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La Izquierda Diario
13 de juin de 2018 Twitter Faceboock

Sur fond de mobilisations et d’occupations de facs et de lycées…
L’Argentine vote ce mercredi le projet de loi sur la légalisation de l’avortement
Julien Anchaing

Ce mercredi 13 juin, plusieurs projets de loi concernant la légalisation de l’avortement seront présentés au congrès argentin. Le débat, qui a pris une ampleur nationale rythmant la vie politique de ces derniers mois, s’est ouvert de nouveau en février dernier. Une situation liée à la volonté du gouvernement de Macri de redorer son blason après avoir imposé une réforme des retraites, qui a généré des mobilisations gigantesques dans tout le pays et un rejet général du gouvernement. La légalisation de l’avortement en Argentine serait une conquête politique sans précédent, en particulier au sein du continent sud-américain où seul l’Uruguay en autorise la pratique.

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crédit : Photo Emergentes

La semaine dernière, l’Irlande était le tout dernier pays à avoir légalisé l’avortement. Cette semaine, l’Argentine pourrait bien lui ravir cette place. Alors que le projet de légalisation de l’avortement a déjà été proposé 7 fois en 7 ans par le Front de Gauche (Frente de Izquierda, FIT) et rejeté unanimement par tous les blocs politiques du congrès, la renaissance de la dynamique du mouvement des femmes en Argentine, qui a eu un impact international autour du phénomène #NiUnaMenos depuis 2015, et la situation nationale du gouvernement, ont forcé le retour la question de l’avortement sur la scène du débat public : cet après-midi, le Congrès argentin va statuer sur le droit des femmes à pouvoir décider de ce qu’elles font de leurs propres corps.

Durant ces derniers mois, dans les rues, les facs, les lycées, les lieux de travail, on a vu se répandre la “vague verte”, la couleur du petit foulard de la campagne pour la légalisation de l’avortement. Il est devenu l’étendard fièrement portée par des femmes de tout le pays. Férocement opposées, les forces les plus conservatrices de la société Argentine, et notamment l’Eglise qui assure sa présence directe dans les instances de pouvoir du pays (à travers des lobbys directement intégrés à l’appareil d’Etat comme le sinistre Opus Dei), travaillent au corps les députés de la nation afin de les influencer.

Face à cela, c’est tout un rapport de force que le mouvement des femmes en Argentine cherche à créer en se mobilisant et en s’organisant car la bataille s’avère serrée. Cette année, le 8 mars a été une journée massive de mobilisation appuyée par de nombreux secteurs de la société et des travailleurs. Parmi le demi-million de personnes présentes à Buenos Aires lors de la manifestation, les ouvrières et ouvriers en lutte de Pepsico, les mineurs de Rio Turbio, les syndicats d’enseignants et les infirmières et travailleuses de l’Hopital Posadas faisaient partie des larges colonnes de secteurs mobilisés pour représenter un 60% de la société argentine disant « oui » à l’avortement légal. Mais comme le rappellent plusieurs femmes sur twitter :

“Parce qu’ils ne nous ont jamais rien offert, et parce que nous savons très bien que les droits se gagnent dans les rues, ce mercredi nous nous mobilisons face au Congrès pour demander #AvortementLégalMaintenant !.”

La conquête du droit à l’avortement serait un coup général porté contre les forces conservatrices du pays et l’Eglise qui luttent quotidiennement contre les droits des femmes. Ces mêmes forces avaient eu pour impact, durant les longues années de gouvernance de Christina Fernandez Kirchner avec laquelle elles s’étaient alliées, la mort de centaines de femmes chaque année en Argentine à travers l’avortement clandestin, majoritairement des femmes de moins de 24 ans. En ce sens, le droit à l’avortement est un droit directement lié à la question de classe : alors que les femmes les plus riches peuvent se permettre de payer des cliniques privées dont les prix oscillent entre 1000 et 1500 euros les 15 minutes d’opération ou peuvent se rendre à l’étranger pour pratiquer l’avortement, les femmes les plus pauvres et précarisées font face à des situations d’extrême difficulté et de mise en danger de leur santé. En ce sens, de nombreuses facultés, comme la fac de Sciences Sociales ont décidé hier soir l’occupation des locaux et le départ en manif demain autour de 12h.

Dans ce contexte, les femmes de l’organisation féministe et socialiste Pan y Rosas participeront aux occupations comme aux mobilisations. Elles défendent l’organisation des femmes depuis leurs lieux de travail, leurs universités, leurs lycées, poussant les syndicats et les centres d’étudiants à se mobiliser pour la conquête d’un droit fondamental pour les femmes. Andrea D’Atri, l’une des figures nationales de l’organisation déclarait ainsi : “Nous demandons à tous les syndicats et à tous les centres d’organisation des étudiants et des lycéens d’organiser des rassemblements pour aller face au congrès [...] Parce qu’aucun gouvernement ne nous a jamais rien offert. Parce que nous ne demandons pas nos droits, nous les gagnons dans la lutte. Parce que bien que ce soit le congrès qui vote notre droit à l’avortement, cela résultera de notre force dans la rue.”

Alors que nous sommes à quelques heures d’un résultat, plusieurs secteurs parlementaires restent indécis. Ce mercredi sera en tout cas une journée marquée par des mobilisations massives dans tout le pays et dans tous les secteurs de la société, en particulier des travailleurs, des étudiants et des lycéens. Une démonstration massive dans la rue de la présence de la classe ouvrière avec les femmes devrait peser dans la balance pour conquérir un tel droit, après des décennies de répression des femmes et de politiques machistes dans le pays. Mais une légalisation du droit à l’avortement ne serait pas une fin en soi : si les droits démocratiques sont le résultat d’une relation de force, et que le pays est en plein contexte de crise économique naissante et de mise sous tutelle par l’impérialisme par le FMI, la santé publique, et celle des femmes en particulier sera sûrement l’un des premiers secteurs à faire face à une attaque générale par le gouvernement. Ce mercredi n’est pas seulement donc une journée de lutte pour un droit démocratique, sinon l’une des premières grandes journées d’expression populaire où les travailleurs et les travailleuses doivent démontrer leur force pour gagner le droit à l’avortement légal et gratuit.

 
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