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La Izquierda Diario
3 de septembre de 2018 Twitter Faceboock

Guerre commerciale
Trump menace de sortir de l’accord de libre-échange avec le Canada
David Labica

C’est par une série de tweets assassins que le président des Etats-Unis a posé au Canada un ultimatum qui a tout d’une mise au pas. Soit Ottawa accepte les conditions de Washington soit l’Alena, l’accord nord-américain de libre-échange qui unit les deux pays avec le Mexique depuis 1994 sera fini. La guerre commerciale lancée par Trump au départ contre la Chine n’en finit pas de s’étendre à ses alliés les plus proches, poursuivant le tournant agressif de la politique internationale américaine.

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Les hostilités ont commencé vendredi dernier. Alors que les négociations entre le Canada et les Etats-Unis se déroulent dans la capitale américaine, des propos tenus par Trump en privé avec des journalistes de l’agence Bloomberg sont révélés par le Toronto Star. Le président des Etats-Unis affirme que c’est « uniquement à nos conditions » qu’un accord commercial avec le Canada pourra être conclu. Il n’en faut pas plus pour que les négociations s’interrompent et soient reportées au mercredi 5 septembre. « Le Canada sait à quoi s’en tenir ! » comme l’affirme encore Trump, sûr de mener la danse dans ces négociations.

Dans une série de tweets, le président américain est ensuite revenu à la charge contre son allié historique. Ainsi, Trump a-t-il fait monter la pression en déclarant « si nous ne concluons pas un bon accord après des décennies d’abus, le Canada restera dehors », avant d’enfoncer le clou en affirmant qu’il serait prêt à mettre « tout simplement fin à l’Alena ». Devant ces propos d’intimidation, la ministre des affaires étrangères canadienne, Chrystia Freeland a rétorqué que le Canada cherchait « un bon accord, pas n’importe quel accord ». Justin Trudeau a quant à lui tempéré en essayant de sauver les négociations, soulignant qu’il était « très possible d’avoir un accord qui fonctionne pour tout le monde ». Il a cependant également affirmé que « pas d’accord est mieux qu’un mauvais accord ». A un an de l’élection présidentielle au Canada, le premier ministre ne doit pas montrer de signe de faiblesse face à Trump, tout en ne précipitant pas la fin de l’Alena.

Trump joue évidemment de la situation politique et économique de son allié d’Ottawa pour faire avancer ses exigences en matière d’ouverture commerciale. Déjà jeudi dernier, il avait réussi à peser sur les négociations en affirmant dans un discours à propos des canadiens qu’« il faut qu’ils se débarrassent de ces barrières et de ces tarifs ». Prompt à user de tous les moyens possibles, Trump ne s’est pas gêné pour lancer une fake news lorsqu’il a minimisé la place du Canada dans les relations commerciales avec les Etats-Unis. Loin d’être un « petit segment » pour l’économie américaine, le Canada est en troisième position dans le commerce extérieur après l’Union européenne et la Chine. Pour le Canada, une sortie de l’accord serait catastrophique tant sa dépendance à l’égard de l’économie américaine est importante – et Trump appuie là-dessus. En mars dernier, la banque centrale du Canada publiait un rapport qui indiquait que près de 6% du PIB canadien serait menacé en cas de sortie de l’accord, touchant en particulier les régions de Québec et de l’Ontario. Le menace d’une récession serait d’autant plus redoutable que le FMI a déjà mis en garde le Canada sur le niveau particulièrement élevé de sa dette. En cela, le Canada reste en grande position de faiblesse dans les négociations face aux Etats-Unis, et ce malgré la tentative du Canada de diversifier ses liens économiques, notamment en se rapprochant de l’Union Européenne.

Les menaces brandies par Trump n’ont ainsi rien de paroles jetées en l’air. Elles s’inscrivent dans la logique de guerre commerciale que le président des Etats-Unis a initié en réinstaurant des droits de douanes sur l’acier et l’automobile. Elles visent à reconfigurer à l’avantage de la super-puissance les relations de dépendance économique qui lui sont essentielles pour maintenir son avance sur le reste du monde, et notamment la Chine.

Comme avec l’Union européenne, Trump exige l’ouverture de négociations sur l’agriculture avec le Canada. Le pays exerce une politique très protectionniste envers ses agriculteurs, notamment dans le secteur laitier, qui ne convient pas aux Etats-Unis, qui sont excédentaires dans ce domaine et qui aimeraient trouver des débouchés sur le marché canadien.

Après le revers subi dans les négociations sur le nucléaire nord-coréen, Trump cherche à réaffirmer son leadership à l’échelle internationale par une guerre commerciale généralisée qui touche aussi bien ses adversaires que ses alliés proches, comme le Canada et l’UE. De surcroit, à l’approche des élections de mi-mandat, Trump sait qu’il sera jugé sur son image internationale, et sa réussite à négocier des accords avantageux, ne serait-ce qu’en en apparence, s’avère cruciale. L’Alena constitue en effet un pilier de la politique extérieure américaine, et si Trump peut s’assurer du soutien d’une large part des Républicains, une frange de son camp politique reste sceptique sur sa capacité à renégocier les traités ; plus encore, si les élections de mi-mandat étaient remportées par les Démocrates, Trump rencontrerait de grandes difficultés à renégocier le traité. Ainsi, plus profondément, cette guerre, qui se mène avec un degré d’agressivité jamais vu, traduit en filigrane le déclin de l’hégémonie américaine qui s’en prend désormais à ses plus proches alliés.

 
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