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La Izquierda Diario
25 de juillet de 2018 Twitter Faceboock

Plus de 300 morts en 3 mois
Nicaragua. Ortega refuse de démissionner, les impérialistes en embuscade
Sadek Basnacki

Depuis le 18 avril dernier, le peuple nicaraguayen défit le pouvoir d’Ortega, en place depuis 11 ans. Dans l’indifférence la plus totale, plus de 300 personnes ont déjà été assassinées par la police et les groupes paramilitaires à la solde du couple présidentiel. Les USA tentent de pousser à une transition pacifique via des élections anticipées mais derrière cette pseudo préoccupation pacifiste, le gouvernement Trump souhaite faire main basse sur le pays.

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Depuis trois mois la répression fait rage au Nicaragua. On atteindra bientôt les 400 morts. On compte déjà plus de 2000 blessés, 500 emprisonnements arbitraires et un nombre incalculable de cas de torture. Tout a commencé le 18 avril lors d’une manifestation contre la réforme des retraites. Des étudiants venus manifester aux côtés des retraités sont abattus par la police. Des milliers de personnes descendent alors dans la rue, la répression s’accentue. De plus en plus de personnes battent le pavé à mesure que la répression augmente. La mobilisation a pris un tournant politique que le président Ortega n’aurait pas imaginé puisque la population réclame la chute du régime. Si le président a annulé sa réforme, il est désormais trop tard. Les protestations se multiplient et les convergences se font. Les retraités, les étudiants, les organisations féministes, les paysans mobilisés, les ouvriers, défient ensemble depuis plusieurs mois le pouvoir.

« Ya Basta ! »

Cela fait 11 ans qu’Ortega dirige le pays avec sa femme. La corruption est généralisée et le régime a pris au fil des ans un caractère de plus en plus autoritaire et libéral. Pour faire taire la contestation, le pouvoir déploie la police et des groupes paramilitaires dignes des Contras. Les assassinats, les tortures, les arrestations arbitraires se multiplient. Les tireurs d’élite tirent sur la foule. L’opposition qui tente de négocier permet à Ortega de continuer la répression. Lors de pourparlers entre le gouvernement et l’opposition, la ville de Masaya est littéralement assiégée par les groupes paramilitaires. Symbole fort, ce gouvernement du parti sandiniste réprime les bastions historiques de la révolution sandiniste notamment à Monimbo, le quartier indigène où se tint en février 1978 la première insurrection populaire de soutien à la révolution.

Le 18 juillet, la veille de l’anniversaire de la révolution, 2 000 paramilitaires encerclent la terre native de Sandino, le héros nicaraguayen contre la lutte anti-impérialiste qui avait repoussé l’armée états-unienne. Les manifestants, principalement des jeunes, tiennent des barricades, se défendent à coup de cocktail molotov, de lance pierre, de mortiers artisanaux face aux fusils mitrailleurs des groupes paramilitaires. Les troupes d’Ortega reprennent l’Université nationale autonome du Nicaragua (UNAN), occupée par les étudiants. Deux jeunes y laisseront la vie, abattus de plusieurs balles dans la tête.

La répression ne s’arrête pas là. On rapporte qu’il y aurait des attaques chimiques contre la population là où des barricades sont encore tenues héroïquement par la jeunesse nicaraguayenne.

Dans une publication récente d’El País, il est expliqué qu’à Boaco la police et les forces paramilitaires utilisent de l’acide sulfurique et d’autres substances chimiques. Les blessés ont été transférés dans un hôpital de Managua. Le liquide qui a brûlé leur peau, selon les victimes, était de "l’acide sulfurique", « un composé chimique extrêmement corrosif ", rapporte le journal.

Il y aurait également au minimum 158 personnes disparues ou enlevées. Des pratiques qui rappellent les dictatures sud américaines soutenues par les USA.

Une tentative de la bourgeoisie nationale et des pays impérialistes de faire une transition pacifique

Devant l’enlisement de la crise au Nicaragua, une réunion extraordinaire du Conseil permanent de l’Organisation des États américains, a eu lieu. Il en est ressorti une déclaration demandant l’avancement des élections présidentielles pour mars 2019, deux ans avant la date prévue. Le texte appelle le gouvernement à "soutenir un calendrier électoral convenu dans le cadre du processus de dialogue national". Cette déclaration a été ratifiée par 7 pays (Argentine, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Pérou et États-Unis) et soutenue par le Mexique. Cette proposition rentre en adéquation avec les demandes de l’Église catholique qui tente de jouer le rôle de médiateur.

L’OEA exhorte Ortega à participer "activement et de bonne foi" au dialogue national. Des tractations qui se font entre le gouvernement, l’opposition, l’Alliance civile et le patronat regroupés dans le Conseil supérieur de l’entreprise privée (COSEP). L’objectif de ces tractations est de trouver une solution à la crise en essayant de canaliser la colère légitime des travailleurs et des pauvres, tout en favorisant les élites et la bourgeoisie nationale. Des tractations lentes sans influence directe sur la crise qui permettent de miser sur l’usure et la désarticulation du large mouvement de contestation.

Ce n’est pas pour rien qu’Ortega s’est enfin entretenu avec un média étranger. Le choix de Fox News n’est pas anodin. « L’histoire de nos relations avec les Etats-Unis a été douloureuse. Je ne veux pas qu’elle se répète », a-t-il déclaré. Il a aussi critiqué « une campagne de mensonges, des mensonges terribles pour tenter de nuire à l’image du Nicaragua et de son gouvernement ». Il a affirmé qu’il irait jusqu’au bout de son mandat. « Notre mandat électoral se termine avec les élections de 2021, quand nous aurons nos prochaines élections. Avancer les élections créerait de l’instabilité, de l’insécurité et ne ferait qu’empirer les choses. »
Selon le président, il n’y aurait aucune raison d’avancer les élections puisque « Cela fait une semaine maintenant que la tourmente est finie », a-t-il déclaré. « Les choses sont en train de devenir plus normales dans le pays ». Mais les manifestations continuent et la répression aussi.

De fait, le ministre des Affaires étrangères du Nicaragua, Denis Moncada a eu beau jeu d’appeler à « respecter l’autodétermination de l’Etat du Nicaragua pour rétablir la paix et la sécurité, sans ingérence d’aucune sorte. » Rappelant au passage que les USA avaient financé et formé les « Contras » contre les sandinistes dans les années 80 et 90. Mais les groupes paramilitaires d’Ortega ne font qu’appliquer les mêmes méthodes que les Contras.

Face à l’ingérence impérialiste et à la bourgeoisie nationale seule l’auto-organisation pourra mettre fin à la crise

L’ingérence étrangère des Etats-Unis ou des autres puissances impérialistes, main dans la main avec la droite continentale et la bourgeoise nationale ne peuvent apporter de solution à la répression au Nicaragua. S’ils se posent en garant de la défense des droits de l’homme, leur but n’est autre que d’imposer une réforme dictée par les organisations internationales. Il est nécessaire de rejeter les sanctions et les agressions impérialistes qui cherchent à mettre en place – par la force s’il le faut - des gouvernements dociles dans la région, en fonction de leurs propres intérêts.

En effet, les mesures et les déclarations afin de pousser à "travailler pour une atmosphère de paix" énoncées par, à la fois, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, les membres de l’Union européenne, de l’OEA, ainsi que par la "Commission de vérification et de sécurité", n’ont fait que donner de l’air au gouvernement délégitimé d’Ortega. Ces tractations ont permis à Ortega d’intensifier la répression contre la population qui s’oppose à son gouvernement, et permettent aux impérialistes, via les organisations internationales de se positionner tels des vautours au dessus d’une charogne.

Afin de stopper l’ingérence de l’impérialisme, les nicaraguayens doivent aller vers une mobilisation indépendante de leur propre bourgeoisie qui essaye de faire des alliances avec l’impérialisme, à l’image de l’alliance civile pour la démocratie (regroupant prêtre, patrons, étudiants etc). L’Alliance civile discute de la sortie de crise via des élections, meilleur moyen de ne pas remettre en cause le régime, les partis politiques traditionnels et le patronat tout en canalisant la poussée des classes populaires.

Celles-ci, à la pointe de la résistance doivent s’organiser autour d’un plan de lutte, une grève générale rassemblant tous les secteurs de la classe ouvrière, comme elles l’ont déjà fait à deux reprises lors de ces trois mois de lutte.

Les classes populaires doivent inclure dans leur programme les revendications les plus immédiates portées par les différents secteurs en lutte, comme l’arrêt du projet du canal du Nicaragua mis en avant par les paysans, s’organiser contre les oppressions sexuelles, y compris le droit de décider de leur corps sans ingérence de l’Église ou de l’État, revendications portées par les féministes dans le mouvement. Il faut inclure l’augmentation des salaires, porter les revendications que ce soit dans la santé, l’éducation, l’emploi, le logement. Tous ces problèmes ne peuvent être résolus qu’en les articulant autour d’une politique anti-capitaliste et anti-impérialiste, comme la nationalisation des banques et des grandes entreprises sous contrôle des travailleurs et usagers.

Cela prévaut également pour ce qui est de la question de la répression, avec la formation d’une commission indépendante, formée par les proches des victimes, et qui a pour but d’enquêter et juger les crimes commis par le régime Ortega. Cela ne peut passer qu’en imposant les pleines libertés démocratiques, syndicales et politiques, en dissolvant la police nationale et les organes répressifs, ainsi que les groupes paramilitaires et les troupes de choc du FSLN qui sont tous responsables des centaines de morts, des milliers de blessés.

Enfin, la lutte pour une Assemblée constituante libre et souveraine est nécessaire pour que les peuples du Nicaragua puissent délibérer et décider démocratiquement de tous les grands problèmes nationaux, avec des représentants élus démocratiquement et qui soient révocables à tout moment et que leur salaire soit à la hauteur de celui d’un travailleur qualifié.

Telles sont les tâches auxquelles doivent s’atteler les Nicaraguayens, afin de mettre un terme à la subordination du Nicaragua aux intérêts de l’impérialisme et du capital financier américain.

Photo : Inti Ocon Agence France-Presse

 
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