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La Izquierda Diario
7 de juillet de 2015 Twitter Faceboock

Radicaux et conciliateurs au sein du gouvernement grec
Varoufakis, dindon de la farce ?
Ciro Tappeste

De façon assez surprenante, dès le lendemain de la victoire du « non » qui était, pour partie, « sa » victoire, Yanis Varoufakis, le ministre de l’Economie d’Alexis Tsipras, a posé sa démission, immédiatement acceptée par le Premier ministre grec. Nombre d’analystes ont salué le geste et le sens des responsabilités d’un homme qui n’aurait pas souhaité faire obstacle à la reprise des négociations entre son pays et les créanciers. En réalité, la démission de Varoufakis est le symptôme du renforcement de Tsipras, de sa garde rapprochée et de l’aile la plus conciliatrice de Syriza et, par ricochet, de l’affaiblissement de son aile gauche, empêtrée dans un certain nombre de contradictions.

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Varoufakis faisait de l’ombre à Tsipras ?

Il y a donc plusieurs lectures de la démission soudaine du flamboyant et assez peu conformiste ministre de l’Economie grec. Officiellement, il a livré lui-même la raison de son retrait, sur son propre blog, dès lundi matin : « Peu de temps après l’annonce des résultats du référendum, on m’a informé d’une certaine préférence de plusieurs membres de l’Eurogroupe et de ‘partenaires’ associés (…) pour mon ‘absence’ des réunions ; une idée que [Alexis Tsipras] a jugé potentiellement utile à l’obtention d’un accord. Pour cette raison, je quitte le ministère des Finances aujourd’hui ». Une preuve éclatante de son sens des responsabilités, paraît-il, dont devraient s’inspirer nombre de « nos » politiciens, cramponnés à leurs sièges de parlementaires et à leur maroquin ministériel.

Les plus médisants ont noté que sa démission, immédiatement acceptée par la présidence grecque du conseil, était en réalité due à son non-respect de l’étiquette. Comme s’il avait voulu tirer la couverture à lui, Varoufakis ne s’est pas retenu, dimanche soir, et a fait ses premières déclarations, dès la publication des premières projections de sortie des urnes, avant même Tsipras, lui brûlant ainsi la politesse. Ce dernier, dans une colère noire, aurait exigé la démission de son ministre. Il est vrai que Varoufakis, en plus d’être extrêmement populaire, a été le député de Syriza le mieux élu lors du scrutin du 25 janvier et pouvait représenter, par conséquent, un challenger de taille pour le Premier ministre grec. Mais les raisons du pas de côté de Varoufakis dépassent, et de loin, un simple enjeu de rivalités entre les deux hommes.

Restructuration de la dette vs « hair cut »

Que sa décision soit, pour partie, liée aux pressions de l’Eurogroupe ou d’une lutte de pouvoir interne, c’est surtout l’expression d’une reprise en main extrêmement forte de Tsipras qui pourrait bien utiliser le résultat du référendum, si la situation sociale ne se réchauffe pas, pour se contenter de négocier dans de meilleures conditions avec la Troïka, sur une base encore plus modérée que celle proposée par Varoufakis. Ce dernier, qui n’a de marxiste que la réputation, est partisan d’une relance par l’investissement. C’est ainsi qu’il a prôné, en forme de clin d’œil néo-keynésien, « un investissement immédiat du ‘non’ en une solution positive », qui consisterait, pour lui comme pour ses partisans, Joseph Stiglitz ou James K. Galbraith, en une renégociation profonde de la dette grecque auprès des Etats et des institutions qui représentent 85 % de ses créanciers.

Beaucoup plus mesuré et ne voulant braquer outre mesure Berlin, qui ne veut absolument pas entendre parler de la dette grecque, Tispras ne défend que l’idée d’un « hair cut », à savoir d’un rabotage très partiel de la dette pour en alléger le fardeau, sans la remettre en cause à aucune moment, tout en acceptant le gros des mesures austéritaires que souhaiterait imposer la Troïka. L’intransigeance allemande fait apparaître, en creux, la position de Tsipras comme extrêmement audacieuse là où, en réalité, elle est partagée par une partie de l’establishment financier international, qui sait que la dette grecque ne sera jamais réglée en totalité.

De caution à kleenex

Varoufakis, pendant cinq mois et demi, aura donc servi de paravent fantasque et radical aux renonciations en cascades de Tsipras, jusqu’à la décision de convoquer le référendum. Maintenant qu’il n’en a plus besoin, Tsipras s’en sépare. La gauche de Syriza, à commencer par la Plateforme de Gauche conduite par Panagoitis Lafazanis, ministre de la Reconstruction productive, de l’Environnement et de l’Energie, a joué, jusqu’à présent, un rôle assez semblable, tout en étant sur des positions plus intransigeantes, au moins en discours, que celles de Varoufakis, mais fonctionnelles en dernière instance à Tsipras. Si elle continue à représenter, aujourd’hui, une sorte de caution « radicale » du gouvernement, la Plateforme de Gauche, qui avait fait de la rupture avec l’UE et du « non » au référendum l’alpha et l’oméga de sa ligne politique, se retrouve aujourd’hui, aussi paradoxal que cela puisse sembler, sans politique.

Lafazanis et la Plateforme de Gauche, impuissants

Dans ses déclarations à la télévision grecque, dimanche soir, Lafazanis a souligné que la victoire du « non » représentait un « tremblement de terre politique », qu’il s’agissait de l’expression de la révolte des classes populaires contre l’austérité, tout en réclamant que « le gouvernement radicalise sa politique ». Lui faisant écho, Stathis Kouvélakis demande que « le gouvernement et les forces populaires soient à la hauteur de la situation », comme s’il existait une identité d’intérêt entre un Yannis Dragassakis, le « Monsieur économie » de Syriza (artisan et fossoyeur du programme de Thessalonique), actuellement vice-président du gouvernement, ou un Euclide Tskalotos, actuel chef des négociateurs grecs à Bruxelles et successeur de Varoufakis, et les masses populaires grecques qui ont voté contre l’austérité sous toute ses formes. « Il n’y a pas de retour possible au piège mortifère des ‘négociations’ qui ont duré cinq mois et demi, poursuit Kouvélakis. Le mandat populaire est clair : aller de l’avant, quel que soit le prix à payer ».

On aura rarement vu politique aussi velléitaire. En restant au gouvernement pour s’en faire chasser par la suite, Varoufakis aura joué les épouvantails-utiles. Lafazanis et ses partisans, aujourd’hui, en restant au gouvernement et en implorant que ce dernier change de braquet, n’auront bientôt que leurs yeux pour pleurer. Car Tsipras a annoncé la couleur : tout en ayant promis (comme à son habitude), un nouvel accord dans les 48 heures, il va négocier et veut trouver une situation avant le 20 juillet avec les créanciers, sur la base de l’accord austéritaire qu’il leur avait soumis, déjà, la semaine dernière et qui avait été rejeté par Berlin.

Il y a deux agendas irréconciliables : celui de l’approfondissement du « non » à travers les mobilisations populaires et ouvrières, avec la reprise de l’initiative de classe, ce qui implique se placer en faux par rapport à un Tsipras qui s’apprête à négocier avec Bruxelles, et l’agenda gouvernemental, quelles que soient les voix dissonantes qui s’y expriment. Perdre du temps, c’est jouer pour Bruxelles, contre le « non » et surtout contre les masses populaires grecques qui ont montré, en résistant aux multiples pressions de ces derniers jours qui vont aller croissant, qu’elle voulaient aller jusqu’au bout. Mais sans programme, ou en étant à la remorque de ce gouvernement, il sera compliqué « d’être à la hauteur ».

 
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