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La Izquierda Diario
26 de novembre de 2018 Twitter Faceboock

Après le bâton, la carotte ?
La ministre Girardin se rendra à la Réunion... les mains (presque) vides
Julien Anchaing

La ministre de l’Outre-Mer se rend à La Réunion les mains (presque) vides. Objectif : mater la mobilisation avant qu’elle n’inspire les autres territoires coloniaux et la France.

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Credit photo : AFP

Le mouvement des gilets jaunes à la Réunion a été l’expression, par la radicalité qu’a réveillée la hausse des prix du carburant, d’un profond malaise social dans l’île et le facteur d’une politisation de masse de ses habitants. En passant d’une prétendue situation d’absolue passivité (qui, comme nous l’avons déjà montré dans différents articles, exprimait déjà à travers de nombreuses manifestations ponctuelles de profondes contradictions naissantes dans l’ambiance politique de l’île) à une situation de semi-insurrection, le mouvement réunionnais inquiète. D’une part, parce qu’il peut gangrener, et qu’il inspire déjà en métropole comme dans les outre-mer. Loin d’un essoufflement, il a le vent en poupe et a déjà prévu de se durcir, provoquant la perte absolue de contrôle de la part du préfet et la nécessité d’une intervention directe de la ministre. Ensuite, parce que la situation économique de l’île devient de plus en plus critique.

Alors que la carte de la répression violente, organisée par différents bataillons militaires de gendarmes envoyés directement de la métropole et de Mayotte, soutenus par un bataillon de l’armée de terre, a peine à montrer ses fruits, Annick Girardin a annoncé sa venue pour le 28 novembre sur l’île. Elle exige du préfet Amaury de Saint Quentin une baisse du prix de l’essence de 12 à 13 centimes comme première mesure d’urgence pour essayer de contenir le mouvement des gilets jaunes et le diviser.

Elle est loin cependant d’imaginer la profondeur de la situation actuelle à la Réunion. Le mouvement des gilets jaunes réunionnais n’en est pas à son essoufflement. Tout au contraire, il a déclaré pour ce lundi après l’annonce de la venue de la ministre des outre-mer la nécessité de radicaliser les blocages afin de poser une relation de force réelle contre toute manœuvre du gouvernement, demandant une audience publique et télévisée des négociations.

La ministre reste muette quant aux mesures qu’elle compte mettre en place sur le territoire pour calmer la situation. Pierrot Dupuy, dans un article pour Zinfos974, nous explique qu’une des propositions possibles serait la suppression de l’amendement Virapoullé de la constitution, qui interdit l’évolution institutionnelle et juridique possible de l’île, à la différence des processus des années 2000 qui avaient abouti à la mise en place, en Martinique par exemple, d’une assemblée unique, sorte de machinerie juridique qui vise à l’accalmie de l’île par voie institutionnelle, souhaitant supprimer le conseil général et le conseil régional pour n’en faire qu’une seule chambre possiblement menée par un exécutif.

C’est une manœuvre institutionnelle qui n’a en réalité aucun fondement d’avancée contre la dépendance de l’île à sa métropole, et qui souhaite coopter les tendances insurrectionnelles actuelles dans une sorte de nouvelle chambre antidémocratique où se concentreraient les décisions des grands magnats de l’île et de ses élus fantoches.

Il est vrai que la crise actuelle de l’île a posé les bases d’un saut de conscience d’une partie de la population contre la répression, et fait exploser un mal-être de longue date envers des ennemis concrets : Ibrahim Pattel hué par la foule à la préfecture, François Caillé (descendant des grandes familles coloniales arrivées au début du XIXe siècle et PDG de Caillé Automobile) forcé à se prononcer sur Europe1 et à expliquer ouvertement qu’il recrute des “zoreils” parce que les Réunionnais diplômés ne veulent ni rentrer dans leur territoire ni travailler, et toute l’armature patronale soutenue par une élite locale corrompue commence à exprimer ces peurs.

La fracture sociale et le caractère colonial de la relation de l’île avec la métropole font partie d’une expérience pour une partie des masses réunionnaises qui est en train de vivre un moment de radicalisation sans précédent, et ce ne sont pas quelques miettes et une collectivité unique qui représenterait la plus haute bourgeoisie de l’île qui y changeront sa profondeur. Les Réunionnais doivent dénoncer ces manœuvres et exiger un réel plan d’urgence économique, impliquant l’ouverture des comptes des grands entrepreneurs réunionnais, la mise en place d’une semaine de travail de 32 heures pour lutter contre le chômage et la contractualisation du travail au noir. Pour l’obtenir, il doivent exiger de leurs organes syndicaux de prendre part à leur lutte, et appeler à la solidarité dans la lutte aux travailleurs de toutes les colonies et de la métropole.

 
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