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La Izquierda Diario
23 de juillet de 2018 Twitter Faceboock

Affaire Macron-Benalla
Audition de Collomb, au courant de rien. La balle renvoyée à la préf’ et à l’Elysée.
Yano Lesage

C’est un ministre de l’Intérieur impotent et ignorant des services de l’Etat qui s’est donné à voir ce matin, lors de son audition par la Commission d’enquête parlementaire, retranscrite sur la Chaine Parlementaire (LCP-Public Sénat). Benalla, le « bodyguard » de l’Elysée ? Un inconnu. Mizerski, le « troisième homme », haut commandant de la préfecture de Paris en lien avec l’Elysée ? Tout autant. Invoquant des « circonstances exceptionnelles », un potentiel débordement des forces de l’ordre ce 1er mai, Gérard Collomb s’est, tout au long des deux heures d’audition, retranché derrière la responsabilité de la préfecture de Paris, et au dernier moment, du cabinet de l’Elysée.

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Les Blacks-Bloc, Tolbiac, le terrorisme comme couverture

Lors de l’ouverture de l’audition, portée par les questions des députés La République En Marche, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb est largement revenu sur les éléments de contexte des mobilisations sociales. Il y décrit un ministère entièrement occupé, voire débordé, par la question de l’évacuation de Notre Dame Des Landes, l’occupation de Tolbiac et du Mirail par la jeunesse mobilisée contre Parcoursup, par les questions de terrorisme, le tout dans un même paquet. Un ministère à la fois ignorant de ce qui se trame autour de Benalla et de la présence de proche de l’Elysée dans cette manifestation, mais qui d’une certaine manière, va dans le sens de la défense de ce dernier. En effet, ses éléments de défense concordent avec ceux invoqués par Alexandre Benalla lui-même, la veille, lors de son audition de dimanche 22 juillet : en vertu de l’article 73, ce dernier aurait agit en renfort des forces de l’ordre, alors décrites comme débordées. Une version qui colle assez mal avec le rôle de commandement de l’escadron de CRS qui semble être dévolu à Benalla ce jour-là, sa présence au cœur du dispositif policier boulevard de l’hôpital, attesté par des vidéos de Médiapart et de Taranis News, et les images.

La non- application de l’article 40. « Pas ma responsabilité » répond Collomb

Ce qu’il n’a pas pu nier, c’est sa connaissance et son visionnage, dès le 2 mai, de la vidéo prise place de la Contrescarpe. Il s’est dit avoir été informé par son directeur de cabinet et un chargé des réseaux sociaux de l’Elysée dès cette date et avoir « porté l’info au préfet de police et au cabinet de l’Elysée ». Concernant sa non application de l’article 40 du code de la procédure pénale en vertu duquel « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. », Gérard Collomb invoque une obscure jurisprudence. « Benalla n’est pas un fonctionnaire de police, il n’est pas sous mon autorité » renvoyant la responsabilité à « ses supérieurs hiérarchiques à qui il revient de prendre les décisions ». « J’ai connaissance en permanence de suspicion d’infraction. Ce n’est pas mon rôle de les signaler aux procureurs. C’est à ceux qui sont en responsabilité de réaliser le signalement ». Et plus loin « ce sont les personnes placées dans les services qui sont légitimes à informer la justice ». « On m’avait informé que des sanctions seraient prises », par la voix du directeur de cabinet de l’Elysée, conclue-t-il.

La question revient à plusieurs reprises. Qui était donc ces supérieurs hiérarchiques de Benalla qu’évoquent Collomb sans donner plus d’explications ? Au détour d’une réponse, Collomb finit par lâcher. Benalla était sous la responsabilité du « préfet de police », en l’occurrence Michel Delpuech, auditionné à partir de 14heures ce lundi, pour se reprendre quelques minutes plus tard, « Benalla n’avait pas reçu l’autorisation directement par le préfet de police, mais par quelqu’un plus bas dans la hiérarchie ». Et plus tard, à la question de Marine Le Pen sur les conditions de recrutement de Benalla, on entendra Collomb rétorquer « Le président de la République fait ses choix. ». Quelques lapsus ô combien révélateur…

Alexandre Benalla, un parfait inconnu pour Collomb

La blague de la matinée, c’est surtout l’opiniâtreté qu’a mis Gérard Collomb pour nier sa connaissance de la personne d’Alexandre Benalla et des hommes qui l’entouraient ce jour là. « Je n’ai jamais évoqué Benalla avec Monsieur Macron avant le 18 juillet » assure-t-il. Des informations révélées ce dimanche par Mediapart atteste cependant de sa présence dans la salle de commandement du ministère de l’Intérieur qui a servi à l’organisation et au debrief de la journée du 1er mai. On cite une image montrant une accolade entre le ministre de l’Intérieur et l’intéressé. « Je crois avoir salué les 40 personnes présentes dans la salle de commandement » répond Collomb. Eric Coquerel, député de la France Insoumise continue d’insister « tout le monde à la police connaissait le rôle de Benalla ». Mais pas Collomb.

On cite les tâches qu’il a occupé durant la campagne présidentielle, celle de chargé de la sécurité de l’Elysée qu’il occupe actuellement, ses nombreux privilèges – voiture de fonction avec gyrophare, logement quai Branly –, sa détention d’un brassard de police et d’une radio Acropole ce 1er mai, mais aussi son titre de lieutenant-colonel qui lui a été attribué. Collomb continue de nier. Tout comme sur l’identité de Philippe Mizerski, son « tuteur », membre de la DOPC de la préfecture de Paris, en charge de la liaison entre la préfecture de Paris et l’Elysée, et également présent dans la salle de commandement au soir du 1er mai. « Je n’ai jamais entendu parler de M. Mizerski » affirme Collomb. « Il faut que M. Mizerski soit auditionné » annonce Alexis Corbières.

Soupçon de cellule secrète : « un enjeu de rationalisation des ressources, pas la création d’un quelconque service » pour Collomb, malgré le « secret défense » sur Benalla

« On a l’impression que tout se passe à votre insu. Qui intervient par dessus vous pour le port d’arme, le grade de lieutenant colonel, pour sa présence dans la salle de commandement ? » interroge Gilbert Collard, député Front National. C’est la même question qui revient par la bouche d’un député PS. Citant les fuites concernant la réorganisation des services de sécurité de l’Elysée, on s’interroge. Si Collomb, comme il prétend l’être n’est au courant de rien, n’a, dans cette affaire aucune responsabilité, « y a-t-il (dans ses liens entre l’Elysée et la préfecture) une volonté d’éviter les circuits habituels et la formation d’une structure parallèle ? ». Gérard Collomb répond sèchement. Pour lui, il ne s’agirait que d’une mission de « rationalisation des ressources (allouées à la sécurité présidentielle), pas la création d’un quelconque service comme il a été question dans la presse » voir les informations divulguées par BFMTV ce dimanche 22 juillet d’un « projet de service secret à la française » piloté par Benalla. « Benalla n’avait aucune capacité » pour gérer la fusion de ce service. (…) « A ma connaissance, il n’y a pas de circuit parralèlle. Nous parlons de deux personnes, ça fait peu pour établir un circuit ». Même si depuis, de nouvelles révélations délivrés par le Point attestant le statut « secret défense » sur la personne de Benalla, viennent discréditer ces propos. On sait également que Benalla avait déjà procédé à des recrutements pour mettre en place ce nouveau service qui devait être actif à partir de la rentrée 2018.

Incohérences et lapsus émaillent l’ensemble de l’audition de Gérard Collomb et sa défense ne tient pas l’examen des hiérarchies de l’Etat français. On a donc assisté à un vrai exercice d’équilibriste de la part du ministre de l’Intérieur, vu comme un potentiel fusible, qui cherche à sauver sa peau, au prix de passer pour un clown, ministre ignorant et impotent des réseaux de l’Etat, tout en cherchant in fine à épargner l’Elysée et l’institution policière. Un défi pas réellement réussi, puisqu’en l’absence de responsabilité établi par Collomb tous les yeux sont à présents tournés vers l’Elysée, contre-coup d’une présidence jupitérienne qui paye fort le prix de son très éphémère succès.

Crédits photos : FRANCOIS GUILLOT AFP

 
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