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18 de octobre de 2018 Twitter Faceboock

Correspondances ouvrières
SNCF : Lutte anti-fraude de destruction du service public, l’avenir de l’entreprise s’écrit à Asnières
AM Bajoc

Pas de SNCF « à 2 vitesses » a dit Pepy, mais une salle de repos « à l’appréciation de l’équipe managériale » ne le fait-il pas tiquer ? Dernièrement, c’est toute la politique managériale de la SNCF, qui éclate au grand jour, et qui dévoile ce que veulent en faire le gouvernement et la direction de l’entreprise.

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Lutte anti-fraude à la SNCF, symptôme de la transformation de l’entreprise

L’affiche a été reprise dans tous les médias, une salle de repos « accessible au mérite », puis, un concours, un championnat même de PV. Les manœuvres pour la destruction de la SNCF et surtout du statut, avaient commencé avant les élections présidentielles sur la « région test » de Paris Saint-Lazare pour que les agents comprennent bien que les « privilèges » avaient fait leur temps, que la SNCF « moderne » est en route et ces deux exemples ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

En effet, deux régions test avaient été choisies pour essayer la flexibilité et la polyvalence chez les agents SNCF des gares : Paris Nord et Paris St-Lazare (PSL). Sur PSL, l’accent est mis sur les opérations de Lutte Anti-Fraude (LAF), quitte à mettre les agents en danger. En effet, les opérations sont en théorie dissuasives (de la prévention avec les agents postés en entrée de gare), mais dans les faits, ils sont bien souvent en sortie : on leur demande de contrôler même à 22h à deux agents, ils doivent contrôler y compris sur leur commune d’habitation, etc.

On demande même aux agents de « piéger » les voyageurs en se postant sur le quai en bas de l’escalier de Pont Cardinet et de verbaliser tous les Pass Navigo non validés, alors qu’une présence dans le hall, à côté des usagers, serait préventive et incitative… De plus, investir des agents dans une LAF signifie obligatoirement moins de présence dans les guichets ou dans les renseignements.

Et la SNCF n’est pas tendre avec les agents qui émettent des doutes sur les biens fondés de cette politique : trois jeunes embauchés qui ont osé, non pas refusé, mais juste posé quelques questions, ont été licenciés comme des malpropres, sans respect de la réglementation et à 15 jours de la fin de la période d’essai (qui dure 1 an à la SNCF). Il n’empêche que cela montre jusqu’où les directions locales sont prêtes à aller pour serrer la vis.

La communication d’entreprise (« FLASH », voir document ci-dessus) montre la pression mise sur les managers au sujet des LAF, et on peut observer sur ce document que le manager d’Asnières est en tête des chiffres… Mais bien sûr, ceux qui ont le plus de pression sont les agents d’exécution, qui sont pressurisés par une politique du chiffre de plus en plus anxiogène. Des missions de base telles que la prise en charge des personnes en situation de handicap passent même après la LAF.

Explication de l’affiche : les CC sont les encaissements sur place par CB et on ne veut pas des CC à 5€, non, c’est pour les nuls, on veut (en petit, le « bonus ») des CC à 68€, qui sont en fait des PV contre les fumeurs ! Les agents doivent aller verbaliser les fumeurs et leur faire régler sur place par CB !!! Et ils auront une super prime de 100€, moins de dents, peut-être, mais 100€…

Asnières, laboratoire de destruction psychologique des cheminots

Le pire secteur semble bien être celui d’Asnières (secteur Cardinet jusqu’à Nanterre-U), avec plusieurs agents qui ont craqué psychologiquement (l’un d’eux s’est allongé sur les voies à Clichy en 2017), avec plusieurs rupture négociées d’agents ayant de l’ancienneté, des procédures disciplinaires, des licenciements (notamment les deux nouveaux embauchés cités plus haut) et une chef d’équipe qui insultait les agents (voire les frappait), mais insultait aussi les voyageurs, mettait tout le monde en danger, jurait en public sur le quai, mais a gagné une promotion pour bons et loyaux services, car à la tête de la politique de lutte anti-fraude.

D’ailleurs pendant la grève, c’est à Asnières qu’un piquet de grève aurait pu tourner au pugilat suite aux provocations des managers présents. Pour devenir le héros de la lutte anti-fraude, le manager d’Asnières a tout simplement suivi les recommandations du « chef de projet », en mettant en concurrence les agents les uns avec les autres.

Ainsi, pour avoir une place en salle de repos avec des « sièges massants », les agents doivent ramener le plus d’adresses mails de voyageurs, afin de les informer des retards éventuels. Qu’importe le manque de conducteurs et de contrôleurs ; on préfère aller récupérer les adresses mails des usagers ! Même si les lectures en salle de repos font peu envie, c’est surtout le manque de lieu de pause qui permet d’installer ce genre de pression sur le personnel. Pression qui joue sur tous les tableaux : temps de repos, primes, déroulement de carrière. A Asnières, les agents n’ont pas intérêt à tomber malade et encore moins déclarer des accidents du travail.

Cette politique de mise en concurrence des agents n’est donc pas une erreur due à une initiative locale comme la direction voudrait le faire croire dans son démenti, mais bien une démarche (un peu prématurée certes) visant à coller à la volonté de Macron et Pepy de détruire les derniers vestiges du statut en instaurant un arbitraire (« à l’appréciation de l’équipe managériale ») car l’arbitraire est le meilleur moyen d’instaurer la crainte, et un pseudo mérite pour chaque chose, et qui nous laisse entrevoir la SNCF de demain si les cheminots se laissent faire et ne remontent pas au combat pour le 2ème round contre la réforme du ferroviaire.

Car Pepy rêverait d’instaurer le lean management (méthode japonaise à l’origine pour une amélioration permanente de la productivité), pour gagner en productivité par 2 pistes principales. La première étant la flexibilité : faire travailler les agents sur un groupe de gares au lieu d’un seul poste, le poste attribué étant décidé à la prise de service (guichet ou accueil, telle gare ou telle autre), et la seconde la polyvalence qui consiste à attribuer de nouvelles taches aux agents comme descendre dans les voies récupérer les objets tombés, mais surtout la lutte antifraude, qui oblige les agents commerciaux des gares à contrôler les titres.

De fait, la flexibilité voulue se fait au détriment du service car il faut dispatcher les agents sur chaque gare (donc temps de trajet) puis qu’ils reviennent dans la gare principale pour leur fin de service. Pour la polyvalence, c’est pire car on a rabâché aux agents commerciaux de ne jamais s’approcher des voies (affiches avec une tête de mort) et aujourd’hui, il faudrait qu’ils y descendent avec 2 jours de formation. Et tout le monde peut comprendre que certains agents qui ont choisi l’accueil et la vente, ne souhaitent pas contrôler, car la charge émotionnelle n’est pas la même et il existe des risques puisqu’on reste affecté sur sa gare ou celle d’à côté les jours suivant les contrôles…

La carotte et le bâton : la réalité du management à Asnières

La direction SNCF a laissé les mains libres au « chef de projet » pour mener ses expérimentations sur Cergy (Asnières en fait partie) et St-Cloud. La première chose à faire pour que les gens acceptent l’inacceptable, c’est d’installer un sentiment de crainte généralisée par un fonctionnement arbitraire.

Ce fonctionnement arbitraire va à l’encontre des principes fondateurs de l’entreprise publique SNCF en 1936, qui, en compensation de salaires assez faibles et pour garder les compétences, offrait des garanties sociales tels que des textes précis et détaillés quant aux droits et devoirs de chacun, un droit syndical supérieur et un fonctionnement plus paritaire que dans le code du travail, notamment dans le disciplinaire (conseil de discipline avec 3 membres de la direction et 3 délégués du personnel) et le déroulement de carrière (réunion annuelle avec les délégués pour débattre des réclamations des agents qui s’estiment lésés).

Ce fonctionnement arbitraire va à l’encontre de la manière avec laquelle la SNCF fonctionnait jusqu’ici, avec de nombreux documents définissant l’organisation du travail, tous discutés avec les syndicats. C’était ainsi, pour les cheminots, un acquis que dans tout comité de discipline, les membres de la direction soient du même nombre que ceux représentant le personnel (3 chacun).

Mais avant tout, pour la direction de la SNCF, il faut faire taire celles et ceux susceptibles de s’opposer à cette politique, les délégués syndicaux, donc on les pousse à partir et on manie la carotte et le bâton. Et surtout, il faut réduire l’absentéisme… Car gagner en productivité signifie : assurer la même charge de travail avec moins d’agents.

Une entreprise comme la SNCF génère pas mal d’absentéisme et notamment dans les métiers en contact avec le public, du fait de conditions d’accueil du public loin de correspondre aux besoins, et quand on réorganise en gagnant sur le personnel avec un système qui ne permet pas de correspondre aux exigences du STIF, si on a des absents, il faut réduire les arrêts maladie par tous les moyens.

Les directions locales utilisent donc tous les moyens pour mettre sous pression leurs agents : discrimination au déroulement de carrière, convocation des agents considérés comme trop souvent malades (pendant leurs arrêts si besoin) pour leur « proposer » une rupture, convocation à un entretien de reprise (non réglementaire) après un arrêt pour mettre la pression… Ainsi, on a pu voir à Asnières un jeune embauché venir travailler avec un bras dans le plâtre, ou encore un intérimaire qui n’a pas eu de vacances pendant 3 ans (2 ans d’intérim puis 1 an embauché).

Voilà pour le bâton, et la carotte ce sont des cérémonies idiotes, dites « nos agents ont du talent » pour récompenser ceux qui « se dévouent » à la SNCF, avec un déroulement de carrière très avantageux pour certains.

Voilà ce que signifie la réforme du ferroviaire et la casse du statut, des agents qui n’ont pas d’autres choix que de suivre des directives visant à faire du chiffre par la répression. Une entreprise qui se considère sous-traitante du STIF (80% de subvention) mais qui piège (devrions-nous dire : qui rackette ?) les habitants de l’Ile de France…

 
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