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La Izquierda Diario
5 de juin de 2018 Twitter Faceboock

Contre l’austérité, le FMI et la hausse des prix
Jordanie. Grève générale et mobilisations font tomber le premier ministre
Philippe Alcoy

Après une grève générale la semaine dernière et des mobilisations massives pendant plusieurs jours contre des mesures anti-populaires, le premier ministre jordanien a dû démissionner. Alors que le mouvement ne s’arrête pas, il s’agit d’un avertissement pour les gouvernements de toute la région.

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L’annonce d’une loi qui allait faire monter les impôts des classes populaires de 5 % a été la goutte qui a fait déborde le vase. En effet, depuis 2016, quand la Jordanie a passé un accord avec le FMI pour l’obtention d’un emprunt de 723 millions de dollars, les travailleurs et les classes populaires jordaniennes subissent une forte hausse des prix de produits de la vie quotidienne. En tête de ces produits on retrouve le pain, le gaz mais aussi l’électricité.

L’ex-premier ministre, Hani Mulki, a été nommé à la tête d’un « gouvernement technique » en 2016 pour mener des contre-réformes anti-populaires dans un pays avec très peu de ressources naturelles, très peu de terres cultivables et dépendant des aides internationales pour le développement, notamment des États-Unis – un allié central du pays – mais aussi de l’Arabie Saoudite et les pétromonarchies du Golf comme les Émirats ou encore le Qatar.

Cette dépendance de l’aide internationale est d’autant plus marquée aujourd’hui que le pays a accueilli autour de 660 000 réfugiés syriens (près de 7 % de sa population totale). C’est aussi dans ce cadre que s’inscrit le prêt du FMI. Mais la « solidarité internationale » a des limites et cet emprunt était conditionné aux dures mesures d’austérité et d’attaques contre les classes populaires.

(Carte : Geopolitical Futures)

Cependant, ces mesures ont souvent dû être retirées ou le gouvernement a dû reculer partiellement pour éviter l’explosion sociale. La Jordanie a connu rarement des mouvements sociaux de cette ampleur, le régime essayant en permanence de garder un certain équilibre. A titre d’exemple, depuis 2016 il y a eu six remaniements du gouvernement.

Mais cette fois c’en était trop et les travailleurs ont réagi. Les syndicats du pays ont appelé mercredi dernier à une grève contre l’augmentation des impôts pour les plus démunis et contre l’inflation. La grève a été très suivie et depuis, tous les soirs, des manifestations massives ont lieu à Amman, la capitale, mais aussi dans d’autres villes. La colère populaire s’est répandu d’autant plus que le lendemain de la grève le gouvernement n’a eu meilleure idée que d’annoncer une augmentation de 5,5 % du prix de l’essence et de 19 % du prix de l’électricité.

L’ampleur de la contestation a finalement eu raison du premier ministre. Dans la foulée, le régime a annoncé qu’il annulait les augmentations de l’essence et de l’électricité mais maintenait la hausse des impôts. Selon la presse, le roi Abdullah II aurait demandé au ministre de l’éducation, Omar al-Razzaz, un ancien économiste de la Banque Mondiale formé à Harvard, de former un nouveau gouvernement.

Alors que traditionnellement le roi utilise la démission des premiers ministres et des ministres pour canaliser la colère sociale, cette fois cela ne semble pas marcher, au moins pour le moment. Ainsi, les manifestants ont continué à descendre dans la rue après la démission de Mulki et les syndicats ont annoncé qu’ils maintenaient l’appel à la grève pour ce mercredi, car le gouvernement n’a toujours pas retiré son projet de loi visant à augmenter les impôts des travailleurs.

Il reste à voir si le mouvement s’approfondit ou si finalement la monarchie arrive à le canaliser, ce qui semble aujourd’hui une tâche très difficile. Cependant, le plus significatif c’est ce que la mobilisation en Jordanie peut être en train d’annoncer sur les futures crises sociales dans les pays de la périphérie capitaliste : des mobilisations contre les hausses des prix des produits de base et des services, contre les impôts régressifs, contre le chômage et les mesures d’austérité dictées et imposées par des organismes internationaux tels que le FMI.

Ces types de mobilisations, on les a déjà vues récemment en Tunisie, au Maroc, en Égypte mais aussi à sa façon en Iran. Ce type de mobilisation menace également la Turquie où la situation économique se dégrade de plus en plus avec une monnaie fortement dévaluée au cours des derniers mois et où les prix des produits de première nécessité menacent d’exploser. Au-delà de la région on peut évoquer également les difficultés sociales, politiques et économiques en Amérique latine, notamment en Argentine où le gouvernement vient de faire appel au FMI.

Même si d’un point de vue économique la Jordanie est un pays très faible et dépendant, d’un point de vue géopolitique c’est un élément clé de la politique impérialiste dans la région. Amman est un allié très important des États-Unis mais aussi d’Israël et de l’Arabie Saoudite. Elle est incluse dans le « club » de régimes réactionnaires sur lesquels comptent les puissances impérialistes pour maintenir l’ordre de spoliation et d’oppression au Moyen-Orient. La déstabilisation sociale et politique dans ce pays ne peut qu’être une mauvaise novelle pour ses alliés.

Une mention spéciale est méritée pour le rôle des syndicats jordaniens dans cette mobilisation par rapport à d’autres monarchies de la région. En effet, au vu de la grève et les mobilisations contre les mesures anti-populaires du gouvernement et le rôle que des syndicats peuvent y jouer, il n’est pas étonnant que les pétromonarchies interdisent tout type d’organisation des travailleurs, qu’elles maintiennent dans un état de semi-esclavage leur main d’œuvre (majoritairement étrangère), sans pratiquement aucun droit politique et social. Le soulèvement des masses, notamment de la classe ouvrière, a toujours été (et reste) la hantise de ces régimes réactionnaires dont l’impérialisme a été un soutien fondamental.

La mobilisation actuelle en Jordanie montre que la classe ouvrière dans cette région va encore faire parler d’elle mais surtout démontre que ce sont les travailleurs alliés aux classes populaires les seuls à même de pouvoir offrir des perspectives progressistes.

 
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