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La Izquierda Diario
20 de novembre de 2018 Twitter Faceboock

A quand un véritable plan de bataille ?
Gilets jaunes : Martinez adapte son discours mais maintient la paralysie syndicale
Clément Alonso

Philippe Martinez secrétaire général de la CGT a changé de discours après le 17, mais ne propose toujours pas de plan de bataille conséquent pour donner une expression à la colère sociale montante, et ce face à un gouvernement de plus en plus affaibli.

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Crédits photo : JOËL LE GALL / OUEST-FRANCE

Un discours légèrement modifié…

Vendredi 16 novembre sur France Inter, Philippe Martinez déclarait qu’il était impossible de défiler avec les gilets jaunes, à cause de la récupération politique de l’extrême droite mais aussi patronale. « On sait bien que derrière le ’non à l’augmentation des taxes’, il y a un certain nombre de patrons qui dans (les) taxes mettent les cotisations sociales par exemple » a-t-il déclaré. Une position qui interroge par ailleurs lorsque l’on sait que la CGT a décidé de faire front commun avec le Medef pour soi-disant face au gouvernement Macron et que dans bien d’autres cas elle ne se gêne pas pour apparaitre comme un « partenaire social » du patronat.

Le 17 novembre, invité sur Europe 1, Martinez met de l’eau dans son vin en qualifiant le mouvement de « légitime » et « reflet de la colère des Français », tout en dénonçant la récupération d’extrême droite. « Chacun a le droit de s’exprimer » a-t-il dit à propos des militants CGT partis manifester aux côtés des gilets jaunes.

… Mais toujours pas de plan de bataille

En réaction à la colère des gilets jaunes qui s’exprime aujourd’hui autour de la hausse du prix du carburant, ce dernier a mis en avant la nécessité d’augmenter les salaires :
« Pourquoi on ne parlerait pas augmentation des salaires ? En cette fin d’année, le gouvernement va revoir la question du Smic. Pourquoi en termes de mesures pour aider le pouvoir d’achat on n’annoncerait pas une augmentation de ce salaire minimum ? ». Proposant l’augmentation du Smic de 1498 € brut mensuel à 1800 € brut mensuel, soit un passage de 1186 € à 1425 € net mensuel.

Si, face aux problèmes du pouvoir d’achat et de la cherté de la vie, qui minent notre classe ainsi que les classes moyennes, rurales, mais aussi les retraités et la jeunesse, il est effectivement juste et urgent de revendiquer la hausse des salaires – et pas seulement la baisse du prix du carburant – cette position est en l’état actuel totalement déconnectée de la colère qui s’exprime puisqu’elle n’est accompagnée d’aucun plan de bataille permettant d’obtenir ces hausses et de faire reculer le gouvernement et ses mesures antisociales.

De plus, parallèlement à cette revendication de hausse des salaires, des revendications répondant directement au problème de la hausse du prix du carburant et plus généralement au matraquage fiscal, pourraient et devraient être mises en avant par la CGT et les autres organisations syndicales pour dialoguer avec la colère des gilets jaunes et des secteurs mobilisés. A savoir beaucoup d’habitants des zones rurales excentrées, ainsi que les classes moyennes péri-urbaines des grandes villes, qui sont obligés de prendre leur véhicule pour travailler ou se déplacer et qui sont les premières victimes de la détérioration des services publics.

Parmi elles, la réclamation de l’abolition de la TIPP (Taxes Intérieure sur les Produits Pétroliers) mais aussi de tous les impôts indirects, comme les péages et la TVA. Ainsi que la mise en place d’une fiscalité réellement progressive qui taxe les grandes fortunes et le capital. Et face à la « fiscalité écolo » de Macron, il faudrait également exiger la nationalisation sous contrôle ouvrier de Total et de l’ensemble des groupes pétroliers qui se nourrissent du carburant cher, ainsi que l’instauration d’un service public des transports gratuit. Une revendication qui prendrait tout son sens dans le contexte actuel, après l’instauration en force du pacte ferroviaire, et qui permettrait de faire le pont avec des secteurs du monde du travail comme les cheminots, qui attendent patiemment la « deuxième mi-temps » de la bataille du rail.

De telles revendications, suivies d’un plan de bataille visant à mettre en action et entraîner des secteurs du monde du travail, permettraient de donner une issue progressiste et de classe à la colère montante, à l’opposé des intérêts de la droite et de l’extrême droite.

Cependant aujourd’hui, la seule perspective que propose la CGT, en dehors de ses déclarations incantatoires, c’est un appel « à tous les citoyens » à se joindre à la traditionnelle manifestation des chômeurs, prévu le 1er décembre prochain. Ce qu’elle propose n’est dès lors rien d’autre qu’une nouvelle journée d’action isolée, ce qui n’a historiquement jamais permis de faire reculer les gouvernements et de remporter des batailles conséquentes. Cette journée d’action isolée, appelée bien en amont du mouvement du 17, apparaît comme une date atemporelle, totalement déconnectée de la situation actuelle, de la colère qui s’exprime et de son caractère potentiellement explosif. Dans la continuité de sa politique, la CGT reste en extériorité du mouvement en cours, ne cherchant pas à y intervenir et apporter des perspectives.

Une position qui couvre le gouvernement et laisse le champ libre à l’extrême droite

La politique menée actuellement par la CGT et les autres confédérations syndicales enlève de fait une épine dans le pied du gouvernement Macron, pourtant plus affaibli que jamais. Philippe Martinez a effectivement seulement « rougi » son discours, ceci afin de masquer sa complicité indirecte avec Macron et d’essayer de placer la CGT comme l’interlocuteur responsable en vue d’éventuelles futures négociations. 

Or, si le mouvement du 17 était investi par le mouvement ouvrier organisé, par ses revendications et ses méthodes de luttes – la grève, l’auto-organisation – il est évident que la donne serait différente et la perspective de battre en brèche Macron et ses politiques antisociales plus que probable. Cet investissement serait également le meilleur moyen de chasser la droite et l’extrême droite du mouvement et d’apporter une réponse, sur la gauche, à l’hétérogénéité et aux contradictions qui s’expriment aujourd’hui chez les gilets jaunes.

Si Martinez affirme être inquiet de l’influence de l’extrême-droite, il devrait en effet en urgence proposer un plan de bataille et un programme de revendications ouvrières contre le patronat et le gouvernement. Autrement, il ne s’agit que de paroles en l’air impuissantes, voire complices par inaction, de la progression des idées réactionnaires au sein des classes populaires.

 
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