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La Izquierda Diario
26 de décembre de 2018 Twitter Faceboock

Entre faux semblants et vraie barbouzerie
Voyage(s) au Tchad : Le ton monte entre Benalla et l’Elysée
Claude Manor

« L’affaire Benalla », qui a fait trembler l’Elysée pendant l’été, a semblé refluer avec la mise en examen et le limogeage du trop compromettant Alexandre. Mais un « malencontreux » voyage au Tchad relance la machine. L’Elysée se défausse, Benalla menace ; la Macronie n’en a pas fini d’être secouée par les profondeurs houleuses de l’affaire…

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Photo : AFP 2018 Thomas SAMSON

Pas de trêve des confiseurs pour les démarcheurs de la France-Afrique

Loin, très loin des gilets jaunes, Macron est parti tenter de redorer, pour quelques heures, son blason en réveillonnant auprès des forces militaires françaises Barkhane. Mais coup de tonnerre, lundi 24 décembre, Le monde révèle, d’après une lettre du Continent, qu’Alexandre Benalla s’est rendu lui aussi au Tchad début décembre, accompagné d’une demi-douzaine d’autres personnes, pour une visite à N’Djamena. Il y aurait rencontré le frère du président, Oumar Déby qui est notamment chargé des approvisionnements militaires du pays. Y aurait-il un lien entre les deux voyages et qu’allait faire Benalla auprès d’Oumar Déby ? De quoi poser beaucoup de questions et lancer une large rumeur.

Pressé de déminer le terrain, l’Elysée prend les devants et dès le lendemain déclare : « Quelles que soient les démarches qu’entreprend M. Benalla, il n’est pas un émissaire officiel ou officieux de la présidence de la République. S’il se présentait comme tel, il est dans le faux ». Et avant même que quiconque émette ouvertement une telle supposition à propos de Benalla, l’Elysée affirme : « Nous n’avons jamais d’intermédiaires dans les relations que nous entretenons avec les chefs d’Etat africains ». Il précise que dans le cas où le président donne un mandat, c’est soit au ministre des Affaires étrangères, soit à la cellule diplomatique.

L’affaire aurait pu en rester là, mais Benalla choisit de réagir et de hausser le ton, offensé qu’il est par les propos de « l’entourage du président ». S’adressant à l’AFP, il accuse : « Je ne peux accepter de tels propos prononcés par certaines personnes de l’entourage du président de la République ». Et de les qualifier de « diffamatoires », « calomnieux » et" irresponsables ». Mais il ne se contente pas de se défendre, il attaque. Selon lui, les précisions de l’Élysée sur son voyage n’ont qu’une intention, saccager sa vie et lui nuire. Décidé à mettre de l’huile sur le feu, il a prévenu qu’il « ne se tairait plus » et qu’il allait « charger ses avocats de saisir le procureur de la République ».

Les éclaircissements de Benalla : des réponses mais encore plus de questions

Le plus extraordinaire est que l’Elysée et Benalla sont au moins d’accord sur un point : il n’y avait aucun mandat officiel de l’Elysée à Alexandre Benalla et mieux que ça, « il ne savait même pas que le président allait aussi au Tchad » ! Il explique : « Je suis allé au Tchad, accompagnant une délégation économique étrangère dans le cadre d’investissements ». L’Elysée, quant à lui, aurait certes été prévenu de ce « voyage » mais seulement une semaine auparavant, alors que des rumeurs commençaient à apparaître. Alors pourquoi ces précautions oratoires de l’Elysée et pourquoi une telle surenchère de Benalla ?

L’argumentation étant un peu courte, Benalla apporte quelques précisions notamment par l’intermédiaire d’interviews accordées par son entourage à l’Express et à l’AFP :

Oui il s’agissait bien d’une délégation d’industriels étrangers qui se rendaient en voyage « d’affaires », porteurs d’un projet industriel d’environ 250 millions d’euros avec 3 000 emplois au Tchad à la clé. Ce sont des chefs d’entreprise qu’il aurait connus avant 2012 et qui seraient restés dans son carnet d’adresses. Depuis, les liens se sont-ils poursuivis, voire accrus, au point d’aboutir à cette délégation ? Il ne le dit pas.

Non, ce n’est pas de sa poche qu’il a payé ce voyage somptuaire mais grâce à ces industriels eux-mêmes qui ont financé leurs propres dépenses.
Normal pour un tel investissement !

Non, contrairement à ce que disait la lettre du Continent, il n’a pas rencontré Oumar Déby, frère du président, mais il a passé « deux heures » avec le président lui-même, Idriss Déby, qui aurait d’ailleurs « découvert sa présence » quand il est entré dans son bureau.
Il est gonflé quand même cet Alexandre ! Il est vrai qu’il se vante d’avoir construit son univers de consultant en entrant par les fenêtres quand on lui fermait les portes.

Si tout est clean, pourquoi un tel « acharnement » de l’Elysée ?

Il est à noter que Benalla, dans sa diatribe contre l’Elysée, n’a jamais nommé Macron lui-même. Il s’est contenté de parler de « son entourage ». Il n’a d’ailleurs pas voulu nommer ces personnes qui veulent sa peau en « l’empêchant de voyager » et d’exercer son « métier de consultant » voire de se reconvertir dans le monde des affaires.

L’hypothèse qu’il avance, face à la question de l’Express, c’est que certains seraient effrayés par ses liens avec le très sulfureux Djourhi. Rappelons que ce dernier est sous le coup d’ une procédure d’extradition à la demande de la justice française, dans le cadre de l’enquête sur le financement lybien de la campagne de Sarkozy en 2012. Une manière de reporter les préventions qui pèsent sur lui, à l’avant macronisme ?

Quoiqu’il en soit, la montée du conflit entre l’Elysée et Benalla à propos de ce voyage au Tchad ne laisse pas d’interroger. Depuis le début de l’affaire, en juillet dernier, Macron n’a cessé de s’empêtrer et de changer de braquet pour tenter de se décoller de cette gênante barbouze qu’il a lui-même mise en selle.

Lors du premier épisode de « l’affaire Benalla », le chef de l’exécutif n’a jamais été en mesure d’apporter la moindre clarification sur les mystérieuses missions de cet homme, de toute évidence proche de lui. De simple homme de main potentiel, barbouze chargée de basses œuvres contre des manifestants, il est apparu progressivement comme beaucoup plus intelligent et influent qu’il n’y paraissait au prime abord. Malgré son éviction des couloirs de l’Elysée et sa mise en examen, si la passe d’armes à propos du voyage au Tchad produit un deuxième épisode de crise au sommet de l’Etat, il est vraisemblable que ce sont les profondeurs de la Macronie et de ses stratégies qui risquent d’être remuées.

Benalla a-t-il bluffé en menaçant de ne plus se taire ou bien représente-t-il une réelle menace au sein de la Macronie ? Affaire à suivre.

 
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