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La Izquierda Diario
22 de décembre de 2018 Twitter Faceboock

« La butte rouge, c’est son nom… »
Montmartre. Quand des Gilets Jaunes ravivent le souvenir de la Commune de Paris
Claude Manor

Dans un mélange issu de lointains souvenirs d’histoire, de récits familiaux, de chanson peut-être, des Gilets Jaunes, poussés par un désir de radicalité profonde, convoquent pêle-mêle le souvenir de la révolution de 1789 et celui de la Commune de Paris.

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Crédits photos : KatyushaRyzh

Le mouvement ne cesse de se radicaliser

Entre le mot d’ordre contre « la hausse des carburants » qui a lancé le mouvement sur internet, il y a près de deux mois, et ce tag posé aujourd’hui sur les murs de Montmartre : « Commune de Paris 1781, Gilets Jaunes 2018 », quel chemin parcouru !

Dans sa confusion historique, où 1871, année de la Commune, se transforme en 1781, ce tag est touchant et fort. De la révolution bourgeoise de 1789, il garde le 178, et de la brûlante expérience communarde de 1871, le 1. Peu importe la connaissance impeccable de l’histoire, ce qui compte c’est l’expression d’un profond sentiment « révolutionnaire », d’une volonté de continuité de la lutte pour l’émancipation des couches opprimées.

Le mouvement des GJ, même s’il refuse tout cadre politique connu, est en mal de référence. De la révolution de 1789, avec son drapeau tricolore et sa Marseillaise, aux recettes de pseudo démocratie directe comme le RIC, il se cherche un horizon politique. Au-delà de ce brouillard, ce qui est sûr, c’est qu’un seul cri unit les Gilets Jaunes sur les ronds-points comme dans les manifs : « Macron, démission ». Et quand ils disent Macron ce n’est pas seulement ce personnage détestable dont tout le monde s’accorde à stigmatiser le mépris et l’arrogance, c’est bien de « Macron et son monde » qu’il s’agit.

A sa manière, ce tag pose une véritable question aux Gilets Jaunes d’abord, mais aussi et peut-être surtout, aux « Gilets Rouges ». En investissant les pentes de Montmartre, cette « Butte Rouge » que chante le souvenir des communards, il propose une autre référence, celle de la commune de Paris et de sa détermination révolutionnaire.

C’est ce qui pousse Thomas Guénolé, qui a relayé la photo de ce tag, à poster ce message : « Si on m’avait dit en juin que dans 6 mois, un soulèvement populaire prendrait le temps de revendiquer sa filiation avec les insurgés de la Commune de Paris… Merci aux Gilets jaunes. J’éprouve un mélange d’émotion, de soulagement et de gratitude ».

De la commune, une image de courage et de détermination

Le souvenir de la Commune de Paris, entre le mythe et l’expérience historique, reste puissant dans nos imaginaires. Le courage, la détermination, la fraternité, le sang, les morts y sont pour beaucoup bien sûr, mais surtout cet exemple universel d’une population affamée, écrasée, méprisée qui n’a plus rien à perdre et qui s’est montrée prête aux plus grands sacrifices pour prendre sa destinée en mains et défendre un modèle de société « communiste ».

A la suite de la chute de Napoléon III et du siège de Paris par les troupes allemandes, un violent affrontement a opposé pendant deux mois, de mars à mai 1871, les insurgés parisiens, principalement des ouvriers de toutes corporations, considérés comme « rouges », aux forces de répression de la nouvelle Assemblée nationale, à majorité monarchiste, qui comptait sur un armistice et l’appui de l’Allemagne pour venir à bout de cette menace intérieure. Cette insurrection a été sauvagement réprimée et s’est achevée par une « semaine sanglante ».

Au total, il y a eu, selon les sources, entre 30 000 et 100 000 morts. Près du tiers, en moyenne, des ouvriers des différentes corporations ont disparu. Particulièrement les plombiers, couvreurs et zingueurs dont les corporations ont été pratiquement exterminées. A ces morts se sont ajoutées près de 40 000 arrestations qui ont donné lieu à une lourde répression judiciaire menée, en vertu de l’état de guerre, par la justice militaire.

A l’heure où le gouvernement de Macron n’hésite pas à donner un tour de plus en plus « militaire » à la répression, notamment avec l’usage de blindés et d’armes potentiellement mortelles et avec une surabondance de forces mobilisées, l’évocation de la commune de Paris, même si la situation n’est pas aussi violente, est évidemment un signal de détermination à ne pas se laisser écraser par les forces grandissantes que Macron mobilise.

Au-delà de la détermination, il nous faut une boussole

Le mélange du jaune et du rouge est évidemment plus qu’une question symbolique ou de volonté de se battre. Si les revendications des GJ n’ont cessé de se radicaliser depuis toutes ces semaines qui s’enchaînent, une question reste posée. Celle d’une véritable boussole politique, clairement orientée vers l’indépendance de classe et l’opposition non seulement à l’Etat mais surtout à ses maîtres, les patrons capitalistes.

L’orientation prise par Macron et ses propositions que tout le monde qualifie de « mesurettes » sont l’occasion de reposer la question de fond : quelle stratégie politique pourra contraindre le pouvoir à renoncer aux « réformes » exigées par le Medef et les intérêts des multinationales capitalistes ? S’il faut chasser Macron, il faudra aussi se prémunir de tous les Macrons que la bourgeoisie capitaliste tient en réserve. Au-delà des aménagements institutionnels, voire constitutionnels, que les uns ou les autres peuvent mettre en avant, la question d’une organisation des travailleurs radicalement indépendante et « d’un autre monde » est posée. C’est ce que la Commune, malgré sa courte vie, a eu le courage de penser et de mettre en pratique.

 
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