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La Izquierda Diario
20 de août de 2018 Twitter Faceboock

Témoignage depuis l’hôpital Pinel en lutte
"Quand la honte va-t-elle changer de camp ?" Le quotidien révoltant d’une soignante en psychiatrie

Nous relayons ci-dessous le témoignage alarmant d’une soignante de l’hôpital psychiatrique d’Amiens, en grève depuis le 15 juin pour exiger des moyens supplémentaires.

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Quand-la-honte-va-t-elle-changer-de-camp-Le-quotidien-revoltant-d-une-soignante-en-psychiatrie

Source : page Facebook Pinel en lutte

"Hier, j’ai pris mon poste en psychiatrie en mode guerrier. Blouse, chaussures de services, clés de chambre d’isolements/ de services/ de pharmacie.
A 13h30, j’ai bravé ma fatigue, mes douleurs, mon angoisse, j’ai bu un café, je me suis dit que ça allait servir...

14h : Service plein, 25 patients dont 3 sur des lits supplémentaires. On est deux. Entrées et sorties prévues pour cet AM. Turn Over qu’ils disent. On est deux, une infirmière, moi et une aide soins. J’ai attaché mes cheveux, j’me suis dis que ça allait servir....

15h : Les deux téléphones dans une poche, clés dans l’autre, je viens de prendre du poids dans ma blouse. Des patients. 25. Ils arrivent les uns après les autres à la porte du bureau où s’enchaîne les appels. Ils veulent voir un médecin. On en a plus... Je leur dirais bien que je vais leur parler mais le téléphone sonne encore et le patient en Isolement frappe contre sa porte, agacé d’attendre enfermé dans 12m2. Un d’entre eux demande son traitement Si Besoin. Je le regarde, il me regarde. Je pense encadrement soignant, relation d’aide thérapeutique. Je lui proposerais bien un etretien infirmier, mais on en a plus assez justement, des infirmiers... Et le téléphone sonne. Je lui donne son traitement.

16h : Heure du goûter. On se partage les tâches. Moi en chambre d’isolement, seule ; ma collègue avec les 23 autres patients groupés dans le réfectoire. En Chambre d’isolement on parle peu. Le patient est en colère d’avoir attendu. Je suis fatiguée, lui aussi.

17h : Téléphone. Téléphone, téléphone. En préparant les traitements, répondant aux demandes, saluant les familles... Les familles qui pleurent, elles ont du mal à comprendre ce qui se passe, pour leur proche et dans cette cocotte minute qui l’accueille. J’ai du mal à ne pas souffrir avec eux. Je passe dans le bureau, je vois les dossiers à remplir, je me retourne, je vois les patients derrière la vitre. Faut choisir. Choix Corneillien. Ma vocation où celle des administrations qui gèrent cet Etablissement ? Le téléphone sonne. Une entrée, arrivée en avance. Le lit sur lequel il va être installé n’est pas vide, le patient est là, sa famille ne peut pas venir plutôt pour venir le chercher. Je veux pas les rappeler, ils font ce qu’ils peuvent. On est à 26 patients pour quelque heures, dont un sur une chaise en attendant son lit. Chacun son tour, comme à confesse. Je fini par installer le monsieur en chambre triple. Premier passage par la psychiatrie. Il me demande où est son placard pour ranger ses affaires. Je m’excuse. Il en aura pas. 3 lits, 2 placards. Allongé sur son liit il peu donné la main à ses voisins. Voilà, voilà. Grosse ambiance.

18h : Préparation des traitements. Cerveau en mode liste. J’ai pensé médecine moderne, soins, psychiatrie, relationnel. J’ai remit mon cerveau en mode liste. Plus de temps de faire des activités de médiations, de faire des évaluations sur l’extérieur même plus le temps de s’asseoir pour discuter avec eux.

19h : Repas. Brouhaha. Je suis passé devant un nouveau patient. Nouveau ? Je recompte. 25 patients. Non il est pas nouveau. C’est juste que je peux seulement lui dire bonjour à 19h. Normal, on est deux. J’me présente en lui donnant ses comprimés. Sympa.

20h : Début des couchers. Des corps, des lits. Des gens malades, qui repoussent, qui comprennent pas, qui cherche leur stabilisation. La patiente avec moi ne veut pas rester une minute de plus. Je la comprends, moi non plus j’ai pas envie. J’aimerais bien m’asseoir pour essayer de les rassurer mais j’entends les collègues de nuits. Je m’assois quand même. Je ferais un peu d’heure supp. De toute façon j’avais besoin de m’asseoir moi aussi, ça peut servir... Je lui explique pourquoi elle est là, elle pense qu’on lui a menti. Que de toute façon personne ne s’occupe d’elle, qu’on lui demande toujours de patienter. Je me demande juste quand la honte va changer de camp ?

21h : Début des transmissions, 15 minutes. Top chrono. 15 minutes pour raconter la vie des patients. On fait synthétique ; 36 secondes par patient !

21h30. Râté. 15 minutes de trop. J’arrive pas à résumer tout ce qui se passe pour eux. Trop complexe. 15 minutes pour parler de 25 êtres humains qui souffrent c’est peu. On part. Je vois ma collègue. On s’est à peine croisé aujourd’hui. Ca me rassure, les cernes sont aussi de sortie. On est finalement toujours debout. Bravo. Ca aurait pu être pire, pas d’agitation, pas de 4e lits supplémentaires. On se félicite. On passe devant les urgences. Salle d’attente pleine. Demain le 4e lit sera là. On est 2 soignants. On prends les mêmes et on recommence, en pire..."

Pour soutenir la lutte des personnels de l’hôpital Pinel : Pot Commun

 
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