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La Izquierda Diario
26 de décembre de 2018 Twitter Faceboock

Témoignage
Une lycéenne raconte son réveillon aux côtés des Gilets Jaunes

Une lycéenne mobilisée a choisi de réveillonner ce 24 décembre aux côtés de ces "hommes et femmes en jaune" qui se battent depuis des semaines. Emue et déterminée, elle nous a fait parvenir son témoignage.

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Solidarité. J’oserais presque dire fraternité si ce mot, qui résonne aux côtés de ces belles valeurs chimériques que porte notre pays, n’avait pas été tant sali, et n’avait pas autant déçu les milliers de personnes qui pensaient et espéraient y trouver son application. Un rêve mensonger servi sur le plateau d’une devise prônée avec hypocrisie.

C’est donc de la solidarité, que j’ai ressenti en ce 24 décembre 2018, et pour la première fois de ma vie aussi intense, aussi sincère, et c’était aux côtés d’un groupe d’hommes et de femmes en jaune. Un Noël original, et marquant. Esprit de famille, esprit de lutte, esprit de partage et de camaraderie dans l’air apaisé, comme une trêve dans un combat qui s’affermit alors même qu’on parle dans les médias de relâchement, même d’essoufflement du mouvement en période de fête. Sauf que c’est tout l’inverse. En témoigne cette expérience, que nous avons été nombreux à vivre. Nombreux sont ceux qui, comme moi, sont allés partager la bûche ou le champagne du réveillon, pour marquer sous le prétexte d’esprit de Noël, notre solidarité et notre soutien à ceux qui nous font passer gratuitement au péage depuis des semaines qu’ils vivent dans des campements de fortune en bord de route, sur des rond points. Par ce geste symbolique beaucoup voulaient rendre hommage au courage de ces gens déterminés corps et âmes, en dépit des circonstances difficiles, des familles à entretenir, des affrontements violents, des violences subies non pas juste physiques, mais symboliques aussi, par le sentiment d’injustice, de mépris qu’ils sont nombreux à ressentir face aux déclarations du chef de l’Etat, pire, d’humiliation quand leur lutte est résumée à la casse où à l’affrontement avec les forces de l’ordre. Nous sommes nombreux à avoir rendu visite, d’une intention furtive, au bord d’un péage, sur un rond-point, dans des parkings, à ces femmes et ces hommes, quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, politiquement parlant autant qu’au sens premier ; et nous sommes nombreux à y être restés. Une poignée de main, un accueil chaleureux, des remerciements en applaudissements, une discussion, deux, puis trois, puis quelques verres et une chaise autour d’un feu, de la musique, de la danse, et on ne veut plus partir.

Lycéenne mobilisée, je suis de ceux qui suivent et soutiennent la lutte des gilets jaunes, sans toutefois en revêtir le signe distinctif. Je suis allée chercher ce que les médias ne veulent pas voir ou diffuser, et ce qu’on ne peut plus voir en manifestation tant on s’occupe à se protéger des lacrymo. C’est impressionnant de parler avec des gens sans filtre, et malgré les divergences de lignes politiques, les désaccords fondamentaux, de ressentir cette unité de discours, ces voix accordées et des opinions partagées par des personnes dont on veut nous faire croire de façon systématique, naturelle quasi biologique qu’il est impossible de les rassembler. Ces personnes, vivent ensemble et partagent, apprennent d’eux-mêmes depuis des semaines maintenant, c’est d’une puissance qui fait presque perdre toute logique, induite, intégrée peut-être, c’en est assez décontenançant. Ce que j’ai vu hier, c’était d’abord une grande famille, mais surtout un idéal de société. Un groupe de jeunes, de vieux, de quarantenaires qui parlent autour d’un feu, le poing levé à chaque voiture qui passe en klaxonnant, et elles sont bien nombreuses, des discussions et des débats sur tous les sujets, des pères qui échangent, émus, les photos de leurs enfants, ou qui se filment en FaceTime pour leur souhaiter un bon réveillon, des parents inquiets pour leurs enfants, pour l’avenir qu’ils leur laissent.

Ce qui m’a touchée c’est de voir ces gens qui viennent avec leur histoire, et qui sont maintenant capables de dire en face qu’ils sont prêts à mourir, se sacrifier pour assurer un avenir meilleur, plus juste, plus serein, pour leurs enfants et ceux des autres. Je n’avais jamais autant senti cette intense humilité, cette volonté de persévérer dans la lutte, et dans la construction d’un mouvement toujours plus puissant et qualitatif, mais aussi ce savoir vivre ensemble, cet esprit de partage et de camaraderie. Je retiens l’ambiance, les klaxons, les feux d’artifice de fortune, les chants (c’est à ça que l’on voit les valeurs communes puis ceux qui chantaient la Marseillaise, ceux qui ne la chantaient pas et ceux qui chantaient Révolution Permanente), les danses, des hommes et des femmes qui se respectent et se répartissent les tâches, tout en commun, partagé, une auto-organisation, auto-gestion parfaite sans cesse en amélioration par exemple pour la reconstruction du camp après le passage des centaines de forces de l’ordre qui les décampe. Puis la solidarité, le soutien de ces gens qui passent le péage gratuitement et qui klaxonnent, ces gens qui petit à petit commencent par mettre le gilet jaune sur leur tableau de bord, puis à l’enfiler, rejoignent la lutte et puis l’enlèvent enfin parce qu’on n’aura même plus besoin de signe distinctif, comme disait un gilet jaune, « ce sera plus les gilets jaunes, ce sera le peuple tout entier qui s’unira ».

 
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