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La Izquierda Diario
15 de février de 2019 Twitter Faceboock

Le premier condamné à siéger dans la plus haute instance juridictionnelle française
Alain Juppé nommé au Conseil Constitutionnel
Jackson Leniwy

Le Conseil Constitutionnel va accueillir trois nouveaux membres le 11 mars prochain dont Alain Juppé. L’ancien candidat à la primaire de la droite a donc quitté la mairie de Bordeaux pour ce poste prestigieux à la plus haute fonction juridictionnelle de l’Etat, lui qui a pourtant déjà été condamné par la justice en 2004. Une nomination en forme de cadeau de la part du gouvernement.

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Comme tous les trois ans, trois membres du Conseil Constitutionnel doivent être renouvelés. Ils sont désignés pour un mandat de neuf ans, respectivement par le président de la République, le président de l’Assemblé Nationale et le président du Sénat - un exemple édifiant de séparation des pouvoirs.

Si Emmanuel Macron a proposé à la nomination son ancien ministre Jacques Mézard pour services rendus et Gérard Larcher s’est tourné vers le sénateur (LR) du Cher François Pillet, c’est Richard Ferrand, président de l’Assemblée Nationale qui a créé la surprise ce mercredi. Ce dernier a en effet proposé le nom d’Alain Juppé, l’éternel maire de Bordeaux. Avant de prendre leurs fonctions le mars prochains, les trois hommes devront être validés par l’ensemble des parlementaires, ce qui ne fait guère de doute.

Un choix justifié dans un communiqué qui évoque « un homme d’Etat, fort d’une expérience de la décision publique, qui saura avec une véritable exigence républicaine garantir le respect des principes et des règles fondamentales de la Constitution de la République », et soutenu par Edourad Philippe – qui s’avère avoir été l’un des ses plus proches collaborateurs lors la campagne pour les primaires de 2017. « C’est une très bonne nouvelle pour la République », a ainsi déclarait le Premier ministre dans la foulée. De là à y voir une stratégie de rapprochement de la Macronie avec la droite, il n’y a qu’un pas. Alain Juppé ne s’était d’ailleurs pas caché dès juin 2017, quelques semaines seulement après l’élection d’Emmanuel Macron, pour se rapprocher du gouvernement. En pleine campagne pour les législatives, il avait alors soutenu la candidate LREM Aurore Bergé contre Jean-Frédéric Poisson, le candidat des Républicains. Une stratégie d’appels du pieds répétés à Macron et sa clique qui s’est donc avérée payante.

Il s’agit dans tous les cas d’un beau cadeau de départ à la retraite pour l’ancien cadre de l’UMP puis des Républicains, candidat un temps favori de la dernière primaire de la droite et du centre pour les présidentielles de 2017. Alain Juppé devient ainsi le premier homme politique condamné par la justice au cours de sa carrière à siéger à la plus haute instance disant la loi, quelle ironie. L’ancien Premier ministre – qui avait démissionné à la suite des contestations sociales de novembre et décembre 1995 – a, en effet, été condamné en 2004 dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Exilé plusieurs années au Canada le temps de purger sa peine d’inéligibilité, il avait depuis tenté de prendre la relève de Nicolas Sarkozy comme ténor de la droite pour atteindre la présidence de la République. C’était sans compter sur la surpise François Fillon en novembre 2017.

Alors qu’il avait annoncé lors de sa réélection à la mairie de Bordeaux en 2014 qu’il ne se représenterait pas en 2020, de peur du « mandat de trop », Alain Juppé n’ira donc même pas au bout dudit mandat. Il quitte Bordeaux dans un contexte des plus tendus, puisque la ville connaît l’une des répressions les plus sévères chaque samedi depuis le début du mouvement des « Gilets Jaunes » et que plusieurs Bordelais font partie des blessés graves par grenade ou LBD-40.

Jeudi, il a tenu un discours qui se voulait emprunt d’émotion pour ses adieux à la mairie de la ville. « Quitter cet hôtel de ville est pour moi évidemment un crève-cœur », a-t-il déclaré. « J’ai aimé faire ce combat, et je l’ai fait pendant plus de quarante ans, toujours avec passion. Aujourd’hui l’envie me quitte, tant le contexte change. »

La majorité LR au conseil municipal de Bordeaux a déjà communiqué deux noms pour remplacer Alain Juppé à la tête de la ville et de la métropole. Il s’agit de Nicolas Florian, qui prendra le poste de maire de Bordeaux, et de Patrick Bobet, maire de la commune du Bouscat, qui prendra lui la direction de Bordeaux Métropole.

Comprenez : Alain Juppé accepte de quitter la politique pour le droit par lassitude envers cette dernière. Ou par appât du gain et du prestige, peut-être. Car faire partie des neuf membres nommés (en plus du président du Conseil Laurent Fabius et des membres de droit que sont les anciens présidents de la République – bien que Nicolas Sarkozy et François Hollande refusent de siéger) est une véritable montée en grade, même pour Alain Juppé. A cela s’ajoute la juteuse rémunération liée à la fonction. En plus de ses différentes retraites liées à tous les mandats qu’il a occupés dans sa carrière, l’ancien maire pourra désormais ajouter pas moins de 13.300€/mois selon Capital. Une estimation basée sur la déclaration d’intérêt de Nicole Belloubet, du temps où elle y siégeait, avant de devenir ministre de la Justice du gouvernement actuel.

A noter que les trois hommes nommés sont trois anciens politiques, et aucun homme de droit. Une situation qui interroge. « la confusion que ces nominations entretiennent sur les relations entre le Conseil et le pouvoir politique est regrettable », estime un professeur de droit de la Sorbonne Paris-I sous couvert d’anonymat, dans les colonnes du Monde. Un exemple de plus du flou qui règne entre juridique et politique, alors que la répression pénale du mouvement des « Gilets Jaunes » depuis plus de deux mois maintenant est purement politique. Pour rappel ce sont aujourd’hui plus de 1.800 « Gilets Jaunes » qui ont été condamnés depuis le début du mouvement, et presque autant qui sont en attente d’un jugement.

Crédit photo : Nicolas Tucat/AFP

 
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