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La Izquierda Diario
5 de janvier de 2019 Twitter Faceboock

Un Gilet Jaune vraiment ?
Bernard Tapie soutient l’auto-proclamé Christophe Chalençon : dehors les grands patrons et les récupérateurs !

Celui qui se présente comme un des leaders des « Gilets Jaunes libres », mouvement créé par Benjamin Cauchy et lié à Debout la France, est désormais directement soutenu par Bernard Tapie pour former une liste aux européennes. Hommes d’affaires sans scrupules, pseudo porte-paroles proches de l’extrême-droite et politiciens médiocres : les hyènes sont de sortie pour récupérer les Gilets Jaunes.

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Crédits photos : Crédit : FRANCK PENNANT / AFP

Bernard Tapie soutient Chaleçon : la manœuvre pour récupérer le mouvement par les urnes

Un des effets inattendus des Gilets Jaunes consiste aussi à donner une seconde vie à tous les arrivistes de première. C’est ainsi qu’à 75 ans, Bernard Tapie mobilise son pouvoir financier « au services des Gilets Jaunes », comme il l’affirme. Ce dernier a mis des locaux du quotidien La Provence, dont il est propriétaire, à la disposition de Christophe Chalençon, porte-parole autoproclamée des Gilets Jaunes notamment favorable à une intervention de l’armée et proche du parti de droite-extrême Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan.

Une initiative qui est mal passée du côté des journalistes de la Provence, inquiets de voir le nom du journal associé directement à celui des Gilets Jaunes sous l’égide de Bernard Tapie sans leur aval, un malaise qu’a tenté d’enterrer rapidement Jean-Christophe Serfati, le PDG de La Provence : « Personne n’assistera à cette réunion, il s’agit juste d’une mise à disposition de locaux par le propriétaire actionnaire. »

Mais la réunion n’avait nullement vocation à structurer démocratiquement le mouvement ou construire celui-ci par la base et amplifier la mobilisation. La visée est purement électoraliste, comme le rapporte le Figaro, avec en vue la constitution d’une liste éventuelle pour les européennes : « Il est question de la création d’une association, première étape vers la construction d’une offre politique avant le scrutin des européennes. « On est en train de mettre en place un outil, avec lequel les 36.000 communes françaises vont pouvoir travailler autour des assemblées citoyennes, a déclaré Chaleçon. On vous demande seulement quatre heures. Après, vous allez pouvoir vous exprimer démocratiquement ».

Pourtant, la manœuvre est loin d’être innocente de la part de Tapie. Déjà, l’homme d’affaires n’est pas novice en politique, ce dernier a notamment été ministre de la Ville au sein du gouvernement Bérégovoy, député français élu dans les Bouches-du-Rhône, député européen et conseiller général des Bouches-du-Rhône. Ensuite, quand on regarde de plus près le positionnement politique de Tapie, on a vite fait de comprendre que son projet est largement opposé à celui des Gilets Jaunes.

Premièrement, loin d’offrir un cadre de débat et de structuration démocratique, on apprend dans le Figaro qu’une compagnie de sécurité a été mobilisée pour effectuer un tri à l’entrée : « Une société de sécurité avait même été prévue : sur les quelque 150 personnes qui se sont rendues devant les grilles des locaux, certains se sont d’ailleurs vus refuser l’entrée. » Plutôt loin des déclarations de Bernard Tapie pour qui les Gilets Jaunes « ont retrouvé ce sens du “vivre ensemble” français qui a fait notre force. »

Deuxièmement, quand on regarde le diagnostic fait par Tapie sur les Gilets Jaunes, on est loin de ce qui est en réalité revendiqué par le mouvement. Selon ce dernier, les causes de la colère des Gilets Jaunes seraient notamment « les 35 heures, qui ont imposé l’idée que, pour être heureux, il fallait bosser moins, alors qu’une bonne façon d’être heureux, c’est de se sentir utile », ou bien encore « une immigration mal maîtrisée, percutée par la montée de l’islamisme » – un sujet pourtant totalement absent des revendications des Gilets Jaunes, sur lesquels Bernard Tapie ne fait que projeter ses propres projets politiques. Des analyses de l’homme d’affaires ancrées bien à droite, et qui relèguent au second plan les revendications centrales des Gilets Jaunes sur le pouvoir d’achat – notamment la hausse du SMIC – et les revendications démocratiques contre la Vème République.

Troisièmement, la manœuvre de Tapie s’inscrit explicitement dans le cadre d’une récupération sur le terrain des institutions parlementaires, alors même que la mobilisation se poursuit dans la rue au cours de l’acte VIII, et que c’est cette mobilisation dans la rue ce qui a été la cause du premier recul historique du quinquennat Macron. Mais pour Bernard Tapie, l’objectif est clair, comme le rapporte Le Figaro : « Les « gilets jaunes » doivent selon lui contribuer à ce que l’offre électorale devienne « suffisamment large, crédible et audacieuse pour qu’il n’y ait plus que des votes d’adhésion dans ce pays », Tapie souhaite qu’ils y aident en pesant électoralement. Il n’est pas convaincu qu’ils parviendront à se présenter aux européennes dans cinq mois - « je l’espère pour eux mais ça me paraît court. »

Dehors les récupérateurs en tout genre : pour une organisation démocratique par la base des Gilets Jaunes !

Ces récupérateurs en tout genre font le jeu du gouvernement, qui entend replacer le mouvement sur le terrain parlementaire et « démocratique » en cooptant les franges les plus réformistes dans le cadre de son « grand débat », puis ensuite aux élections européennes – une liste Gilets Jaunes aux européennes affaiblirait en effet directement l’adversaire principal du gouvernement qu’est Marine le Pen.

Contre ces vautours prêts à tout pour se nourrir des Gilets Jaunes, ces derniers doivent se doter d’organes d’auto-organisation démocratiques à la base, seule façon d’expulser non seulement les réactionnaires de leurs rangs, mais aussi de se doter d’instruments robustes et démocratiques de représentation pour porter pleinement leurs revendications et résister à toute forme de récupération. A ce titre, certains exemples pourraient servir d’inspiration, notamment celui de l’Assemblée de Commorency.

L’exemple de l’Assemblée de Commorency : « une assemblée des assemblées » pour décider démocratiquement

Ainsi, à Commercy, dans la Meuse, les Gilets Jaunes ont lancé le 30 décembre un appel pour réunir une coordination nationale des assemblées locales de gilets jaunes, véritable forme préliminaire de ce que pourrait être une forme démocratique à la base, « une assemblée des assemblées ».

Déjà dans un premier appel publié début décembre les gilets jaunes de Commercy avaient pris l’initiative positive d’appeler au développent d’assemblées générales populaires partout où il y avait des gilets jaunes. Le 30 décembre ils avait fait connaître un deuxième appel, décidé au cours de leur assemblée locale. Dans ce texte très progressiste – reproduit en fin d’article – ils appellent à continuer le mouvement, et tous ceux qui n’ont pas encore de gilet « à l’enfiler sans crainte », réaffirmant que les concessions annoncées par le gouvernement, aussi dérisoires soient-elles, doivent être vues comme un encouragement à aller plus loin : « car nos gouvernants ont tremblé et tremblent encore sur leur piédestal ». Ce que nous ne pouvons qu’agréer.

Comme beaucoup de Gilets Jaunes ils revendiquent la capacité et la légitimité de tous à pouvoir décider et se représenter : « nous avons compris que nous étions capables de nous représenter nous-mêmes, sans tampon entre les puissants et le peuple, sans partis qui canalisent les idées à leur seul profit, sans corps intermédiaires davantage destinés à amortir les chocs, à huiler le système, plutôt qu’à nous défendre ».

Les gilets jaunes de Commercy mettent en garde, à raison, contre les diverses tentatives de récupération du mouvement, notamment par ceux qui peuvent s’autoproclamer porte-paroles du mouvement sans avoir été élus ou les partis qui commencent à tenter de récupérer le mouvement via des listes aux Elections européennes.

En effet, dans le cadre du mouvement des Gilets Jaunes, cette coordination des assemblées locales pour décider d’un cahier de revendication commun, telles que la propose l’assemblée de Commercy, est la condition sine qua non pour empêcher toute instrumentalisation du mouvement et s’assurer que la parole portée par le mouvement soit réellement celle de la base.

 
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