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La Izquierda Diario
26 de novembre de 2018 Twitter Faceboock

Macron nous « protégera »-t-il des réactionnaires ?
Gilets Jaunes. Que se cache-t-il derrière la possible dissolution de groupes d’ultra droite ?
Philippe Alcoy

Le « combat » du gouvernement contre l’extrême-droite n’est qu’un prétexte. Il évalue en réalité la meilleure façon de s’attaquer à l’ensemble du mouvement Gilets Jaunes.

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Crédit Photo : Serge D’ignazio.

Du grotesque, le gouvernement est passé au pathétique. Ses ministres ont à plusieurs reprises essayé de faire l’amalgame entre le mouvement des Gilets Jaunes et les organisations d’extrême-droite. Même la presse la plus « adepte » de Macron s’en rend compte et demande que l’on arrête avec ce numéro pathétique et désespéré.

Cependant, le pathétique devient de plus en plus dangereux. On a vu la répression sur les Champs Élysées ce week-end, avec plus de 5 000 grenades lacrymogènes lancées contre les manifestants, des flashballs et même des grenades léthales.

Mais cela ne s’arrête pas là, le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, a déclaré à CNews à propos des affrontements qui ont eu lieu sur les Champs Élysées samedi et l’infiltration des groupes d’extrême-droite : « Ces groupes d’ultra-droite font l’objet (...) de toute l’attention des services centraux et il n’est pas exclu qu’interviennent des décisions de dissolution de tel ou tel groupe ».

Alors que certains pourraient se féliciter de ces déclarations et de la volonté de la part des autorités de soi-disant combattre l’extrême-droite, en réalité cette position représente un grand danger. Elle s’inscrit en effet dans la continuité de la manœuvre gouvernementale présentant le mouvement des Gilets Jaunes comme fortement influencé/manipulé par « l’ultra-droite » pour mieux trouver des voies pour légitimer l’autoritarisme et pouvoir ensuite s’attaquer à l’ensemble des Gilets Jaunes, aux organisations d’extrême-gauche (dont une grande partie soutient et participe au mouvement) ainsi qu’aux organisations syndicales si nécessaire.

Ils veulent déformer l’expression d’une haine populaire contre les inégalités

Le mouvement des Gilets Jaunes est parti de la question de la hausse du prix de l’essence mais est très rapidement devenu une expression du mécontentement populaire contre les inégalités et « l’injustice fiscale », mais aussi contre la précarité, le chômage et le faible pouvoir d’achat des classes populaires. Depuis quelques jours une autre « petite musique » s’installe aussi avec une grande force : « Macron démission ! ».

La composition sociale du mouvement montre aussi qu’il ne réunit pas que des « classes moyennes », précarisées et dont le mécontentement est plus que légitime, et ne se réduit pas à la « France rurale » non plus, même si elle est présente en masse. On note en effet la présence de travailleurs et travailleuses précaires, de salariés qualifiés avec des petites paies, de chômeurs, de jeunes et de retraités.

C’est pour cela que le gouvernement et les autorités étatiques tentent de déformer la réalité en insistant sur un prétendu complot semi-putschiste d’extrême-droite. « L’objectif premier de ces manifestants (...) c’est d’atteindre les institutions (…) Certains nostalgiques auraient aimé revivre un 6 février 1934 », déclarait le préfet de police.

Selon cette logique, les seuls qui auraient envie d’aller crier quelques vérités à Macron au palais de l’Élysée seraient les « nervis extrémistes », les seuls qui participeraient aux affrontements avec la police des « putschistes en puissance ». Rien de plus éloigné de la réalité. Mais il s’agit d’une tentative désespérée de diviser le mouvement, tout en le décrédibilisant dans son ensemble.

L’extrême-droite joue-t-elle un rôle au sein du mouvement ?

Y a-t-il des groupes d’extrême-droite agissant parmi les Gilets Jaunes et essayant de récupérer politiquement et électoralement le mouvement ? Oui. L’extrême-droite reste d’ailleurs l’un des grands obstacles à l’intérieur du mouvement. Comme le gouvernement, elle essaye également de canaliser la haine populaire contre les inégalités inhérentes au système capitaliste vers d’autres « cibles » qui n’ont rien à voir comme les réfugiés ; elle essaye de faire que la mobilisation des travailleurs et des classes populaires serve d’appui à des revendications patronales comme la baisse du soi-disant « coût du travail » (cotisations patronales pour les retraites, la sécurité sociale, etc.).

Une idée fausse circule chez beaucoup de « Gilets Jaunes ». Elle consiste à penser qu’il importe peu que l’on soit de droite, de gauche, d’extrême-droite ou d’extrême-gauche, si nous sommes tous « contre Macron et les taxes ». Au point que beaucoup scandent « la police avec nous » au moment même où celle-ci charge contre les manifestants.

Cette sorte « d’illusion » va probablement très rapidement se confronter à la réalité, notamment si le mouvement prend une tournure ouvrière et de classe de plus en plus marquée et s’il arrive à toucher des mouvements sociaux comme celui pour les droits des femmes ou celui des quartiers populaires, où une importante population étrangère ou d’origine étrangère vit dans la précarité et peut se lier aux Gilets Jaunes, comme le montre l’appel très progressiste du Comité Adama à manifester avec les Gilets Jaunes samedi prochain.

Dans un tel contexte les organisations et groupuscules d’extrême-droite essaieront d’agir pour diviser le mouvement, créer des incidents au sein des cortèges de manifestants qui « donneraient raison » aux accusations du gouvernement. En effet, le rôle essentiel de l’extrême-droite est celui d’être un appendice des intérêts patronaux.

Mais dans ce cas, ce sera aux manifestants Gilets Jaunes qui se battent contre ces idées réactionnaires, aux côtés des salariés et des jeunes précaires des quartiers, d’isoler et d’exclure ces agents de nos ennemis du mouvement.

Macron et l’État pour combattre l’extrême-droite ?

Peut-on faire confiance au gouvernement et à l’État pour combattre l’influence de l’extrême-droite ? Aucunement. Leur soudaine conversion à « l’antifascisme » n’est qu’une vieille manœuvre du pouvoir des riches. Alors qu’ils alimentent la haine raciale, les préjugés les plus nauséabonds, faisant le lit des idées réactionnaires de l’extrême-droite toute l’année, ils tentent maintenant de manipuler les sentiments « antifascistes », légitimes au sein de la société, pour discréditer un mouvement qui les vise directement.

En faisant semblant de s’attaquer aux réactionnaires le gouvernement veut alimenter sa fausse image de « rempart contre le fascisme ». Tomber dans ce piège serait désastreux, car ce gouvernement des riches ne cherche qu’à gagner du temps pour pouvoir mater toute contestation de sa politique. S’attaquer aujourd’hui à « l’ultra-droite » n’est qu’une étape avant de s’attaquer à l’extrême-gauche, aux syndicats et à tout mouvement progressiste.

On ne peut pas oublier non plus que ces institutions étatiques qui aujourd’hui feignent de « s’inquiéter » de la violence « extrémiste de droite » sont les même qui garantissent l’impunité de beaucoup des crimes de ces mêmes groupuscules. A quoi a servi la dissolution du groupuscule d’extrême-droite Troisième Voie, dont l’assassin de Clément Méric en 2013 était membre ou sympathisant, lui qui jouit aujourd’hui de la liberté conditionnelle en attendant son procès en appel alors qu’il n’a passé que 55 jours en prison ? Cette justice, ces institutions vont lutter contre ces groupes réactionnaires ? Une très mauvaise blague.

Si les références aux années Trente semblent de mise ces temps-ci, pour tous les manifestants du mouvement Gilets Jaunes il ne s’agit nullement de s’inspirer de la tentative de coup fasciste de février 1934 mais plutôt de la réponse ouvrière, grandiose, de juin-juillet 1936. Le mouvement de grève générale de 1936 a été une réponse formidable de la classe ouvrière face à la montée des forces fascistes. Les ouvriers, les classes populaires, ont arraché des concessions très importantes au patronat comme les congés payés, entre autres, même si les dirigeants du Front Populaire ont tout fait pour freiner la dynamique révolutionnaire qui s’était mise en place.

Une réponse ouvrière et populaire, massive, de ce type serait la meilleure façon non seulement d’imposer une défaite à Macron mais aussi de se débarrasser de l’extrême-droite dans le mouvement en la démasquant pour ce qu’elle est : un agent des riches, des banquiers, des gros industriels, des capitalistes.

 
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