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La Izquierda Diario
14 de septembre de 2018 Twitter Faceboock

Anti gitanisme et gentrification à Perpignan
Stigmatisation, gentrification : Les gitans de Perpignan laissés pour compte
Thibault Yeamreg

Depuis quelques années déjà, la ville de Perpignan et les politiques n’hésitent pas à stigmatiser les gitans du quartier St Jacques et souhaitent détruire les habitations anciennes pour accélérer la gentrification sans se soucier des populations vivant depuis de longues années dans ce quartier emblématique de la ville.

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Destruction du patrimoine historique sans aucune concertation du quartier Sant Jaume

La gentrification, nouvel outil des politiques pour écarter les populations pauvres des centres des grandes villes, comme à Toulouse dans le quartier Arnaud Bernard, ainsi que les discriminer. Les habitations du quartier Saint-jacques, « Sant Jaume en catalan », sont vieilles et pour une grande partie prêtes à s’effondrer. Mais à Perpignan comme ailleurs, la réhabilitation des logements se fera sans les populations vivant dans les quartiers. Les nouvelles constructions vont faire augmenter les prix des terrains et des habitations et de fait, à cause du coût élevé, les gitans devront quitter ces lieux. 60 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté avec un taux de chômage élevé et pourtant aucun politique n’a souhaité apporter un soutien réel pour améliorer leurs conditions de vie et de travail durant toutes ces années.

La ville de Perpignan avait déjà entamé une nouvelle politique urbaine pour récupérer le quartier, en construisant une université de droit et économie en plein milieu du quartier St-Jacques. Ce qui n’a pourtant pas empêché que, dans ce quartier, beaucoup de services ont disparu. Nick Giménez concède au média Midi Libre : « Ils démolissent des immeubles qui sont insalubres, c’est très bien » et apporte une clarification : « Mais quand ils vont reconstruire, les loyers ne seront plus les mêmes, on va être obligé de partir » explique-t-il, exigeant une "garantie" d’accès au logement. Stéphane Bern, chargé de mission patrimoine par le gouvernement a par ailleurs apporté son soutien aux habitants du quartier St-jacques et a publié un tweet fustigeant le maire de Perpignan, Jean Marc Pujol, qui par ailleurs se dit « Macron-compatible », tout en portant bien souvent un discours de droite-extrême. Son adjoint au maire, Olivier Amiel, avait insulté Stéphane Bern le traitant de "bouffon du roi, pitre cathodique".

Stéphane Bern a répondu sur BFM TV à l’adjoint au maire de Perpignan dans cette vidéo

Aux États-Unis, le New York Times a publié un article contre les politiques urbaines de la ville de Perpignan qui se prépare à détruire une grande part du plus beau quartier de Perpignan ainsi que toute une culture gitane et ses habitants. Alors qu’il est important de défendre les gitans de Perpignan et leurs habitations, l’adjoint au maire de la ville catalane préfère détruire les maisons au lieu de les rénover en profondeur car cela coûterait trop cher.

Les habitants se sont insurgés contre la politique urbaine de la ville et ont manifesté leur désaccord. La communauté gitane a, plusieurs fois, bloqué les engins de chantier contre la destruction de leurs habitations. Les destructions sont pour l’instant stoppées mais il est sûr que malgré le début de concertation, peu de choses changeront auprès des pouvoirs publics locaux mais aussi au niveau national.

Les Gitans de Perpignan

Pour certains perpignanais, le quartier Saint jacques est une « No go zone », classée dans les 64 ghettos français. Mais parler des habitations délabrées par le temps et stigmatiser les populations gitanes qui y vivent, c’est omettre une grande partie de l’histoire catalane et du lien que les habitants et la catalogne ont avec les gitans catalans. Le « Payo » (catalan gitanisé) ou « Gadjo » (terme pour désigner le non-gitan) qui va là-bas y découvrir une culture trop souvent oubliée, qui fait contre-poids aux discours stigmatisants et xénophobes de nos politiques. Leur sédentarisation pourtant remonte aux années 1938 et fait suite à la répression qu’ils ont vécu durant le nazisme en Europe. Mais en réalité ils sont présent en Catalogne en semi-nomades depuis le XIViéme siècle. Dans l’extrait de l’émission « Gitanos de Perpinyà », un gitan témoigne et raconte « Nous sommes dans le quartier Saint-Jacques ; c’est le quartier le plus ancien de Perpignan. Jadis, c’était les Juifs qui habitaient là. Ensuite, les Gitans, Nous avons pris Saint-Jacques et nous avons fait un quartier Gitan. Cela c’est passé après avoir cessé le voyage. C’était en l’année 1938... Nous savions qu’il y avait la guerre en Espagne et Nous savions déjà que la guerre viendrait en France... et nous avons su que, dans les autres pays de l’Est, en Allemagne, nos frères Gitans étaient persécutés par le nazisme, et comme Franco aussi était du côté du nazisme, nous avons eu peur pour la France et nous sommes venus nous installer dans le quartier de Saint-Jacques. ». Dans toute l’Europe, les Roms, les gitans, les Yéniches,... seront internés et les lois seront durcies à leur égard. En Pologne ils seront internés mais en France aussi pendant la seconde guerre mondiale. En 1939 certains préfets interdiront aux Roms la possibilités de circuler sur des territoires précis.

Dans l’avant propos du livre « El libre dels gitanos de Perpinyà », écrit par des auteurs gitans, ces derniers soulignent une question que posent les payos trop souvent en ces termes : « Faut-il construire des camps éloignés ou des nouveaux ghettos périphériques afin de faire disparaître du centre ville une population encombrante et pouvoir, ainsi, réhabiliter un vieux quartier historique ? ». Et c’est justement dans cette question que toute la stigmatisation se fait sentir. Comment peut-on exiger de bonnes relations si par la question même que les politiques emploient on fait ressentir une discrimination profonde, que la ville de Perpignan n’hésite pas à développer envers les gitans ? Le journal local « Le petit journal catalan » titrait déjà en 2015 « À quoi servent les gitans ? ». Cette une avait choqué les perpignanais. Une plainte avait été déposée par plusieurs associations gitanes contre Rodolphe Crevelle qui avait aboutit à une condamnation à 6 mois de prison ferme pour « incitation à la haine et discrimination ».

La culture gitane catalane et les discriminations

Tony Gatlif, réalisateur, né à Alger, d’origine gitane d’Andalousie peut être défini comme le porte voix des Rroms, et gitans. Ses films montrent la répression constante qu’ont vécu les Rroms, par exemple leurs internements durant la seconde guerre mondiale, comme dans son film « Liberté ». Il mélange avec passion les musiques gitanes et les histoires d’oppressions, il est défenseur d’une culture bien souvent stigmatisée et discriminée. A Perpignan c’est encore le cas et beaucoup exigent des gitans qu’ils s’adaptent à la culture française . Depuis déjà longtemps, beaucoup se lèvent contre l’acculturation exigée par les pouvoirs publics français et exigent une reconnaissance et l’arrêt de la répression contre tous les Rroms.

A Perpignan c’est en partie la musique qui met en avant cette culture dans la « Rumba catalane », mais ne définissons pas les gitans catalans seulement par leurs identités musicales. Dans le résumé de la conférence de Gabi Jiménez « Gitanie : Terre de légende », présenté dans l’ouvrage « Approche anthropologique, musicologique et artistique des rumbas » aux éditions Trabucaire, l’artiste plasticien précise et démontre de l’intérieur comment la méconnaissance de la culture de l’autre contribue à renforcer les pratiques de discriminations.

Antoine Tato Garcia et son groupe chantant « La Catalana » sur un air de Rumba Catalana. Le clip vidéo montre tous les attraits du quartier Saint Jacques du centre ville de Perpignan.

Les gitans de Perpignan sont bel et bien les représentants de la culture catalane avec une identité propre qu’il serait bon de reconnaître et d’aider à développer. Trop souvent abandonnés, stigmatisés, réprimés par les pouvoirs publics, la disparition de ce quartier et ses habitants représente la fin d’une culture dans le centre de la ville, qui pourtant anime bien mieux Perpignan que les maigres politiques culturelles des maires de l’agglomération catalane. Les fils et filles du vent et de la Tramuntana sont ils voués à disparaître avec le temps du centre de la ville de Perpignan ? Les politiques réactionnaires vont bon train dans la ville catalane dès lors que la culture à défendre ne représente pas l’image de la France et de Perpignan que les pouvoirs publics souhaitent représenter.

Crédits : MICHEL CLEMENTZ

 
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