’en raison de la scolarisation genrée, sont à nouveau perçues comme plus masculines.

Parcoursup réduit donc les maigres possibilités d’émancipation que les femmes avaient acquis à travers l’université bourgeoise lorsque celle-ci avait daigné s’ouvrir à elles.

 
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