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La Izquierda Diario
15 de juin de 2015 Twitter Faceboock

Violences policières à Paris
Témoignage. Plusieurs blessés parmi les migrants et leurs soutiens ce jeudi
Guillaume Loïc

Il était à peu près 20h ce jeudi quand les CRS ont commencé leur opération militaire aux abords de la caserne occupée. Il est vraisemblable qu’à ce moment-là, le directeur de cabinet d’Anne Hidalgo en charge des négociations n’excluait en rien de devoir donner l’assaut sur le bâtiment.

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Avec une soixantaine d’autres personnes, nous avons été repoussés jusqu’au bout du pont situé en face de l’entrée de la caserne, histoire de nous en éloigner. Deux sans-domiciles-fixes qui étaient installés sur ce pont ont été délogés par les flics à coups de pied, et leurs sacs jetés au loin, pour les forcer à avancer. Des cordons de CRS ont fait de même avec deux autres secteurs du rassemblement, repoussant l’un presque jusqu’à la rue Louis Blanc, et l’autre sous les fenêtres de l’aile ouest de la caserne.

Pour ne pas rester éloignés de l’occupation, nous avons été plusieurs à rejoindre ce dernier point de concentration, qui rassemblait le plus de monde et avait l’avantage de permettre la communication avec l’intérieur et les migrants, via plusieurs fenêtres. Les flics l’ont bien vu et se sont concentrés, eux aussi, à cet endroit, nous coupant toujours de la porte d’entrée.

Le statu quo n’a pas duré plus de trente minutes. En effet, et c’est là encore un point intolérable de la politique de la majorité municipale, les négociations qui se faisaient à l’intérieur ne concernaient que les migrants qui avaient pu entrer. Depuis le début, la Mairie de Paris, c’est-à-dire le gouvernement, cherche en effet à diviser les réfugiés, à les éparpiller à travers des solutions multiples, histoire de les affaiblir et de créer entre eux des tensions. Craignant cette situation, plusieurs dizaines d’entre eux, de l’extérieur, cherchaient légitimement à rejoindre leurs camarades.

Ils ont été quelques-uns à réussir à le faire à travers une fenêtre du premier étage, en escaladant la façade, comme des gens qui n’ont plus rien à perdre après avoir tant enduré. Quand l’un d’eux a trébuché et est retombé au sol, et alors que nous n’avions même pas eu le temps de le relever, les CRS ont profité de la confusion pour donner leur première charge. Ils ont tellement aspergé de lacrymo ceux et celles qui ont cherché à résister que j’ai vu deux ou trois personnes en train de suffoquer violemment, le visage orange, de la couleur que contient désormais le gaz utilisé par la police pour pouvoir ensuite repérer et interpeller les manifestants, même des heures plus tard.

Nous avons réussi à reconstituer un cordon après avoir reculé de 30 mètres environ. L’espace de 20 minutes, un moment suspendu : on souffle, et une fanfare s’installe juste derrière la ligne que l’on a constituée pour empêcher les CRS de matraquer en vrac. La solidarité continuant à s’organiser, quelques migrants supplémentaires réussissent à entrer par une autre fenêtre, grâce à une échelle amenée par un soutien.

Tout à coup, un sifflet : nouvelle charge, cette fois les flics courent et hurlent, pour terroriser. Celui qui est en face de moi me fixe en cognant son tonfa sur son bouclier, en rythme. On reçoit le choc tant bien que mal. Un camarade reçoit un coup en plein visage, je le perds des yeux, on recule, et l’on me dit qu’il a roulé au sol et que les CRS l’ont piétiné.

On cherche à se recomposer une nouvelle fois, et face à l’impossibilité de tenir, on décide de reculer, mais en ordre et en sécurité. Les flics ne l’entendent pas de cette manière. Ils nous laissent prendre trois mètres... et chargent à nouveau en courant. L’un d’eux, au passage, arrache l’échelle sur laquelle un migrant était en train de monter, le projetant au sol après une chute de plusieurs mètres. C’est la dernière chose que j’ai pu voir, car j’ai reçu ensuite un coup sur l’avant bras, et un autre sur le haut du crâne.

A l’arrière du rassemblement, on m’aide. Les pompiers me font asseoir, puis nous déplacent avec deux autres blessés car les flics continuent à avancer et à gazer. Ils nous font entrer dans un de leurs véhicules. Heureusement, une camarade m’accompagne. Car c’est du côté de la base arrière des CRS qu’ils nous emmènent, pour nous faire embarquer juste après les soins. Profitant de la confusion, on s’est enfuits quand les portes du camion ont été rouvertes, en disant qu’on avait besoin de prendre l’air.

Quelques heures plus tard, à l’hôpital, on me recoud, et le médecin m’explique que je vais faire un scanner juste après, pour vérifier qu’il ne s’est pas formé de caillot de sang sous mon crâne. C’était sans compter sur le chef du service. Il entre dans la pièce, fait des reproches à sa collègue. Quand il apprend qu’il s’agit d’un cas de violence policière, il me tutoie : « alors tes migrants, ils logent à Versailles ça y est ? ». Et au médecin : « il va bien, il a besoin de rien de plus, on le renvoie chez lui ».

12/06/15

 
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