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La Izquierda Diario
18 de juin de 2018 Twitter Faceboock

La crise migratoire : détonateur des contradictions en Europe
Macron-Merkel : rencontre autour de la réforme de la zone euro
Max Demian

Aujourd’hui se tient un sommet franco-allemand autour de la réforme de la zone euro. Toutefois, le principal sujet des discussions devrait tourner autour de la question migratoire, dans un contexte où l’Union Européenne apparaît plus divisée que jamais autour de la question. Un dénominateur commun cependant : l’Europe forteresse et meurtrière.

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Enjeux du sommet

Ce sommet franco-allemand doit être l’occasion pour la France et l’Allemagne d’échanger autour de leurs projets de réforme de la zone euro. Chaque pays a ses impératifs et contraintes stratégiques, et c’est ce qui détermine les enjeux de cette rencontre.

La France essaie de tirer bénéfice de la crise politique allemande qui fragilise Merkel, mais aussi du Brexit pour appuyer son projet de réforme de la zone euro qui tourne autour de deux principaux axes. Le premier axe consiste à doter la zone euro d’un budget commun de plusieurs centaines de milliards ; le second propose de pousser plus avant l’intégration militaire de l’Europe à travers plusieurs mécanismes de coopération des forces armées. La faiblesse militaire de l’Allemagne et les contradictions dans lesquelles le Royaume-Uni est empêtré avec le Brexit laissent la voie ouverte à la France pour s’imposer comme la principale puissance militaire et diplomatique d’Europe, étendant ainsi son influence dans son pré-carré en Afrique, mais aussi dans des régions où la France n’était pas historiquement présentes, notamment en nouant des alliances stratégiques avec des pays du Golfe, et intervenant de façon croissante dans la guerre réactionnaire menée depuis trois ans au Yémen. De manière générale, pour Paris l’enjeu est d’accroître l’autonomie stratégique et militaire de l’Union Européenne, et se présenter comme l’avant-garde de cette politique, à l’heure où les Etats-Unis avancent leur politique « America First » contre l’ordre global multilatéral hérité de la période post-Guerre-Froide et qui fragilise la position de l’Europe dans le marché mondial.

De son côté, l’Allemagne a toujours refusé toute perspective d’un budget commun européen, même minimal. Le refus des allemands de faire un « pot commun » des dépenses européennes provient en grande partie de la méfiance accrue envers la capacité de ses voisins européens, notamment l’Italie et l’Espagne, mais aussi la France, de respecter les critères imposés par l’Union Européenne. Comme le précise Patric Artus, économiste chez Natixis, l’Allemagne joue de plus en plus ouvertement contre ses voisins européens : « L’excès d’épargne des Allemands est prêté au monde en dehors de la zone euro... C’est en cela que l’on peut dire que l’Allemagne n’est plus dans la zone euro puisque un pays dans l’union monétaire par construction s’intègre financièrement avec les autres, prête son épargne pour financer des investissements et qui accepte cette mobilité des capitaux... Ils ont été échaudés par les bulles immobilières, les crises des dettes souveraines qui ont conduit à une grande défiance de l’Allemagne vis-à-vis des autres pays européens. Les épargnants allemands ou investisseurs institutionnels pensent qu’il y a un vrai problème de solvabilité par rapport au reste de l’Europe ce qui peut expliquer cette absence de prêt d’épargne et pas uniquement une question de croissance. »

Au niveau militaire, l’Allemagne a été critiquée à maintes reprises par Trump pour son faible niveau d’investissement dans l’OTAN.

De plus, au niveau intérieur, Merkel traverse une grave crise politique : après avoir douloureusement accouché d’un gouvernement de coalition faible, l’aile droite de son parti ne cesse de monter en puissance et menace désormais de lui opposer un vote de confiance, son ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, braconnant ouvertement sur le terrain du parti d’extrême-droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) est fermement opposée à toute avancée dans le fédéralisme européen.

Comme on le voit, le « couple » franco-allemand, loin de constituer le moteur de l’Europe, a des intérêts stratégiques contradictoires. Pour ces raisons il est peu probable que quoi que ce soit sorte de cette rencontre entre Macron et Merkel. Macron continuera à promouvoir son agenda européen, comptant sur le menace d’implosion de la zone euro pour être en position de force pour négocier avec l’Allemagne, tandis que Merkel, paralysée de son côté par une crise intérieure, est incapable de bouger.

La question migratoire au cœur des débats, un enjeu crucial pour Merkel

Toutefois, il est fort probable que ce soit la question migratoire qui soit la plus débattue au cours de ce sommet.En effet, l’arrivée, la semaine dernière, de l’Aquarius, transportant à son bord 630 personnes depuis la Libye, a été révélateur de la crise organique qui traverse l’Union Européenne : un gouvernement allemand en difficulté, un gouvernement italien qui applique sa politique raciste et défie ouvertement l’Union Européenne, et l’échange diplomatique tendu qui s’en est suivi avec la France.

De plus, au vu de la grave crise politique qui fragilise Merkel, il est peu probable qu’une avancée soit réalisée sur les questions de politique migratoire commune. Le Ministre de l’Intérieur Horst Seehofer a en effet laissé deux semaines à Merkel pour se décider sur la question migratoire ; ce dernier avait proposé – mais Merkel s’y étais opposée – d’immédiatement reconduire à la frontière les réfugiés ayant déposé une demande d’asile dans un autre pays membre. Le très à droite ministre de l’Intérieur s’est d’ailleurs entretenu avec le dirigeant anti-immigration autrichien Sebastian Kurz, afin de former une alliance avec l’Italie contre l’immigration en Europe.

En effet, aussi bien les gouvernements européistes que les partis d’extrême-droite capitalisent sur cette grave crise migratoire pour mobiliser leur base sociale autour d’un agenda dont la teneur est essentiellement anti-immigration, voir nationaliste. Contre cette Europe forteresse et meurtrière qui fait passer les victimes des guerres impérialistes en bouc-émissaires, mais aussi contre les fausses solutions réformistes. Qu’ils soient plus ou moins libre-échangistes ou plus ou moins protectionnistes, ces différents courants ont en commun de défendre une stratégie qui, d’une part, refuse toute politique d’affrontement de classe, d’autre part, se situe entièrement et exclusivement sur le terrain des institutions bourgeoises et d’une réforme du sys-tème capitaliste. Pour nous, la perspective des Etats-Unis Socialistes d’Europe reste le seul mot d’ordre pour proposer une politique réellement progressiste à la classe ouvrière, la jeunesse et les migrants.

Crédits photo : EPA/CLEMENS BILAN

 
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