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La Izquierda Diario
13 de décembre de 2018 Twitter Faceboock

Diviser et décribiliser pour mieux régner
Faire des gilets jaunes un mouvement complotiste, la carte joker du pouvoir
Marion Ette

Après l’attaque de Strasbourg, l’émotion était palpable chez les gilets jaunes. De sortes qu’un grand nombre de message fleurissaient sur les réseaux sociaux. Des messages de soutien et même l’organisation de minutes de silence en vue de l’acte 5. Mais aussi un certain nombre de messages, parfois confus, parfois flirtant avec le complotisme. C’est de ces derniers dont le gouvernement et les médias ont fait leur chou gras. L’objectif : tenter d’enraciner dans l’opinion public l’image selon laquelle les gilets jaunes est un mouvement complotiste.

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Crédits photo : Source, un graffiti fait à Miami.

Le complotisme. Affubler le mouvement des gilets jaunes du label « complotiste » est la dernière carte joker dans la manche du pouvoir. Être taxé de complotisme, c’est être le dernier des cons, dangereux pour la démocratie, même directe, incapable de raisonnement. Lobotomisé. Qui, parmi les "raisonnables" pourrait vouloir se retrouver politiquement associé à des élucubrations parlant d’illuminati et de reptiliens ? Personne. Même et surtout parmi celles et ceux qui luttent contre les réformes antisociales de ce gouvernement. Complotiste c’est infamant, et pour des raisons loin d’être absurdes, car quand on entre dans cet engrenage, on se risque à perdre la capacité à développer un raisonnement politique cohérent, seule à même de formuler une issue progressiste aux maux de cette société. Surtout, c’est une étiquette qui s’appose très facilement, sur toute personne qui cherche des liens entre les différents acteurs du "système" sans disposer des clés de lecture nécessaires à la compréhension du jeu d’échec, largement voilé au grand public, un jeu dans lequel s’insèrent les classes dominantes. Les idées complotistes ne sont qu’en définitive que le miroir de cette société où les repères politiques sont brouillés, où la lobotomisation par les grands médias est de mise.

Il n’est en aucun cas question de prétendre ici que l’attaque de Strasbourg a été commandité, ou au contraire simulé, par les équipe de Macron. Mais nul besoin d’être complotiste en revanche pour s’interroger sur la manière dont le pouvoir, avec l’aide des grands médias, INSTRUMENTALISE ce terrible évènement. Avec leur traitement biaisé de l’information, les grands médias légitiment et participent activement à l’opération d’instrumentalisation de ces attaques par le gouvernement s’appuyant sur l’émotion et la colère légitime. Un deux poids deux mesure qui s’illustre clairement lorsque l’on voit que les médias ne disent rien des blocages qui continuent et surtout pas des opérations de déblocages de rondpoints (Bandol hier soir par exemple) et fait passer des brèves annonçant en une phrase « des blocages de moins en moins nombreux ». Nul besoin de prétendre que le gouvernement a commandité l’attaque pour être révulsé par le comportement du pouvoir : traiter les morts de Strasbourg comme un chiffon rouge qu’on agite pour exiger des gilets jaunes qu’ils cessent d’exprimer leur colère et arrête de manifester, voilà ce qui est véritablement déplorable. Le pouvoir détourne l’attention pendant qu’il lance les forces de l’ordre sur des gilets jaunes en blackout médiatique (au risque d’ailleurs de faire d’autres morts, vu les armes utilisées). L’irrespect aux morts et à la ville endeuillée il est LA, bien plus que dans le réflexe confus de défense qu’ont eu bon nombre de gilets jaunes hier soir en sentant venir la manœuvre politique.

D’autant que le complotisme, l’Etat n’y est pas toujours opposé et, quoiqu’il s’en défende, le pratique allègrement. Julien Coupat arrêté à Paris la semaine dernière, après avoir passé plus de 10 ans de sa vie à se battre au tribunal contre les théories complotistes que l’Etat avait décidé de lui mettre sur le dos. François Ruffin contre qui on ouvre une enquête pour sédition. Soutenir et appeler les gilets jaunes à manifester face à un système profondément illégitime et injuste pour les services de renseignement c’est être un séditieux. On rappellera, pour mémoire que l’instauration de l’Etat d’urgence permanent, a avant tout été utilisé pour faire des descentes dans les milieux militants afin de confisquer matériel et de rendre la vie impossible à des personnes engagées contre le pouvoir politique et ses réformes.

Encore une fois, il n’est pas question de défendre le complotisme, qui est effectivement un détournement du doute et de la raison, mais il est impératif de s’interroger sur l’utilisation de cette étiquette par les classes dominantes. Car en l’état elle est profondément classiste, et activement utilisée pour des buts politiques de domptage d’un corps social un peu trop agité par les évènements politiques du moment. Gilets Jaunes, en ce matin de flottement, rien ne sert de s’appesantir sur tous les points « louches » qui pourraient nous donner envie de pousser les analogies Macron-Underwood en se disant qu’une révélation de ce type pourrait faire tomber les châteaux de cartes construits pas le pouvoir politique en place. C’est très tentant, mais cela fait partie du piège politique (bien réel lui). A ce jeu-là ils sont plus forts que nous. Là où nous sommes imbattables en revanche, c’est dans la création de solidarités et de collectivités par la lutte. Depuis un mois ce mouvement les déborde. Continuons !

 
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