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La Izquierda Diario
29 de novembre de 2018 Twitter Faceboock

« Pas de baguette magique »
A la Réunion, les propositions cosmétiques du gouvernement attisent encore plus la colère
Yano Lesage

Comme son homologue, François de Rugy, en métropole, Annick Girardin, ministre des Outre-Mer envoyée sur l’île de la Réunion « entend la colère » des Gilets Jaunes « péi » mais n’y répond pas. Sans « baguette magique » prétend-t-elle, elle s’est contentée de déclamer une série de mesures dites sociales et déjà prévues par le Plan Pauvreté.

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Voilà près de 13 jours que l’île de la Réunion est paralysée par la mobilisation exceptionnelle des Gilets Jaunes « péi » (réunionnais, du pays en créole) remontés contre la vie chère (des prix 7 % plus chers qu’en Métropole, et 37 % plus chers pour les produits alimentaires) dans un département d’outre-mer qui compte 42 % de sa population vivant sous le seuil de pauvreté.

Stop de la hausse et répression

Dès les premiers jours, face à l’ampleur inédite des blocages et du mouvement, le conseil régional de l’île, en accord avec l’État, a reculé en levant la hausse de la taxe sur le carburant qu’il avait lui- même votée quelques mois plus tôt. Simple goutte de trop, la suppression de cette augmentation sur les carburants n’est pas parvenue à faire rentrer les manifestants dans le rang. D’autant qu’en parallèle, le gouvernement en lien avec le préfecture de l’île décidait d’un couvre-feu et de l’envoi d’escadrons de gendarmerie depuis Mayotte et la métropole. « Nous serons intraitables » avait annoncé Emmanuel Macron au sujet de la Réunion lors de son allocution devant les maires de France. Une décision qui a mis de l’huile sur le feu : la recrudescence des blocages dès lundi, et les Gilets Jaunes, en nombre qui continuent de bloquer les axes stratégiques de l’île comme le Port Est et font reculer les forces de l’ordre, obligent les autorités à revoir leur réponse.

Premier recul et comité d’accueil pour Girardin

Premier recul dès lundi, lorsque la préfecture décide de la levée du couvre-feu, et annonce par arrêté préfectoral, à la demande de la ministre des Outre-Mer, Annick Girardin, d’une baisse des prix des carburants et du gaz domestique : - 13 centimes sur le litre de Super, - 7 centimes sur le gazoil et -133 centimes sur le gaz butane depuis mardi.

Cette deuxième victoire des Gilets Jaunes « péi », après la suppression de la hausse de taxe, n’entame en rien le mouvement. Bien au contraire déterminé à obtenir des avancées de taille et non quelques miettes, les Gilets Jaunes étaient prêts pour la venue de la ministre des Outre-Mer, Annick Girardin : près d’une trentaines de points de blocages, concentrés sur les zones stratégiques comme le Port Est, et un comité d’accueil très nombreux à la sous préfecture de Saint Pierre où la ministre devait se rendre, l’attendaient en guise de « bienvenue ». Les manifestants ont même tenté de lui adresser directement leurs revendications en essayant de pénétrer dans le bâtiment préfectoral avant d’être repoussés par les forces de police. De plus, si mercredi soir, le Rectorat a décidé de la réouverture des établissements scolaires contre l’avis des organisations syndicales enseignantes, beaucoup de communes ont choisi de ne pas rouvrir leurs écoles et leurs crèches. Le retour à la normale et à l’ordre à marche forcée rencontre la résistance des salariés et des manifestants.

Nouvelles formules et vieilles mesures

Après la répression féroce, l’heure était cette semaine au changement de ton. « Plus jamais La Réunion ne fonctionnera pareil : parce que vous avez pris la parole, parce que vous avez des propositions » a déclaré Annick Girardin sur un barrage mercredi. Tournant à 180 degrés du gouvernement : après les déclarations martiales du président la semaine dernière, l’émissaire gouvernemental cherche à donner des signes d’apaisement.

Seulement en apparence cependant. Car tout en assurant « ne pas avoir de baguette magique », la ministre a, mercredi soir, énuméré une série de mesures sociales qui n’ont pas eu de grands échos auprès des Gilets Jaunes réunionnais. Hormis l’annonce de l’ouverture de 1 500 places de crèches, toutes les mesures annoncées par la ministre sont d’ores et déjà inscrites dans l’agenda gouvernemental dont Annick Girardin est venue faire le service après vente sur les piquets.

La mise en place des « Point Conseil Budget - « pour accompagner les familles dans la gestion de leur budget » - et l’instauration des petits déjeuners gratuits dans les écoles sont déjà inscrits au Plan Pauvreté. Autre mesure mises en avant par la ministre : la revalorisation de l’allocation adulte Handicapé et du minimum vieillesse, pour atteindre l’objectif de 900 euros, le gel de la hausse de la CSG pour les retraités les plus modestes ou encore la baisse de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Mais aussi, les exonérations de cotisations sociales adoptées dans le projet de loi de finance 2018 ou encore la promesse d’une prise en charge à 100 % des frais de lunettes et de prothèses dentaires et auditives, mises en avant dans le très contesté Plan Santé d’Agnès Buzyn qui fera la part belle aux mutuelles privées. Rien de nouveau sous le soleil, donc. La ministre des Outre-Mer n’a fait que répéter la litanie du « Projet » gouvernemental. De la « pédagogie », de la « pédagogie » et cette bonne dose de mépris dont la Macronie a le secret.

Une fois de plus, le gouvernement fait la sourde oreille en prétendant « entendre », psalmodie ses vieilles recettes néo-libérales sans écouter les revendications à la justice sociale et fiscale, à la revalorisation des salaires et du SMIC, au renforcement des services publics. Le Conseil National du Logement de la Réunion se déclare déjà déçu de ses annonces, par la voix de son administrateur Erick Fontaine : face à la crise sociale que traverse la Réunion, il les trouve largement insuffisantes et n’hésite pas à les commenter avec humour : « Dans le Plan Pauvreté, on note l’ouverture de 400 points conseil budget, pour aider les familles, et notamment les mères seules à mieux gérer leur budget et à faire des économies sur leurs différents contrats. Autrement dit, quand on n’a plus d’argent, on vient nous expliquer comment mieux gérer 0 euro ! ». Au contraire, il réclame, l’augmentation, à nouveau, des APLs, des mesures pour « les jeunes en alternance », pour les 4 000 étudiants à la recherche de logement, la baisse des prix des loyers dans le secteur social ou encore le retour du remboursement des médicaments et la fixation des tarifs du gaz et de l’électricité pour les loyers modestes.

Les gilets Jaunes réunionnais ne semblent donc pas dupes de l’autisme gouvernemental. « Vous avez raison de crier votre colère, je suis là pour l’entendre », avait lancé la ministre. Déçus de ces annonces, il se pourrait bien qu’ils la prennent au mot, comme ils l’ont déjà montré en renforçant les blocages à l’occasion de sa venue.

Crédit Photo Richard Brouhet / AFP

 
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