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La Izquierda Diario
25 de octobre de 2018 Twitter Faceboock

Enseignement secondaire
#Pasdevague : Blanquer confronté aux limites du « ni-droite ni-gauche »
Georges Camac

Il était jusqu’ici considéré le ministre modèle du gouvernement. Mais après l’affaire Benalla, les départs en série du gouvernement et un remaniement chaotique, Jean-Michel Blanquer fait pour la première fois face aux limites du projet macroniste avec le hastag #pasdevagues qui exprime la frustration grandissante au sein du corps enseignant.

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La scène est inhabituelle : ce mercredi 23 octobre, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, a été vivement interpellé lors de la séance à l’Assemblée Nationale. Depuis plusieurs jours, l’agression d’une enseignante par un élève muni d’un pistolet factice, et le lancement du hastag #Pasdevague par lequel de nombreux professeurs racontent l’insécurité croissante auxquels ils font face, est venu percuter de plein fouet le ministre, qui est apparu totalement déconnecté en proposant d’interdire les portables au lycée. La droite et l’extrême-droite s’en sont donnés à cœur joie pour instrumentaliser l’affaire – mais aussi les enseignants – et lancer une offensive sur la thématique du tout sécuritaire. A gauche aussi, des critiques se sont fait entendre, dénonçant la pénurie de moyens organisée depuis plusieurs mois.

Blanquer : le ministre modèle écorné

La tempête que traverse celui qui était alors jusqu’à présent un des principaux hommes forts du gouvernement est loin d’être anodine : elle est au contraire un symptôme des difficultés actuelles de la macronie.
Le corps enseignant a en effet largement participé à l’arrivée au pouvoir de Macron en 2017. Traditionnellement, les enseignants ont toujours été un bastion du vote socialiste. Après l’effondrement du PS, ceux-ci se sont massivement portés sur le vote de Macron qui a obtenu 38% de leurs suffrages au premier tour de la présidentielle, contre 24% pour Jean-Luc Mélenchon et seulement 11% pour Fillon et 5% pour Marine Le Pen.

La base de ce succès électoral, et de la solidité du ministre de l’Education, était celui d’un discours qui prétendait dépasser les clivages traditionnels entre droite et gauche, justifiant une politique réactionnaire en l’habillant de la rhétorique prétendument neutre des sciences cognitives. Au cours de sa première année de mandat, celui-ci a ainsi habilement cherché à tenir les deux bouts de la ficelle, avec d’un côté une communication prônant la « méritocratie » et « l’égalité des chances », et de l’autre des mesures très médiatiques mais sans réel effet comme le dédoublement du CP dans les zones prioritaires – à moyens constants.

Or, l’affaire du pistolet factice, et la large campagne virale du hastag #pasdevagues est venu fragiliser le ministre qui est apparu totalement déconnecté des réalités du métier de professeurs du secondaire. Face aux conditions de travail dégradés, et à l’insécurité réelle que ceux-ci connaissent, il y a bien un début de polarisation politique qui s’observe au sein du corps enseignant, et qui couvait depuis un long moment.

Les réponses oscillent, et parfois se croisent, entre d’un côté ceux qui considèrent que la situation actuelle est bien le fruit de la dégradation des conditions de travail et d’étude dont sont responsables les différents gouvernements, et plus en général de la misère et de la violence grandissante dans une société capitaliste toujours plus injuste. Et il y a de l’autre côté la logique méritocratique, qui cherche à faire porter l’ensemble des problèmes actuels sur le dos d’élèves, et notamment ceux des quartiers populaires, et qui préconisent de renforcer et d’institutionnaliser l’exclusion sociale dont ceux-ci sont victimes.

Et de ce point de vue, l’option choisie par le ministre de l’Education ne fait guère de doute. Celui-ci a en effet annoncé ces derniers jours un plan pour « rétablir l’ordre » dans les établissements, un plan qui reprend largement les thèses défendues par la droite extrême : policiers dans les lycées et collèges, recours encore plus systématique aux sanctions, y compris aux exclusions, etc. Mais en réalité, on aurait tort d’y voir ici le quelconque signe d’une conversion. Les réformes lancées par le ministre depuis sa prise de fonction se sont bien faites sous le prisme de l’exclusion sociale et la réduction de moyens, à commencer par la sélection à l’université, la réforme du bac et la suppression de 2600 postes annoncés dans l’Education Nationale. Celui-ci a mené une véritable guerre éclair lorsqu’il s’est notamment agi de passer la réforme hautement contestée qu’a été la réforme du lycée.
 

la réforme des retraites : premier obstacle pour Blanquer ?

Le gouvernement s’est déjà aliéné une grande partie de l’électorat clé du centre-gauche avec nombre de mesures réactionnaires antisociales et contre les migrants. En cela, la réforme des retraites, prochain chantier à haut risque du quinquennat, pourrait bien accentuer la polarisation politique qui s’observe au sein du corps enseignant, et éloigner ces derniers de Macron.

Comme l’écrit Cécile Cornudet, journaliste au journal patronal les Echos : « Lorsque Jean-Paul Delevoye présente sur RTL, début octobre, les premiers arbitrages sur la réforme des retraites, les échanges sont particulièrement vifs avec les auditeurs enseignants. Ils viennent de comprendre qu’ils risquent d’en être les perdants. Leur pension sera désormais calculée sur l’ensemble de leur carrière et non plus seulement les six derniers mois, et à l’inverse d’autres fonctionnaires, ils ne bénéficient pas des primes de certains corps susceptibles d’être réintégrées dans leurs salaires. Si l’on additionne l’inquiétude sur les retraites, la baisse des effectifs - centrée sur le secondaire -, la réforme du lycée avec la réécriture des programmes et un pouvoir d’achat à peine dopé par les heures supplémentaires, on obtient cette équation traditionnellement synonyme de tension sociale. »

Or, il convient de rappeler que cette « tension sociale » a trouvé des voies d’expression sur la gauche durant les grandes manifestations de la Fonction Publique, le 10 octobre 2017, le 22 mars et 22 mai 2018, ou encore le 9 octobre 2018, où les taux de grévistes dans l’Éducation Nationale ont été importants.

Crédits photos : ERIC FEFERBERG/AFP

 
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